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L’évolution du droit de vote et sa transformation d’un droit purement fonctionnel en un droit individuel se sont faites progressivement, voire subtilement. Tout d’abord, les tribunaux constitutionnels ou quasi constitutionnels528 ont commencé par s’interroger sur le contenu du droit de vote, pour ensuite en élargir la portée fonctionnelle, afin de mieux protéger l’exercice de la démocratie. La question du poids relatif d’un vote, au moyen du découpage électoral529, l’accès aux résultats de sondages comme source d’influence indue sur le vote530, comme l’accès au vote libre pour de nouveaux corps législatifs531 sont autant de questions qui ont amené la Cour suprême canadienne et d’autres tribunaux tranchant des questions de nature constitutionnelle à élargir la notion de droit de vote et à développer une véritable théorie des « droits de nature politique »532. Avant de se prononcer sur l’existence d’un droit individuel à l’exercice du droit de vote, invocable par tout citoyen, ils lui ont ainsi donné une substance, déterminant tout d’abord sa forme et identifiant son contenu. On

528 Sur le statut, non officiel, de tribunal quasi constitutionnel de la Cour européenne des droits de l’Homme,

voir l’article de COHEN-JONATHAN (Gérard), « La fonction quasi constitutionnelle de la Cour européenne des droits de l’homme », Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007, p. 1127-1153.

529 Renvoi: Circonscriptions électorales provinciales (Saskatchewan) (ci-après, “Saskatchewan Boundaries”)

[1991] 2 RCS 158.

530 Thomson Newspapers Co c. Canada (Procureur général), [1998] 1 RCS 877. 531 Matthews c. Royaume-Uni, Cour EDH, requête n° 24833/94, 18 février 1999.

532 L’expression est de Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA, reprenant lui-même à son compte certains travaux

de Jean-Marie DENQUIN, dans son texte intitulé « Les droits de nature politique selon la Cour européenne des droits de l’Homme. Le droit constitutionnel entre droit national et droit européen : retour aux sources ou renouvellement ? », in Les dynamiques du droit européen en début de siècle, Études en l’honneur de Jean-

Claude Gautron, Éditions A. Pedone, Paris, 2004, 815 p., p. 3-18. Si l’expression renvoie, dans son texte, plus

particulièrement à la « doctrine » de la CEDH, elle s’applique clairement, à notre avis, à la théorie développée par un ensemble de tribunaux constitutionnels qui placent le droit de vote dans l’ensemble « plus large des droits de nature politique [qui] tient compte à la fois des droits qui font participer les citoyens aux pouvoirs publics (droits à des élections libres) et des droits qui contribuent à la mise en œuvre de ces droits (la liberté d’expression, la liberté d’association, la liberté de réunion pacifique) » (p. 8 du texte).

127 pourrait dire qu’ils ont ainsi, dans un processus évolutif – quoique non linéaire – procédé à la substantialisation533 des droits électoraux avant de s’attacher à leur subjectivisation.

1.1) La recherche du contenu du droit

Le fait d’élargir le suffrage en accordant le droit de vote aux condamnés ou aux détenus s’inscrit dans une suite logique de l’interprétation large et généreuse du droit de vote, amorcée dans un souci de protéger les fondements démocratiques de l’État. De fait, dans de nombreuses juridictions, l’évolution du contenu et de la portée du droit de vote est en cours depuis fort longtemps. Cependant, avant de se focaliser sur la protection du sujet du droit de vote, les tribunaux constitutionnels ou quasi constitutionnels se sont avant tout penchés sur le contenu du vote, peaufinant la définition des éléments essentiels à ce droit pour garantir le fonctionnement institutionnel de la démocratie. Par exemple, la question de la méthode interprétative qui doit être favorisée dans l’application du droit de vote et la question de la marge de manœuvre à laisser aux États dans la gestion du processus électoral, ont progressivement été tranchées par les tribunaux de nature constitutionnelle, pavant la voie à cet ultime élargissement consistant à accorder le droit de vote aux personnes condamnées.

