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4. Contamination par des ETM

4.5. Devenir des ETM dans les sols

4.5.1. Facteurs influençant le devenir des ETM dans les sols

La concentration « totale » en ETM n’est pas une indication suffisante pour prévoir les risques de mobilité, de biodisponibilité ou d’impact sur le fonctionnement du sol. C’est la forme sous laquelle se trouve les éléments qui est déterminante : en solution, sous forme dissoute, colloïdale, libre ou complexé, ou sous forme solide ou de précipité, lié à des phases minérales ou organiques (Girard, 2005). Dans le sol, les ETM se répartissent entre la phase solide, la phase liquide et la phase gazeuse. Cette répartition n’est pas figée au cours du temps. Les éléments passent d’une forme à une autre en permanence, sous l’influence de modifications externes naturelles ou anthropiques (Baize, 2007) (Figure 8).

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Figure 8 : Différentes formes et localisations des ETM dans les sols (Baize, 2007)

En effet, de nombreux paramètres influencent la disponibilité des ETM dans le sol et donc leur devenir dans cette matrice. Il s’agit principalement des caractéristiques du sol, c’est-à-dire les teneurs en matière organique, en acide humique, le pH, le potentiel d’oxydo-réduction, la capacité d’échange cationique (CEC), la teneur en argile (Bourrelier et al., 1998; Laurent et al., 2005; Prasad, 1999), auxquels s’ajoutent les propriétés physico-chimiques de ces substances, qui sont fonction de leur spéciation, et les facteurs environnementaux (température, précipitations, etc.) (Laurent et al., 2005).

De manière générale, la majorité des ETM est plus mobile en conditions acides qu’en condition alcaline. L’abaissement du pH favorise la mobilité des ETM, par la mise en solution des sels métalliques notamment. Ce phénomène s’explique par le fait que, en pH acide, les ions hydrogène ont une affinité plus élevée pour les charges négatives sur les colloïdes, et rivalisent ainsi avec les ions métalliques de ces sites, libérant les ETM (Prasad, 1999). Au contraire, l’augmentation du pH provoque l’immobilisation des ETM par la formation de composés insolubles. Une teneur élevée en matière organique peut également engendrer une immobilisation des métaux qui se lient par exemple aux acides fulviques ou humiques (Prasad, 1999). Généralement, plus la teneur en argile ou en matière organique et le pH sont élevés, plus les ETM sont fermement liés et plus leurs temps de résidence dans le sol est long (Prasad, 1999).

Une différence de mobilité peut également être constatée entre les ETM puisque dans le sol, certains sont plus mobiles comme le Cd et le Zn tandis que d’autres, tels le Cu et le Pb, le sont moins car ils forment plus facilement un complexe organique avec des acides fulviques (Prasad, 1999).

Un autre facteur peut également influencer le devenir des ETM dans les sols, il s’agit de la microflore. Contrairement aux HAP, les ETM ne sont pas biodégradables. En revanche,

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certains microorganismes du sol peuvent intervenir directement ou indirectement sur leur spéciation, notamment sur leur degré d’oxydation, ce qui peut conduire à une variation de leur biodisponibilité (Bertrand et al., 2011; Bourrelier et al., 1998).

Certains microorganismes sont capables de solubiliser les ETM par production d’acides et de composés complexant entrainant la dissolution de silicates, phosphates, oxydes, sulfures, carbonates, porteurs d’ETM. Ils peuvent également modifier les conditions du milieu par acidification, alcalinisation, changement des conditions d’oxydo-réduction (consommation d’oxygène, production d’hydrogène). Au contraire, certains processus microbiens peuvent entrainer l’insolubilisation des ETM par précipitation ou par formation de sulfures métalliques insolubles dans un processus entrainant la réduction de sulfates (Bourrelier et al., 1998). D’autres processus microbiens peuvent être à l’origine de la volatilisation de certains ETM suite à des réactions enzymatiques de méthylation (concernant l’arsenic, le mercure, le sélénium, l’antimoine) ou également par réduction pour le mercure (Bourrelier et al., 1998).

