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2. Partie Amélioration de la phytoremédiation par bioaugmentation

2.2. Suivi des teneurs en polluants dans le technosol

Après avoir isolé une bactérie endémique capable de dégrader le BaP, un essai de bioaugmentation a été réalisé en mésocosme en ajoutant environ 2.107 bactéries/g de technosol. Les concentrations en ETM et en HAP ont été suivies dans le technosol.

2.2.1. Concentrations en HAP

Les concentrations en HAP ont été mesurées à T0 et à TF, après 148 jours d’expérimentation afin de suivre leur évolution et de déterminer la technique de bioremédiation la plus intéressante en termes de dissipation des HAP (Figure 53).

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Figure 53 : Concentrations en HAP totaux (somme des 16 HAP), en benzo(a)pyrène et en HAP totaux excepté le benzo(a)pyrène dans le technosol (mg.kg-1 de sol sec) à T0 (rouge) et TF (jaune)de l'expérimentation "phytoremédiation assistée par bioaugmentation" en fonction des différentes conditions : non planté, bactéries (bioaugmentation), MxG, MxG + bactéries, co-culture et co-culture + bactéries. Les astérisques (*) indiquent des différences significatives pour une modalité

entre T0 et TF (test t pour échantillons appariés) alors que des lettres différentes indiquent des différences significatives entre les modalités à TF (p < 0,05, n=3).

Si l’on compare les concentrations en HAP totaux pour les conditions sans bioaugmentation, une dissipation significative est montrée après culture de MxG uniquement. La co-culture n’a, en revanche, pas permis d’induire une dissipation des HAP totaux, contrairement aux résultats obtenus dans l’expérimentation précédente (cf. Figure 28). Les différences entre les deux expérimentations peuvent être expliqué par la durée, celle-ci n’a été que de 148 jours pour l’expérimentations « phytoremédiation assistée par bioaugmentation » contre 263 jours pour l’expérimentation « Amélioration de la phytoremédiation par co-culture ».

Les résultats mettent aussi en évidence, une augmentation significative de la concentration en HAP totaux (somme des 16 HAP prioritaires) pour les conditions « bactéries », « MxG + bactéries » et « co-culture + bactéries », c’est-à-dire pour toutes les conditions pour lesquelles les bactéries Streptomyces globisporus ont été inoculées dans le technosol. Les concentrations

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en HAP totaux dans le technosol sont de 2,47 ± 0,11 mg.kg-1 de sol sec à T0 et de 5,89 ± 0,76 mg.kg-1, 5,13 ± 0,31 mg.kg-1 et 6,39 ± 0,32 mg.kg-1 à TF pour les conditions « bactéries », « MxG + bactéries » et « co-culture + bactéries » respectivement.

En mesurant les concentrations de benzo(a)pyrène, une augmentation significative des teneurs est montrée pour les conditions pour lesquelles les bactéries ont été ajoutées. Ces résultats indiquent donc un apport de benzo(a)pyrène lors de l’inoculation dans le technosol, expliquant ainsi l’augmentation de la somme des concentrations en HAP à TF pour toutes les conditions avec bioaugmentation. En effet, les bactéries ont été mises en culture dans un milieu contenant du BaP pour maintenir une pression de sélection afin qu’elles conservent leur gène de résistance et/ou de dégradation. Cependant, les étapes de centrifugation utilisées pour concentrer l’inoculum n’ont pas permis d’éliminer le BaP, contaminant ainsi le technosol lors de l’inoculation microbienne.

Le protocole utilisé pour cette expérimentation, pourtant extrait de la littérature (Silva et al., 2009), n’est donc pas adapté dans notre cas. Il pourrait en revanche être utilisé pour des sols très contaminés en HAP et plus particulièrement en BaP : la concentration de polluant liée à l’inoculum serait alors négligeable au regard des concentrations déjà présentes, ce qui n’est pas le cas du technosol utilisé dans cette étude. La technique développée par (Jacques et al., 2008) pourrait être plus adaptée. Les auteurs ont mis en culture des microorganismes dans des boîtes de Pétri en présence d’anthracène et ont récupéré les colonies après ajout d’eau distillée stérile sur la gélose, en gardant l’étape de centrifugation pour concentrer les cellules dans le culot. Cette technique pourrait cependant être peu adaptée à une production en masse de microorganismes pour la bioaugmentation, particulièrement si l’objectif est de transposer l’expérimentation in situ.

Les concentrations des HAP totaux sans prendre en compte le BaP ont été calculées puisque les résultats des HAP totaux sont masqués par la présence excessive de ce HAP. Les résultats obtenus mettent en évidence une diminution significative des concentrations après culture de MxG et de MxG + bactéries uniquement.