Pour comprendre comment l’interprétation donnée au droit de vote a progressé au fil des ans, passant d’une protection axée sur la préservation des institutions démocratiques à une protection fondée sur l’individu et sa dignité, il paraît pertinent de se pencher sur les premières décisions des tribunaux de nature constitutionnelle traitant de ce droit. En effet, ces décisions, généralement antérieures aux années 2000, sont marquées par une vision essentiellement fonctionnelle du droit de vote et démontrent que les magistrats cherchaient surtout, dans un premier temps, à préserver l’intégrité du processus démocratique et à

533 Le terme est utilisé par Justin Kissangoula. La dichotomie entre les termes « substantialisation » et

« subjectivisation », qu’il utilise dans son texte, nous semble la plus représentative du processus suivi par les cours de nature constitutionnelle canadienne et européenne dans leur interprétation évolutive des droits de nature politique. Voir KISSANGOULA (Justin) « Élections libres (Droit à des --) », in ANDRIANTSIMBAZOVINA (Joël) et al. (dir.), Dictionnaire des Droits de l’Homme, op.cit., note 12, p. 362-367.

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favoriser la libre expression politique des citoyens. La Cour suprême canadienne ayant été la première, en 1993534, à invalider une loi privant les détenus du droit de vote, nous nous attarderons donc tout d’abord au processus jurisprudentiel qui amena la juridiction suprême canadienne à rendre, neuf ans plus tard, son fameux jugement Sauvé n° 2.

De fait, s’il a fallu près de dix ans, après l’adoption de la Charte canadienne, pour que la Cour suprême du Canada se penche sur le droit de vote et sur l’interprétation à donner à l’article 3 qui l’enchâsse constitutionnellement, elle a, depuis, été relativement active sur la question. Un peu plus d’une demi-douzaine d’affaires d’importance portant sur l’article 3 ont été tranchées par la Cour depuis 1991535. Si cela peut paraître peu, il faut cependant prendre en considération le fait que dans une démocratie établie de longue date comme le Canada536, les questions de principe relatives aux droits de suffrage et à la tenue des scrutins se posent assez rarement. De la même façon, les tribunaux constitutionnels ou conventionnels d’autres démocraties ont rendu peu de décisions d’importance sur les droits démocratiques, mais ces décisions jouissent d’un poids considérable et ont contribué de façon majeure à l’évolution du spectre des droits démocratiques. C’est notamment le cas de la CEDH qui a, sur les traces de la Commission européenne, fortement contribué à élargir la portée de l’article 3 du 1er Protocole.

Dans tous les cas, nous nous attarderons, dans cette section, aux décisions judiciaires antérieures à la décision Sauvé n° 2 de la Cour canadienne, ce jugement ayant clairement marqué un tournant majeur dans la définition du droit de vote au Canada, mouvement qui a été suivi en Afrique du Sud537 puis en Europe538, tout en ayant une influence marquée sur la jurisprudence australienne539 et sur la doctrine américaine, où le débat sur le droit de vote des personnes condamnées est encore aujourd’hui très actif. Les décisions antérieures à ce fameux arrêt Sauvé de 2002 nous semblent ainsi particulièrement

534 Sauvé c. Canada (Procureur général), [1993] 2 R.C.S. 438.

535 Année où fut rendue la première décision de la Cour suprême portant sur cet article de la Charte : Renvoi:

Circonscriptions électorales provinciales (Saskatchewan), op.cit., note 529.

536 Sur l’histoire de la démocratie canadienne, voir l’ouvrage fort complet produit par Élections Canada,

L’histoire du vote au Canada, op.cit., note 8.

537 Minister of Home Affairs v. National Institute for Crime Prevention and the Reintegration of Offenders

(NICRO) and others, op.cit, note 16.