4.5.2. Les transferts d’ETM des sols vers les autres compartiments de l’environnement

Les ETM présents dans les sols sont susceptibles, en fonction de leur spéciation, d’être transférés vers les eaux (souterraines ou de surface), les sédiments, l’atmosphère et également vers les végétaux. Ces transferts sont schématisés dans la Figure 9.

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 Volatilisation : certains ETM du sol peuvent être volatilisés dans l’atmosphère. Seuls l’arsenic, le mercure, le sélénium et l’antimoine seraient concernés. Les formes gazeuses de ces ETM résultent principalement de l’action de microorganismes (Laurent et al., 2005)

 Érosion éolienne et hydrique : associés aux particules du sol (argile et matière organique), les ETM peuvent être disséminés par érosion éolienne et hydrique (Laurent et al., 2005) et se retrouver dans les eaux ou l’atmosphère

 Lessivage : les ETM, lorsqu’ils sont dans la solution du sol, peuvent être lessivés vers les nappes phréatiques sous l’action de la gravité (Baize, 2007; Bourrelier et al., 1998)

4.5.3. Les transferts d’ETM vers les végétaux

Le transfert d’ETM des sols vers les végétaux dépend des paramètres physico-chimiques du sol, des concentrations en ETM, de leur biodisponibilité et de leur spéciation, ainsi que de l’espèce végétale considérée (Aihemaiti et al., 2018; Ali et al., 2013; Prasad, 1999; Wu et al., 2007). En effet, les capacités de prélèvement d’ETM par les espèces végétales diffèrent d’une espèce à l’autre et d’un ETM à un autre. Les végétaux peuvent être catégorisées en fonction de leur stratégie d’absorption des ETM vis-à-vis d’un sol contaminé (Baker, 1981) (Figure 10).

Figure 10 : Réponses des végétaux vis-à-vis d'un sol contaminé aux ETM (Baker, 1981)

 Les exclusives : certaines espèces vont pouvoir maintenir des concentrations en ETM faibles et constantes dans leurs parties aériennes jusqu’à une concentration critique dans le sol. Au-dessus de cette concentration, des ETM vont tout de même être transportés dans les parties aériennes. Ces plantes sont nommées « exclusives ».  Les indicatrices : pour ces plantes, l’absorption et le transport d’un ETM dans les

parties aériennes sont équilibrées de sorte que la concentration interne reflète les concentrations du sol.

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 Les accumulatrices : sont capables de concentrer des ETM dans leurs parties aériennes, que la concentration dans le sol soit faible ou élevée. Au sein des plantes accumulatrices, il est possible de distinguer un sous-groupe : il s’agit des plantes hyperaccumulatrices. Ces espèces sont définies comme étant capables d’accumuler plus de 100 mg.kg-1 de masse sèche de Cd, plus de 1 000 mg.kg-1 de masse sèche de Ni, Cu et Pb ou plus de 10 000 mg.kg-1 de masse sèche de Zn et Mn lorsqu’elles se développent sur des sols contaminés (A. J. M. Baker and Brooks, 1989).

Chaque plante réagit de manière particulière à chaque ETM. Ainsi, une espèce peut être accumulatrice pour un ETM et exclusive pour un autre.

Afin de déterminer le potentiel de bioaccumulation d’une espèce végétale, le facteur de bioconcentration est calculé. Il est défini comme le ratio de la concentration en un ETM dans les parties aériennes de la plante sur la concentration en ce même ETM dans le sol. Un ratio supérieur à 1 signifie que la concentration en métal dans la plante est supérieur à celle du sol, la plante est ainsi capable d’accumuler cet ETM dans ses parties aériennes. Il peut même atteindre 50 voire 100 dans certains cas, pour les hyperaccumulateurs (Cluis, 2004; McGrath and Zhao, 2003).

Outre la voie racinaire, les ETM peuvent également entrer dans les végétaux par absorption foliaire, à travers les stomates, lorsqu’ils sont sous forme gazeuse (ex : mercure), ou à travers la cuticule foliaire lorsqu’ils sont sous forme ionique. L’absorption varie alors en fonction de l’espèce végétale mais également en fonction des ETM impliqués. Par exemple, le Cd, le Zn et le Cu ont montré une plus grande pénétration foliaire que le Pb, qui est principalement adsorbé aux lipides épicuticulaires à la surface (Prasad, 1999).