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Une autre stratégie revient à s’inscrire dans un autre Master à l’issue du premier. Pour accroître leur em- ployabilité tout en laissant ouvert le champ des pos- sibles, certains souhaitent accumuler les diplômes. Certains envisagent même de combiner expérience à l’étranger et nouveau diplôme. Ce choix n’apparaît pas pénalisant dans la mesure où ils conservent leur employabilité (ils pourront toujours revenir après un an ailleurs) tout en augmentant à leur sens leurs chances de trouver une meilleure situation : « Ça veut dire que là vous allez commencer bientôt à réfl échir à trouver une…

Oui, une autre alternance, aussi dans la gestion de patrimoine, juste pour le renom de l’école et la qualité du stage. […]

Même si on vous propose un CDI en septembre, vous renoncez au CDI ?

Je pense que je prends le risque de renoncer au CDI. Idéalement, je passe Bordeaux, et même si le stage à la fi n ils ne me proposent pas ce que j’espère, je pense que je pourrai très facilement re-prétendre à un poste de grand public ou conseiller bonne gamme dans ma

banque, et pas forcément à un moins bon salaire si je signe directement derrière. Je pense que la valeur ajou- tée de ce stage par rapport à un candidat extérieur n’est pas importante. Le seul intérêt que j’aurais au- jourd’hui à signer c’est que je n’aurai pas de période d’essai. Mais le poste en soi ne me plait pas. Pas du point de vue du salaire, mais humainement parlant, c’est toujours la même chose, c’est rébarbatif, on est tenu de suivre une politique produit assez lourde, et ça m’intéresse peu. » (Entretien n°20, Philippe, Fran-

çais, Gpat)

Le diplôme permet à l’étudiant de rester positionné comme tel et de ne pas s’engager trop tôt dans une carrière dont il ne pourra plus dévier. En cumulant les diplômes de Master, leurs aspirations augmentent néanmoins sans que les propositions d’emploi ne se modifi ent beaucoup. Ce mécanisme d’infl ation des diplômés peut à terme créer de la frustration vis-à-vis des postes proposés. La multiplication des diplômes est surtout fondée sur l’idée qu’elle permettrait de laisser ouvertes les perspectives futures de carrière. Cette volonté d’avoir le choix se cristallise avant l’entrée dans la vie active, cette dernière étant conçue comme une étape sans retour possible. Ainsi pour beaucoup, le retour aux études en cours de vie pro- fessionnelle est diffi cilement envisageable (alors même que d’autres de leurs collègues inscrits en for- mation continue dans la formation témoignent de cette possibilité) :

« C’est-à-dire que si on sort maintenant des études, clairement, c’est très dur d’y revenir après, donc si on veut faire quelque chose de plus, c’est maintenant qu’il faut le faire. Donc c’est délicat quand on n’a pas un objectif très précis, mais bon, s’il y a un moment où il faut continuer les études c’est maintenant. Donc après, on peut toujours repartir sur autre chose, sur le notariat, on repart sur 5 ans… tout est possible. »

(Entretien n°12, Octavio, Français, parents nés la péninsule ibérique, Gpat)

Ils justifi ent cette volonté d’accumuler un bagage de diplômes d’une part parce qu’ils perçoivent le di- plôme comme un sésame, sésame plus important que ne le serait l’expérience professionnelle. Ainsi l’idée d’une carrière dans la banque fondée sur la promo- tion interne est considérée au mieux comme une voie longue et peu garantie :

« À terme, si je devais choisir un poste, ce serait soit banque privée d’une grosse banque, soit un cabinet privé type U** ou R**, ou quelque chose comme ça. Et pour y arriver, malheureusement… je crois que ça ne passe pas… soit je signe et je fais deux ou trois ans, en poste de conseiller "bonne gamme", et à partir de là je prétends à un poste de CGP, et dans 12 ans je peux peut-être commencer, si je suis bon, à prétendre à un poste de banque privée, bien qu’ils vont me dire que j’ai pas la compétence entreprise… peut-être à 45 ans je pourrai y arriver, soit j’envisage, ce que je pense aujourd’hui, de faire un Master spé dans une école avec un libellé un peu plus coté que l’IAE Gutenberg, bien que j’apprécie énormément l’IAE Gutenberg, pour pouvoir avoir un stage haut de gamme et à partir de ce stage me vendre dans un truc… » (Entretien n°20,

Philippe, Français, Gpat)

En outre, dans leur compréhension de l’employabilité, le retour aux études ou un départ à l’étranger en cours de carrière risque d’être considéré comme une « incohérence », rendant le parcours moins linéaire pour un recruteur, et donc moins logique.

« Concrètement, si je souhaite faire ça, c’est que je ne pourrai pas le faire après, enfi n… peut-être inconsciem- ment je ne me sens pas salarié, je ne sais pas. Juste je pense que l’opportunité est là aujourd’hui, mais elle ne le sera plus forcément après. Une fois qu’on signe un CDI, on est dans la banque, on va souscrire un prêt à des conditions préférentielles pour son logement, il y a un cadre qui fait qu’on va être bloqué.

Une fois qu’on a signé un CDI on ne peut plus trop bouger ?

On peut, mais il faut déjà montrer à l’employeur que… faire ses preuves, se faire un nom, et puis si on peut bouger, on peut trouver ailleurs, mais personnelle- ment, je ne pense pas que si je fais le métier de conseil- ler en patrimoine pendant 4 ans, dans 4 ans je vais dire "je pars à l’étranger puisque je veux améliorer quoi que ce soit", je ne trouve pas ça cohérent. Je pense que pour ma part, quand je rentrerai dans le monde du travail, j’y serai. Et aujourd’hui, même si je me sens plus salarié qu’étudiant, je suis quand même encore sur ce double statut et qui m’offre cette liberté de l’année prochaine. » (Entretien n°30, Nathan,

TRAVAILLER SON EMPLOYABILITÉ : LES STRATÉGIES DE CONSTRUCTION DES PARCOURS ET LEURS CONTRAINTES

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Ils manifestent là encore une perception très segmen- tée des parcours, où chaque temps social est claire- ment délimité et étanche. C’est aussi pour cela que l’appréciation de l’avenir va évoluer avec une pre- mière entrée sur le marché du travail, l’endossement du statut de travailleur et la découverte des aléas de la précarité. Marine dont on a souligné la volonté de profi ter d’une étape d’expérimentation à l’étranger, retourne en France et travaille dans un magasin pen- dant deux ans. Faute de perspectives d’évolution stimulantes, elle recommence un Master 2 à l’IAE. A la fi n de ce dernier, elle déclare :

« Si on en vient à la question de l’analyse crédit, qu’avez-vous envie de faire après ?

Alors l’analyse crédit, n’importe où, je m’en fi che, je veux me faire de l’expérience. Après, je préférerais en banque, mais je vois la situation des banques en ce moment et ça m’étonnerait que je fi nisse en banque, après, je vous avouerai, c’est c..., mais je veux juste un CDI et qu’on me foute la paix. Juste un CDI, changer d’appart, avoir autre chose qu’un studio, et mettre de l’argent de côté et partir en voyage. Pas deux ans, juste trois semaines, mais voilà, faire ça et pouvoir se poser un peu, mettre de l’argent de côté, et puis voilà. (…) » (Entretien n°23, Marine, Française, IF).

UN EMPLOI « D’ATTENTE » POUR SE