6.2.1 Notion de suite de Jordan-H¨ older
D´ efinition. Soient G un groupe, et (Σ) une suite de composition de G strictement d´ ecroissante : G = G
0. G
1. G
2.
· · ·. G
n=
{e}.On dit que (Σ) admet un
raffinement proprelorsqu’il existe 1
≤i
≤n
−1 et un sous-groupe K tel que G
i+1/ K / G
iavec G
i+1 6=K
6=G
i.
Remarque.CommeGi+1
/
Gi, tout sous-groupeK tel queGi+1⊂K⊂Gi v´erifieGi+1/
K.En cons´equence, dire que (Σ) n’admet pas de raffinement propre signifie que, quel que soit 1 ≤ i ≤ n−1, on ne peut pas trouver de sous-groupe K tel que Gi+1 ⊂ K
/
Gi avec Gi+16=K6=Gi, c’est-`a-dire queGi+1 est normal maximal dansGi.Lemme. Soient G un groupe, et (Σ) une suite de composition de G strictement d´ ecroissante : G = G
0. G
1. G
2.
· · ·. G
n=
{e}.Les assertions suivantes sont ´ equivalentes : (i) (Σ) est sans raffinement propre ;
(ii) G
i+1est normal maximal dans G
i, pour tout 0
≤i
≤n
−1 ; (iii) G
i/G
i+1est un groupe simple, pour tout 0
≤i
≤n
−1.
Preuve. L’´equivalence de (i) et (ii) r´esulte de la remarque pr´ec´edente. Pour (iii), rappelons d’abord que tout sous-groupe normal H de Gi/Gi+1 est de la forme H =K/Gi+1 avecK un sous-groupe normal deGi contenantGi+1. D`es lors :
(Gi/Gi+1 simple) ⇔ Gi/Gi+16={e}et, siH
/
Gi/Gi+1, alorsH ={e} ouH =Gi/Gi+1⇔ Gi6=Gi+1et, siGi+1⊆K
/
Gi, alorsK=Gi+1 ouK=Gi, d’o`u l’´equivalence de (ii) et (iii).D´ efinition. Une suite de composition satisfaisant l’une des conditions ´ equivalentes du lemme ci-dessus s’appelle une
suite de Jordan-H¨olderde G.
6.2.2 Exemples de suites de Jordan-H¨ older.
Exemple 1. La suite S
5. A
5.
{e}est de Jordan-H¨ older car S
5/A
5 'C
2qui est simple, et A
5/{e} ' A
5qui est simple.
Exemple 2. La suite S
4. A
4.
{e}n’est pas de Jordan-H¨ older car A
4/{e} ' A
4n’est pas simple.
- Elle admet le raffinement propre S
4. A
4. V .
{e}, qui n’est pas de Jordan-H¨older car V /{e} ' V n’est pas simple.
- Elle admet le raffinement propre S
4. A
4. V . H .
{e}, qui est de Jordan-H¨older car tous les quotients S
4/A
4 'C
2, A
4/V
'C
3, V /H
'C
2et H/{e} ' C
2sont simples. On ne peut pas raffiner davantage.
Exemple 3 . Consid´ erons le groupe cyclique C
24=
{e, a, a2, . . . , a
23}d’ordre 24. Ses sous-groupes sont :
C
8=
ha3iooC
4=
ha6iooC
2=
ha12ee iC
24=
haiwwgg {e}C
12=
ha2iooC
6=
ha4iooC
3=
ha8iyy
On obtient quatre suites de Jordan-H¨ older :
C
24. C
12. C
6. C
3.
{e},C
24. C
8. C
4. C
2.
{e},C
24. C
12. C
4. C
2.
{e},C
24. C
12. C
6. C
2.
{e}.Exemple 4. Le groupe additif
Zn’admet aucune suite de Jordan-H¨ older.
En effet, consid´erons une suite de compositionG0 =Z
.
G1.
· · ·.
Gn−1.
Gn ={0}strictement d´ecroissante. Rappelons que tout sous-groupe de Z est de la forme kZ avec k∈N. Il existe donc icik∈N∗ tels queGn−1=kZ
.
Gn ={0}. Soit alors le sous-groupe H = 2kZ deZ. C’est un sous-groupe deGn−1 =kZ, distinct dekZet de{0}, de sorte que la suite de compositionG0=Z.
G1.
· · ·.
Gn−1.
H.
Gn ={0} est un raffinement propre de la suite (quelconque) donn´ee au d´epart. Cette derni`ere n’est donc pas une suite de Jordan-H¨older.Proposition 1. Tout groupe fini non-trivial admet au moins une suite de Jordan-H¨ older.
Preuve. Si Gest simple, alors G=G0
.
G1 ={e} est une suite de Jordan-H¨older (et c’est la seule suite de composition strictement d´ecroissante). On suppose donc maintenant queG n’est pas simple. L’ensembleH des sous-groupes normaux dansGdistincts deGet{e}est alors non-vide. Il est fini (puisqueGest fini). Il admet donc (au moins) un ´el´ement maximal H1. Ce sous-groupeH1´etant normal maximal dansG, il r´esulte du lemme 6.2.1 queG/H1est simple. SiH1est simple, c’est fini carG.
H1.