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Figure 54 : Concentrations des HAP (mg.kg-1 de sol sec) pour lesquels une dissipation significative après au moins une technique de bioremédiation a été montrée. Concentrations en phénanthrène, pyrène et benzo(b)fluoranthène à T0 (rouge)

et TF (jaune) en fonction des différentes conditions : non planté, bactéries (bioaugmentation), MxG, MxG + bactéries, co-culture et co-co-culture + bactéries. Les astérisques (*) indiquent des différences significatives pour une modalité entre T0 et TF

alors que des lettres identiques indiquent une absence de différence significative entre les modalités à TF (p > 0,05 ; n=3).

En regardant les HAP individuellement, seuls 3 présentent des différences significatives entre les conditions de culture : le phénanthrène, le pyrène et le benzo(b)fluoranthène (Figure 54). Pour ces 3 HAP, seule une inhibition significative de leur concentration est montrée entre T0 et TF pour la condition « MxG+ bactéries ».

Les HAP présentant des dissipations significatives après phytoremédiation assistée par bioaugmentation (MxG + bactéries) sont différents des HAP qui présentaient des dissipations significatives après co-culture de MxG et de trèfle blanc (première expérimentation), l’association de la co-culture et de la bioaugmentation pourrait donc agir de manière complémentaire sur la dissipation des HAP, ce qui pourrait être mis en évidence par un temps d’expérimentation plus long.

D’après ces résultats, la modalité la plus intéressante serait l’association entre MxG et la bioaugmentation, qui a permis une dissipation significative des HAP totaux (hors benzo(a)pyrène apporté via l’inoculation des bactéries), ainsi que la dissipation du phénanthrène, du pyrène et du benzo(b)fluoranthène.

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L’association de la co-culture et de la bioaugmentation n’a permis de montrer aucune dissipation significative de HAP. Cette condition n’est donc pas à privilégier pour améliorer la phytoremédiation des HAP dans le technosol.

La culture de MxG en monoculture est la seule modalité qui a permis d’obtenir une dissipation des HAP totaux : cette condition est donc à privilégier, tant qu’une technique permettant de produire des microorganismes en quantité suffisante sans contaminer le technosol et tout en conservant une pression de sélection n’a pas été trouvée.

Les valeurs d’ETT (Equivalence de la toxicité totale) relative au benzo(a)pyrène et d’IRCC (Indice de Risque Cumulatif de Cancer) sont calculées à T0 et à TF pour évaluer la qualité des sols conformément aux réglementation du conseil canadien des ministres de l’environnement (http://ceqg-rcqe.ccme.ca/download/fr/224).

Figure 55 : Valeurs de l'équivalence de la toxicité totale relative au benzo(a)pyrène (ETT) (graphique de gauche) et de l'indice de risque cumulatif de cancer (IRCC) (graphique de droite) calculées à T0 (gris) et à TF (jaune) pour les différentes modalités testées. Les barres de couleur rouge sur les graphiques indiquent la valeur seuil acceptable de chaque indice (0,6 mg/kg pour

l’ETT et 1 pour l’IRCC). Des lettres différentes indiquent des différences statistiquement significatives entre les différentes conditions à TF (p < 0,05, n=3). Les astérisques (*) indiquent des différences statistiquement significatives pour l’indice

calculé entre T0 et TF pour une condition considérée (test t pour échantillons appariés, p < 0,05, n=3).

L’ETT relative au BaP calculée à T0 est de 0,29 mg.kg-1. Elle est inférieure au niveau de risque acceptable souhaitée dont la valeur seuil est fixée à 0,6 mg.kg-1. Ce résultat suggère donc que le technosol présente un faible risque cancérigène par contact direct.

A TF, les valeurs d’ETT varient entre 0,28 mg.kg-1 pour le technosol non planté jusqu’à 4,44 mg.kg-1 pour la condition « co-culture + bactéries ». Pour toutes les conditions avec bioaugmentation, une augmentation significative de la valeur d’ETT est observée c’est-à-dire pour les conditions « bactéries », « MxG + bactéries » et « co-culture + bactéries », ce qui est causé par l’apport de benzo(a)pyrène dans le technosol. Pour ces modalités, les valeurs d’ETT sont significativement supérieures à toutes les autres conditions sans bioaugmentation et

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dépassent également la valeur seuil de 0,6 mg.kg-1. Ce résultat suggère que le technosol présente un risque cancérigène par contact direct.

Pour toutes les conditions sans bioaugmentation, les ETT restent en-dessous de la valeur seuil, indiquant un faible risque cancérigène du technosol en cas de contact direct. Aucune différence statistique n’est montrée entre ces conditions ni entre T0 et TF, suggérant que ni la présence de MxG ni celle de la co-culture a permis de diminuer cette valeur dans le cadre de cette expérimentation. En revanche, la première expérimentation avait permis de montrer une diminution significative de la valeur d’ETT après culture de MxG, ceci pouvant être expliqué par un temps de culture plus long.

