I. 4 4 Les explorations neurofonctionnelles
55 SUJETS SAINS D' APRES B RUDER 2002
FIGURE I‐11 MOYENNE DE LA DOMINANCE DE L'HEMISPHERE DROIT LORS DU TEST DES VISAGES CHIMERIQUES CHEZ DES PATIENTS SOUFFRANT DE DEPRESSION ATYPIQUE ET NON ATYPIQUE AU COURS D'UN TROUBLE DEPRESSIF MAJEUR (N=17 ET N=15 RESPECTIVEMENT) OU D'UN TROUBLE DYSTHYMIQUE (N=17 ET N=15 RESPECTIVEMENT). D’APRES BRUDER 2002.
FIGURE I‐12 MOYENNE DE LA DOMINANCE DE L'HEMISPHERE DROIT LORS DU TEST DES VISAGES CHIMERIQUES CHEZ DES PATIENTS SOUFFRANT DE DEPRESSION ATYPIQUE (N=49) ET DE DEPRESSION NON‐ATYPIQUE (N=22) AVEC UN TROUBLE ANXIEUX COMORBIDE ET DE PATIENTS SOUFFRANT DE DEPRESSION ATYPIQUE (N=115) ET DE DEPRESSION NON‐ATYPIQUE (N=59) SANS TROUBLE ANXIEUX COMORBIDE. D’APRES BRUDER 2002.
K. Fountoulakis et collaborateurs se sont intéressés aux modifications neuro‐ fonctionnelles cérébrales de patients souffrant de dépression à caractéristiques atypiques ou mélancoliques, en utilisant l’imagerie par tomographie à émission monophotonique (SPECT), associé à l’administration d'hexa‐méthyl‐propylène‐amine‐ oxime (HMPAO) [94]. L’HMPAO est une molécule de synthèse qui peut être marquée par le technétium 99m (99mTc). Après injection intraveineuse, l'HMPAO se fixe dans le
cerveau proportionnellement au débit sanguin cérébral. On peut ainsi mesurer le débit sanguin d’une région cérébrale avec la quantité d'HMPAO fixée. Les mesures de perfusion étaient ensuite analysées afin de comparer les patients souffrant de dépression mélancolique et atypique, ainsi que les sujets sains. Les résultats montraient que chez les patients déprimés, il y avait, par rapport aux sujets sains, une diminution d’activité cérébrale hémisphérique globale qui respectait les lobes frontaux. Les patients souffrant de dépression avec caractéristiques atypiques présentaient eux une hypoactivité pariétale et occipitale gauche, mais également par une hypoactivité hémisphérique globale moins importante. De plus, par rapport aux patients souffrant de
dépression mélancolique, les patients souffrant de dépression atypique présentaient une hyperactivité fronto‐temporale (Tableau I‐10).
K. Fountoulakis rappelait des travaux d’E.M. Reiman [95] qui avaient suggéré que l’hyperactivité des régions cérébrales temporo‐occipitales pourraient être liées à la reconnaissance de stimuli menaçants ou désagréables. L’hyperactivité temporo‐ occipitale présente chez les patients souffrant de dépression mélancolique pourrait alors contribuer à la persistance de perception de stimuli négatifs. K. Fountoulakis formulait ensuite l’hypothèse que l’hypoactivité de ces régions chez les patients souffrant de dépression atypique pourrait être liée à la préservation de la réactivité de l’humeur à des événements positifs.
K. Fountoulakis formulait l’hypothèse qu’une diminution de l’activité des lobes pariétaux était au cœur de la dépression, et que les différences entre les sous‐types dépressifs pouvaient s’expliquer par deux hypothèses:
1) la perturbation (augmentation ou diminution) de l’activité cérébrale débute dans les lobes pariétaux, pour ensuite atteindre les lobes frontaux et occipitaux ; ce modèle suggèrerait que tous les sous‐types dépressifs ont une origine commune, et sont les phases successives d’une seule maladie.
2) la diminution de l’activité des lobes pariétaux est secondaire aux affects dépressifs, ce qui expliquerait sa présence dans tous les sous‐types. L’origine de la dépression mélancolique serait à rechercher dans la diminution de l’activité du lobe frontal gauche et de l’augmentation de l’activité du lobe occipital droit. L’origine de la dépression atypique serait liée à l’augmentation de l’activité frontale droite, rejoignant les résultats de G. Bruder précédemment décrits, et dans la diminution de l’activité des lobes occipitaux.