538 Hirst c. Royaume-Uni, op.cit., note 18.

129 révélatrices du fait que la conceptualisation du droit de vote dans les démocraties libérales favorisait, jusqu’à récemment, l’aspect fonctionnel du droit de vote en ne s’attachant qu’à la protection institutionnelle de la démocratie.

1.1.1) L’interprétation évolutive du contenu du droit de vote par la Cour suprême du Canada

Dès les premières affaires sur lesquelles la Cour suprême du Canada s’est penchée relativement à l’article 3 de la Charte canadienne, elle s’est interrogée sur la portée du droit qu’il consacre, portée a priori étroite, si l’on se cantonne à sa formulation. Ainsi, comme le souligna le juge Iacobucci dans l’un de ces jugements540, « [l’] article 3 de la Charte dispose que ‘[tout] citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales’. De prime abord, sa portée est relativement limitée : il n’accorde que le droit de voter et de briguer les suffrages lors de l’élection des députés du Parlement et des assemblées législatives provinciales »541.

Pourtant, lorsque la Cour suprême se penche pour la première fois sur la portée du droit prévu à l’article 3 de la Charte, dans le Renvoi : circonscriptions électorales

provinciales (Saskatchewan) de 1991542, tant la majorité que la minorité établissent que le droit de vote est « le plus fondamental de nos droits »543 et qu’il doit être interprété libéralement et déborder le cadre limité auquel pourrait faire croire sa formulation laconique544. Ainsi, le droit de vote serait un droit différent des autres, de par son importance pour la démocratie et il devrait, en conséquence, recevoir une interprétation dépassant largement les stricts termes qui le consacrent constitutionnellement.

540 Figueroa c. Canada (Procureur général), op.cit., note 55. 541 Ibidem, par. 19.

542 Renvoi: Circonscriptions électorales provinciales (Saskatchewan) op.cit., note 529. Ci-après, le renvoi

« Saskatchewan Boundaries », conformément à la manière dont la doctrine s’y réfère habituellement.

543 Les juges dissidents partagent l’avis de la majorité sur cette question. Renvoi: Circonscriptions électorales

provinciales (Saskatchewan) op.cit., note 529, p. 12 du jugement.

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1.1.1.1) Le droit à une représentation effective

Dans le renvoi Saskatchewan Boundaries, la Cour avait à se prononcer sur la validité du nouveau découpage des circonscriptions électorales de la province de la Saskatchewan, découpage qui avait pour effet de créer des circonscriptions électorales urbaines à forte densité de population opposées à des circonscriptions rurales comptant beaucoup moins d’habitants par représentant élu. Dans leur analyse, tant les juges dissidents que les juges de la majorité ont commencé par souligner l’importance fondamentale du droit de vote dans la démocratie canadienne. Ainsi, le juge Cory, auteur de l’opinion dissidente545, souligne-t-il au début de l’exposé de ses motifs que « [le] droit de vote est synonyme de démocratie. Il est la condition préalable la plus fondamentale de notre système de gouvernement. Dans une société démocratique fondée sur le droit des citoyens de voter, ce droit doit avoir une signification réelle. Il est admis au Canada qu’au minimum chaque citoyen a le droit de vote, a droit au secret du scrutin et a droit à ce que son vote soit honnêtement compté et enregistré »546. Quant à la juge McLachlin547, auteure de l’opinion majoritaire, elle appuie notamment ses motifs sur la décision Dixon548, signée alors qu’elle était juge en chef de la Cour suprême de Colombie-Britannique, pour réaffirmer la place particulière qu’occupe le droit de vote dans le contexte de la Charte. Ainsi, elle affirme que « [vu] dans son contexte textuel, le droit de vote et de participer à l’élection démocratique du gouvernement est l’un des droits les plus fondamentaux de la Charte. Sans le droit de vote dans des élections libres et justes, tous les autres droits seraient en péril. La Charte reflète cet état de fait. Il n’est pas possible de déroger à l’article 3 au moyen de l’article 33 (1) ; en ce sens, il est un droit privilégié»549.