Concernant l’IRCC, les valeurs calculées à T0 et à TF, toutes modalités confondues, sont supérieures à la valeur seuil de 1, indiquant que le technosol peut générer un risque pour la qualité des eaux potables souterraines même après la période de bioremédiation expérimentale. Ces résultats sont en accord avec ceux obtenus lors de la première expérimentation qui avait montré un résultat similaire pour un temps expérimental plus long. L’IRCC calculé à T0 est de 5,03 et varie, à TF, entre 3,53 après culture de MxG, jusqu’à 14,54 pour la condition « co-culture + bactéries ». Tout comme l’ETT, les conditions en présence de bioaugmentation ont significativement augmenté les valeurs de l’IRCC, en raison de l’apport du BaP. En comparant, les conditions sans bioaugmentation, seule la culture de MxG a permis de diminuer significativement la valeur de l’IRCC entre T0 et TF même si cette valeur n’est pas significativement différente des autres conditions. Cette valeur reste cependant supérieure à la valeur seuil. Ce résultat permet tout de même de montrer un impact positif de la culture de MxG sur la qualité du technosol et la dissipation des HAP. Ces résultats sont de plus, en accord avec la diminution significative de la concentration en HAP totaux qui est montré uniquement pour cette condition.

La méthode de production de bactéries et d’inoculation du technosol utilisée a entrainé une contamination importante du technosol en benzo(a)pyrène pour toutes les conditions avec bioaugmentation, augmentant de façon significative les valeurs d’ETT et d’IRCC, suggérant un risque cancérigène du technosol en cas de contact direct ainsi qu’un risque pour la qualité des eaux potables souterraines. Cette méthode n’est donc pas adaptée pour la phytoremédiation.

Seule la monoculture de MxG a permis de diminuer la concentration en HAP totaux entre le début et la fin des 148 jours de culture, confirmant ainsi l’efficacité de cette espèce végétale pour la rhizodégradation des HAP. De plus, c’est la seule condition qui a permis de diminuer significativement l’IRCC entre le début et la fin de l’expérimentation, même si celui-ci reste supérieur à la valeur seuil. La monoculture de MxG est donc, d’après les résultats de cette

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expérimentation, la technique de bioremédiation à privilégier vis-à-vis de la dissipation des HAP.

La co-culture n’induit pas de dissipation des HAP dans le technosol, contrairement à la première expérimentation. L’hypothèse pouvant être émise pour expliquer cette différence est un temps d’expérimentation trop court.

Si l’on met de côté la contamination du technosol par le benzo(a)pyrène pour les modalités avec bioaugmentation, l’association entre MxG et les bactéries Streptomyces globisporus serait la plus efficace puisqu’elle a permis une dissipation significative des HAP totaux en retirant le benzo(a)pyrène, ainsi que la dissipation du phénanthrène, du pyrène et du benzo(b)fluoranthène. Les résultats obtenus montrent donc l’avantage de coupler la phytoremédiation par MxG et la bioaugmentation avec Streptomyces globisporus par rapport à la phytoremédiation seule, mais uniquement si la technique utilisée pour la production et l’inoculation des bactéries dans le technosol n’entraine pas de contamination de ce dernier.

2.2.2. Concentrations en ETM

L’influence des végétaux et / ou des bactéries (bioaugmentation) sur les ETM a été déterminée en mesurant les concentrations en ETM (Tableau 24) et en ETM extraits au DTPA à la fin de l’expérimentation de bioremédiation (Tableau 25).

Tableau 24 : Concentrations en ETM (mg.kg-1 de sol sec) à TF dans les différentes modalités du technosol : non planté, bioaugmentation (bact.), MxG ; MxG + bioaugmentation, co-culture et co-culture + bioaugmentation. Des lettres identiques

indiquent aucune différence significative entre les conditions pour un ETM considéré (p > 0,05 ; n=3).