Enfin les patients souffrant de dépression à caractéristiques mélancoliques ne différaient pas des patients souffrant de dépression indifférenciée, ce qui renforçait l’hypothèse d’une distinction du type de dépression en fonction de la présence ou de l’absence de caractéristiques atypiques.
M vs C A vs C A vs M Tronc cérébral Frontal droit ↑ ↑ Frontal gauche ↓ ↑ Pariétal droit ↓ ↓ Pariétal gauche ↓ ↓ Temporal médial droit ↓ ↑ Temporal médial gauche ↑ Temporal latéral droit ↓ ↑ Temporal latéral gauche ↓ ↑ Occipital droit ↓ Occipital gauche ↓ ↓ Thalamus droit Thalamus gauche ↓ ↓ Pallidum droit Pallidum gauche ↓ Noyau caudé droit ↓ Noyau caudé gauche ↓ ↑
TABLEAU I‐10 PERFUSION DE DIFFERENTES REGIONS CEREBRALES EN FONCTION DU SOUS‐TYPE DEPRESSIF ET COMPARE A DES SUJETS CONTROLES. M : DEPRESSION AVEC CARACTERISTIQUES MELANCOLIQUES ; A : DEPRESSION AVEC CARACTERISTIQUES ATYPIQUES ; C : SUJETS CONTROLES ; ↑ : SUPERIORITE SIGNIFICATIVE DU PREMIER ELEMENT SUR LE SECOND ; ↓ : INFERIORITE SIGNIFICATIVE DU PREMIER ELEMENT SUR LE SECOND.
ADAPTE DE FOUNTOULAKIS 2004.
Marco Pagani et collaborateurs ont également comparé les débits sanguins des sujets souffrant de dépression avec et sans caractéristique atypique avec des sujets sains en utilisant l’imagerie cérébrale SPECT et une fixation par HMPAO marqué au 99mTc[96].
Les résultats de cette étude différaient de celle de K. Fountoulakis. Les patients souffrant de dépression ne présentait pas de diminution globale de l’activité des lobes pariétaux. En revanche les patients souffrant de dépression non‐atypique présentaient une diminution de l’activité du lobe frontal et du cortex pariétal associatif droits (Figure I‐13). M. Pagani rappelait que le cortex préfrontal dorso‐latéral droit avait été impliqué par M. Liotti et H.S. Mayberg dans les interactions cognitives et émotionnelles dans la dépression [97]. Les patients souffrant de dépression atypique ne présentaient pas de perturbation de l’activité de cette région, M. Pagani suggérait qu’elle pourrait contribuer à la préservation de la réactivité de l’humeur.
FIGURE I‐13 IMAGE EN 3D A PARTIR DE VOXELS (PIXELS EN 3D), REFLETANT L'AUGMENTATION DE LA DISTRIBUTION DU TRACEUR (EN ROUGE) CHEZ DES PATIENTS SOUFFRANT DE DEPRESSION NON‐ATYPIQUE, COMPARES A DES SUJETS SAINS. D’APRES PAGANI 2007.
Les patients souffrant de dépression atypique, par rapport autres patients déprimés, présentaient une augmentation bilatérale de l’activité des cortex sensori‐
moteurs et prémoteurs, du cortex frontal médian, du cortex associatif pariétal et du lobule pariétal inférieur (Figure I‐14). M. Pagani suggérait que l’augmentation de l’activité des cortex sensori‐moteurs pourrait être liée à la manifestation de lourdeur des membres chez les patients souffrant de dépression atypique. L’obtention de résultats différents de K. Fountoulakis pourrait d’après M. Pagani s’expliquer par des différences entre les caractéristiques des échantillons étudiées, notamment l’âge moyen, la distribution des genres et les profils de symptômes.
FIGURE I‐14 IMAGE EN 3D A PARTIR DE VOXELS (PIXELS EN 3D), REFLETANT L'AUGMENTATION DE LA DISTRIBUTION DU TRACEUR (EN ROUGE) CHEZ DES PATIENTS SOUFFRANT DE DEPRESSION ATYPIQUE, COMPARE A DES PATIENTS SOUFFRANT DE DEPRESSION NON‐ATYPIQUE.