Une fois établie l’importance du droit de vote parmi les droits fondamentaux, la juge McLachlin s’interroge sur la manière dont la Cour doit s’y prendre pour établir le

545 Le juge Cory rédigea l’opinion dissidente, partagée par les juges Lamer et L’Heureux-Dubé.

546 Renvoi: Circonscriptions électorales provinciales (Saskatchewan) op.cit., note 529, pp. 12 et 13 du jugement. 547 La juge McLachlin est désormais Juge en chef de la Cour suprême.

548 Dixon v. B.C. (A.G.) [1989] 4 W.W.R. 393.

549 Le texte original se lit comme suit : « Viewed in its textual context, the right to vote and participate in the

democratic election of one's government is one of the most fundamental of the Charter rights. For without the right to vote in free and fair elections all other rights would be in jeopardy. The Charter reflects this. Section 3 cannot be overridden under s.33(1); it is, in this sense, a preferred right […]. Dixon v. B.C. (A.G.), op.cit., note 548, p. 13 du jugement.

131 contenu du droit de vote. Au terme de son analyse, elle conclut que, comme pour tout droit fondamental, la portée du droit de vote doit se « déterminer de façon libérale et en fonction de son objet, compte tenu du contexte historique et social »550. Elle s’appuie notamment sur la doctrine dite « de l’arbre vivant », élaborée dans l’arrêt Edwards c. Canada (Procureur

général)551, en vertu de laquelle la Constitution, dont la Charte est partie intégrante, est comparée à un arbre « susceptible de croître et de se développer à l’intérieur de ses limites naturelles »552. Ainsi, les dispositions de la Constitution, comme celles de la Charte

canadienne des droits et libertés, doivent être interprétées de façon évolutive et ne pas être

considérées comme fixées à jamais dans leur formulation d’origine. Toute interprétation étroite et formaliste doit donc être écartée553. De fait, indique la juge McLachlin, « [bien] qu’il tire sa source de pratiques historiques et présentes et qu’il soit donc, dans une certaine mesure, défini par elles, le droit de vote ne saurait être considéré comme figé par certaines anomalies historiques. Ce qu’il faut rechercher, ce sont les principes philosophiques plus généraux qui sous-tendent l’évolution historique du droit de vote - des principes qui peuvent expliquer le passé et animer l’avenir »554. Elle ajoute également que dans la détermination du contenu du droit de vote, « est aussi d’une importance fondamentale […] la règle selon laquelle, dans l’interprétation des droits individuels conférés par la Charte, la Cour doit se laisser guider par l’idéal d’une libre et démocratique’ qui fonde la Charte »555.

1.1.1.1.1) Le droit de vote : un « pilier de la démocratie »

Ainsi, la Cour définit pour la première fois la place prédominante du droit de vote parmi les droits fondamentaux garantis par la Charte. Cependant, elle précise aussi - ce qui prendra toute son importance dans l’arrêt Sauvé n°2 - que les fondements historiques du vote, s’ils sont importants, ne doivent pas empêcher de tenir compte de l’évolution possible du droit de vote, influencée à la fois par le contexte social et philosophique actuel. De fait, la juge McLachlin conclut que le contenu du droit de vote ne protège pas « l’égalité du

550 Renvoi: Circonscriptions électorales provinciales (Saskatchewan), op.cit., note 529, p. 28 du jugement. 551 Edwards c. Procureur général du Canada, [1930] AC 124.

552 Renvoi: Circonscriptions électorales provinciales (Saskatchewan) [1991], op.cit., note 529, p. 29 du

jugement.

