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IV. Mise en œuvre de dispositifs participatifs dans des processus multi-acteurs

3. Tout sujet doit pouvoir être abordé

Dans certains des milieux industriels étudiés, dans le domaine de produits de consommation et des industries culturelles notamment, le travail entrepris avec les usagers est très structuré, les objectifs et les attentes sont définis clairement et en detail. Les discusions y sont très cadrées et les usagers n’ont pas de véritable marge de manœuvre concernant les thématiques qui leur sont adressées. Ceci n’est pas le cas dans les NTIC où l’objectif est plutôt de mobiliser les usagers en les considérant comme des acteurs de l’innovation. Toutes les questions, les remarques ou leurs détournements sont considerés comme source de créativité et d’inspiration et sont de ce fait bienvenus.

Dans le domaine d’urbanisme, un des principaux enjeux d’un processus participatif concerne les thèmes qui sont mis à la discussion. Selon les auteurs qui se sont exprimés à ce sujet, tous les thèmes qui font débat devraient pouvoir être abordés. Plusieurs raisons entravent cette liberté de parole. Le temps du projet concorde rarement avec celui de la concertation. La plupart des décisions concernant le projet sont en effet déjà prises au moment des discussions. Cette limite réduit le nombre des thèmes qui peuvent être mis en débat. Elle permet ainsi aux porteurs du projet d’éviter certains sujets de controverse. Elle les incite aussi à écarter les thématiques qu’ils considèrent trop complexes pour être abordées avec les habitants.

Le temps du projet et celui de la concertation

La mobilisation contre le projet d’Alma-Gare et celui de l’ilot Stephenson ont donné lieu à leur totale remise en cause. Les habitants ont ainsi pu participer à l’élaboration de nouveaux projets dès leur origine, ce qui est rare sans ce type de conflit. Ils sont généralement intégrés au processus du projet à une étape plus avancée du projet, et leur intervention se réduit à des thèmes limités. A l’Union, le travail avec les acteurs de la société civile a été entamé en 2007. Ces acteurs ont été intégrés au projet à partir du moment où ce dernier était défini dans ses grandes lignes. Le retard pris par la mise en place de différentes instances de rencontre a encore plus retardé l’intervention des acteurs de la société

civile tandis que le projet se poursuivait à son rythme : « le projet a démarré en 2007, mais on est toujours en train de dire que c’est un projet participatif et qu’on commence demain » explique un des militants qui est impliqué dans le projet. La conception sectorielle actuelle ne semble pas interpeller les associations qui auraient préféré par exemple travailler sur des stratégies plus globales, et notamment au stade de la programmation, comme le démontre le projet dessiné par Coquerel. La synchronisation du temps de la concertation avec celui du projet représente ici un enjeu difficile à atteindre. Le projet d’aménagement s’est poursuivi tandis que la concertation restait encore au stade de la réflexion.

En comparaison, le travail mené avec les consommateurs dans les milieux industriels que nous avons étudiés semble plus cohérent. Il se donne comme objectif de comprendre leurs comportements, leurs choix et leurs attentes. De fortes relations s’établissent dès l’origine entre les enjeux des concepteurs et les attentes des usagers et ce lien a une influence sur le processus même de la conception. Pour le porteur du projet, le travail réalisé avec les usagers constitue une opportunité pour nourrir sa réflexion. Une telle démarche n’est possible que si elle débute très tôt, dès que l’équipe de conception estime avoir besoin de constituer une base de connaissances sur l’usage potentiel des produits qu’elle étudie. Toute modification ultérieure pouvant entrainer des coûts importants, l’équipe de projet considère nécessaire de valider ses premières hypothèses avec de futurs usagers. Les instances participatives dans le domaine de l’urbanisme ne semblent pas répondre aux mêmes finalités. Le manque de synchronisation entre le temps du projet et celui de la participation qui les caractérise témoigne en réalité d’un manque de clarté sur les finalités des porteurs de projets concernant les démarches de ce type.

La question de l’échelle

Les thématiques sur lesquelles portent les débats participatifs constituent un autre enjeu important de la participation. Dans le cadre du projet d’Alma-Gare, celles-ci ont été définies par les membres de l’APU à partir d’une analyse fine du terrain. Les habitants participaient principalement à l’élaboration de cahiers de charge concernant certaines composantes du projet. Dans le cas du projet de l’Union, les thématiques de travail des instances partipatives ont été définies par les porteurs du projet eux-mêmes. Ces choix étaient orientés en fonction de diverses considérations. Les personnes interrogées considèrent qu’il est difficile de faire de la concertation sur un projet aussi complexe que l’Union. Une telle démarche exigerait de la part des habitants et des associations des compétences techniques, ainsi qu’une mobilisation importante qu’on ne peut pas leur demander d’avoir, compte tenu notamment du temps limité qu’ils peuvent y consacrer, selon les responsables du projet. Ainsi, sur le projet de L’Union, la SEM-VR a commencé à travailler avec l’urbaniste en chef sur le schéma directeur après la concession d’aménagement de 2007 sans pour autant impliquer les acteurs de la société civile dans ce processus qu’elle considère trop complexe. « Travailler avec les habitants sur la programmation des maisons qui vont être construites en 2017, c’est sans doute prématuré » explique un des responsables

du projet, qui ajoute que les responsables du projet essayent « de définir des sujets plus restreints pour travailler avec les associations … Il faut faire émerger des sujets qui ont une importance suffisante pour que les gens se sentent impliqués dans quelque chose d’essentiel, comme par exemple l’aménagement du parc ».

Les acteurs de la société civile confirment le fait que le projet de l’Union est trop vaste et trop complexe pour eux. Ils ne sont néanmoins pas d’accord avec la démarche entreprise par l’aménageur pour limiter les thèmes de discussion à des sujets de leur point de vue peu mobilisateurs comme la constitution d’une liste des noms de rues, la mise en œuvre d’une maison de projet, ou le cadre des conversations publiques à l’Atelier électrique. Les membres de la société civile expliquent que les réunions de travail sont sympathiques et conviviales, mais que le travail réalisé n’a aucun impact sur le projet. Le Collectif de l’Union milite par exemple pour la mise en place d’une approche incrémentale, une des thématiques étudiées en interne qui impliquerait la remise en cause complète du projet actuel. Cette demande ne trouve évidemment pas d’écho auprès des acteurs institutionnels qui ne sont pas prêts à remettre en cause leur projet.

L’etendu d’un projet urbain à l’echelle de l’Union et les differents enjeux qui s’y entrecroissent en font un objet complex à l’usage collectif. Ceci n’est pas le cas des produits issus des milieux industriels étudiés, ces objets sont ouvent à l’usage individuel et correspondent à des besoins precises, meme si leur conception necessite des connaissances techniques pointus.

4. Tous les participants devraient disposer des moyens