Concentrations (mg.kg-1 de sol sec)

As Cd Cr Cu Ni Pb Zn NP 15.9 ± 0.1a 0.7 ± 0.0 a 57.3 ± 2.4 a 24.7 ± 0.1 a 38.4 ± 0.1 a 46.6 ± 0.9 a 146.6 ± 1.0 a Bact. 16.4 ± 0.8 a 0.7 ± 0.0 a 55.5 ± 1.2 a 24.0 ± 0.6 a 38.8 ± 0.2 a 45.7 ± 1.0 a 147.9 ± 2.5 a MxG 15.1 ± 0.6 a 0.7 ± 0.0 a 57.1 ± 4.0 a 22.8 ± 0.7 a 37.6 ± 1.3 a 42.3 ± 0.9 a 140.9 ± 4.4 a MxG + Bact. 17.2 ± 3.8 a 0.8 ± 0.2 a 62.0 ± 14.2 a 24.6 ± 4.7 a 41.4 ± 8.7 a 46.9 ± 9.8 a 153.4 ± 32.0 a Co-culture 14.8 ± 2.7 a 0.7 ± 0.1 a 55.8 ± 10.4 a 21.9 ± 4.2 a 37.2 ± 7.2 a 41.5 ± 7.9 a 137.7 ± 26.3 a Co-cult. + bact. 15.9 ± 1.3 a 0.7 ± 0.0 a 55.9 ± 8.6 a 23.3 ± 0.8 a 36.8 ± 0.7 a 44.2 ± 1.6 a 144.9 ± 8.7 a

Les concentrations en ETM mesurées dans le technosol, quelles que soit les conditions à TF, montrent premièrement une contamination en plomb et en zinc puisque les concentrations mesurées dans le technosol sont supérieures à celles du FPGN local (30 mg.kg -1 pour le Pb et 120 mg.kg-1 pour le Zn). Ensuite, les analyses statistiques permettent de conclure qu’aucune différence n’est constatée entre les différentes modalités à TF, quel que

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soit l’ETM considéré suggérant une absence d’effet des végétaux et des bactéries sur les teneurs en ETM dans le technosol.

Les ETM extraits au DTPA ont également été mesurés à la fin de l’expérimentation de bioremédiation afin d’estimer les concentrations biodisponibles et de déterminer l’influence des végétaux et/ou bactéries inoculées sur celles-ci (Tableau 25).

Tableau 25 : Concentrations en ETM extraits au DTPA (mg.kg-1 de sol sec) à TF dans les différentes modalités du technosol : non planté, bioaugmentation (bact.), MxG ; MxG + bioaugmentation, co-culture et co-culture + bioaugmentation. Des lettres

différentes indiquent des différences significatives entre les conditions pour un ETM considéré (p < 0,05 ; n=3).

Concentrations (mg.kg-1 de sol sec)

Cd Cu Ni Pb Zn NP 0.12 ± 0.0 a 4.7 ± 0.1 a 1.0 ± 0.0 a 3.9 ± 0.1 a 12.5 ± 0.1 a Bact. 0.11 ± 0.0 a 5.6 ± 0.8 a 1.1 ± 0.1 a 4.1 ± 0.1 a 11.9 ± 0.5 abc MxG 0.10 ± 0.0 a 4.9 ± 0.1 a 1.0 ± 0.0 a 3.9 ± 0.0 a 12.3 ± 0.2 ab MxG + bact. 0.11 ± 0.0 a 5.2 ± 0.4 a 1.1 ± 0.1 a 4.2 ± 0.3 a 12.7 ± 0.2 a Co-cult. 0.10 ± 0.0 a 4.9 ± 0.1 a 1.0 ± 0.0 a 3.9 ± 0.1 a 11.0 ± 0.6 bc Co-cult. + bact. 0.11 ± 0.0 a 5.4 ± 0.1 a 1.0 ± 0.0 a 4.0 ± 0.1 a 10.6 ± 0.5 c

Les concentrations estimées en ETM biodisponibles sont comparées entre les différentes conditions pour chaque ETM. Seules des différences significatives sont observées pour le zinc. En effet, la co-culture et la co-culture couplée à la bioaugmentation ont permis de diminuer significativement les concentrations en zinc biodisponibles par rapport au technosol non planté. Ces résultats montrent l’intérêt de la co-culture en présence ou non de bactéries inoculées pour la phytostabilisation du zinc dans un sol contaminé.

Ces résultats diffèrent, cependant, de la première expérimentation, pour laquelle la co-culture n’a pas significativement modifié la biodisponibilité du zinc. Ces différences peuvent s’expliquer par un échantillon de technosol différent, prélevé à une date ultérieure laissant une possible évolution du technosol par maturation mais également par une durée expérimentale plus courte ainsi qu’une quantité de sol plus faible.

Les analyses des ETM dans le technosol ont permis de déterminer que ni les bactéries ni les végétaux ne modifient les concentrations en ETM « totaux » dans le technosol. Concernant les ETM extraits au DTPA, seules les modalités « co-culture » et « co-culture + bioaugmentation » diminuent significativement les concentrations en zinc, montrant une réduction de la biodisponibilité du zinc pour ces deux modalités. Cette observation montre l’intérêt de la co-culture en présence ou absence de bactéries sur la phytostabilisation du zinc.

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