{e}est alors une suite de Jordan-H¨older. Sinon, l’ensemble H1 des sous-groupes normaux dans H1 distincts deH1 et {e} est fini non-vide, donc admet (au moins) un ´el´ement maximalH2, et il r´esulte du lemme 6.2.1 queH1/H2est simple. SiH2est simple, c’est fini carG.
H1.
H2.
{e}est alors une suite de Jordan-H¨older.Sinon, on r´eit`ere. CommeGn’a qu’un nombre fini de sous-groupes, le processus s’arrˆete : il existe un rangk `a partir duquel on obtient n´ecessairement un sous-groupe Hk simple, et la suite strictement d´ecroissanteG
.
H1.
H2.
· · ·.
Hk.
{e} est alors de Jordan-H¨older.Proposition 2. Un groupe ab´ elien admet au moins une suite de Jordan-H¨ older si et seulement s’il est fini non trivial.
Preuve.Un sens est clair d’apr`es la proposition pr´ec´edente. Pour la r´eciproque, donnons-nous un groupe ab´elienG admettant une suite de Jordan-H¨older G=G0
.
G1.
· · ·.
Gn ={e}.Pour tout 0≤i≤n−1, le groupeGi/Gi+1 est simple (par d´efinition d’une suite de Jordan-H¨older) et ab´elien (carGl’est), et donc (d’apr`es la proposition 5 du 4.2.2) cyclique d’ordre premier. Notonspi+1=|Gi/Gi+1|= [Gi:Gi+1].
D’apr`es la formule des indices (voir 2.2.6), les ´egalit´es [G : G1] = p1 et [G1 : G2] = p2
impliquent queG2est d’indice fini dansG, et [G:G2] = [G:G1][G1:G2] =p1p2. De mˆeme, [G:G2] =p1p2 et [G2:G3] =p3impliquent [G:G3] =p1p2p3. En it´erant, on obtient ainsi [G:Gn] =p1p2· · ·pn, ce qui, commeGn={e}, montre queGest fini d’ordrep1p2· · ·pn.
6.2.3 Caract´ erisation de la r´ esolubilit´ e d’un groupe fini par les suites de Jordan-H¨ older.
On a d´efini la notion de groupe r´esoluble par le caract`ere stationnaire de la suite des groupes d´eriv´es. Nous avons donn´e au th´eor`eme 6.1.3 une d´efinition ´equivalente en termes de suite de composition ou en terme de suites normales. Le th´eor`eme suivant donne une autre d´efinition
´
equivalente, dans le cas des groupes finis, en termes cette fois de suites de Jordan-H¨older.
Th´ eor` eme. Soit G un groupe fini non trivial. Le groupe G est r´ esoluble si et seulement s’il existe une suite de Jordan-H¨ older de G dont tous les quotients sont (cycliques) d’ordre premier.
Preuve.Supposons qu’il existe une suite de Jordan-H¨older deGdont tous les quotients sont d’ordre premier. Chaque quotient est alors cyclique, donc ab´elien, de sorte que la r´esolubilit´e deGd´ecoule directement du th´eor`eme 6.1.3. R´eciproquement, supposons queGest r´esoluble.
Comme G est suppos´e fini, il r´esulte de la proposition 1 de 6.2.2 qu’il existe une suite de
Jordan-H¨older G = G0
.
G1.
· · ·.
Gn = {e}. Donc, pour tout 0 ≤i ≤n−1, le quotient Gi/Gi+1 est simple. PuisqueGest r´esoluble, il en est de mˆeme de chaque sous-groupeGiet de chaque quotientGi/Gi+1, par application de la proposition 6.1.2. Ainsi, tous les quotients Gi/Gi+1 sont simples et r´esolubles, donc cycliques d’ordre premier d’apr`es la proposition 2 de 6.1.46.2.4 A propos du th´ eor` eme de Jordan-H¨ older.
D´ efinition. Deux suites de composition G = G
0. G
1.
· · ·. G
n=
{e}et G = K
0. K
1.
· · ·. K
p=
{e}d’un groupe G sont dites
´equivalenteslorsque n = p et qu’il existe une permutation σ
∈S
ntelle que G
i/G
i+1'K
σ(i)/K
σ(i)+1pour tout 0
≤i
≤n
−1.
Exemple. Reprenons l’exemple 3 de 6.2.2. Les quatre suites de Jordan-H¨older de C24 sont
´
equivalentes, car les quotients correspondants sont respectivement isomorphes `a :
suites quotients
C24
.
C12.
C6.
C3.
{e} C2, C2, C2, C3 C24.
C8.
C4.
C2.
{e} C3, C2, C2, C2 C24.
C12.
C4.
C2.
{e} C2, C3, C2, C2C24
.
C12.
C6.
C2.
{e} C2, C2, C3, C2Cette propri´et´e est un cas d’application du th´eor`eme g´en´eral suivant (que nous citons pour m´emoire, mais ne d´emontrerons pas ici).
Th´ eor` eme (dit de Jordan-H¨ older). Si G est un groupe admettant une suite de Jordan-H¨ older (en particulier si G est un groupe fini), alors toutes les suites de Jordan-H¨ older de G sont
´
equivalentes.
Preuve.Voir ouvrage de r´ef´erence.