553 Ibidem.

554 Ibidem, p. 30 du jugement. 555 Ibidem, p. 31 du jugement.

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pouvoir électoral en soi mais le droit à une ‘représentation effective’»556, soit le droit à une représentation qui « suppose la possibilité pour les électeurs d’avoir voix aux délibérations du gouvernement aussi bien que leur droit d’attirer l’attention de leur député sur leurs griefs et leurs préoccupations »557. En conséquence, elle est d’avis que les disparités entre les circonscriptions rurales et urbaines de Saskatchewan sont globalement limitées et justifiables, puisqu’elles tiennent compte de considérations géographiques et d’une éventuelle évolution démographique dans les régions rurales. En l’espèce, elles ne sont pas si importantes qu’elles portent atteinte à cette exigence de représentation effective et donc, au droit de vote.

Dans sa décision, la juge McLachlin se penche aussi sur le degré de retenue que devrait avoir la Cour lorsqu’elle a à se pencher sur une question touchant le droit de vote, et plus largement, sur des questions touchant un conflit de conceptions politiques. Ainsi, elle souligne que la Cour a toujours eu à cœur de ne pas s’immiscer plus que nécessaire dans de tels conflits et qu’elle a rappelé à de nombreuses reprises que « les tribunaux doivent se garder de modifier indûment les décisions dans lesquelles il faut soupeser des considérations de principe opposées »558. En l’espèce, elle juge que « les tribunaux devraient se garder de modifier, en vertu de l’art. 3 de la Charte, les circonscriptions électorales établies par le législateur à moins qu’il ne semble que des personnes raisonnables, appliquant les principes appropriés, n’auraient pas pu tracer les limites existantes des circonscriptions »559.

La juge McLachlin fait ainsi preuve d’une retenue judiciaire importante, que certains qualifièrent même d’« extrême »560, s’en tenant au critère de la « personne raisonnable » pour justifier son refus de s’immiscer davantage dans le débat sur le nouveau découpage électoral. Celui-ci était pourtant fortement critiqué en raison du fait qu’il entraînait des écarts plus importants qu’avant la réforme, certaines circonscriptions ayant

556 Ibidem, p. 33 du jugement. 557 Ibidem.

558 Renvoi: Circonscriptions électorales provinciales (Saskatchewan) op.cit., note 529, p. 41 du jugement. 559 Ibidem.

560 BREDT (Christopher D.) et KREMER (Markus F.), « Section 3 of the Charter: Democratic Rights at the

133 jusqu’à 50 % d’électeurs en plus ou en moins par rapport à la moyenne provinciale561. Or, cette retenue de la juge McLachlin, tel que nous le verrons562, se sera considérablement réduite au moment de rendre le jugement Sauvé n° 2, onze ans plus tard. En effet, de généreuse qu’elle était avec le gouvernement au moment du renvoi Saskatchewan

Boundaries, lui reconnaissant une grande marge d’appréciation dans le choix des moyens

devant favoriser les droits démocratiques, la déférence dont la juge fait preuve en 1991 a pratiquement disparu onze ans plus tard au moment de rendre l’arrêt Sauvé n° 2 (dont elle rédigea aussi les motifs au nom de la majorité). Cela fit dire à certains auteurs que les positions qu’elle défendit dans les deux affaires sont incohérentes et difficilement réconciliables563.

Le juge Cory, dissident sur la question de la raisonnabilité du découpage électoral et de l’importance d’une parité relative dans le poids de chaque vote, fait preuve de beaucoup moins de déférence et conclut qu’il aurait invalidé le nouveau tracé des circonscriptions. Selon lui, l’interposition du Parlement de la province dans le découpage effectué par la Commission de délimitation, pourtant créée à cette seule fin, est suffisante pour constituer une violation de l’article 3. Il estime que cette interférence, bien que mineure564, suffit à créer une dilution du poids du vote de chaque électeur et en conséquence, constitue une violation inacceptable du système démocratique. Contrairement à sa consœur, il n’accorde au législateur qu’une marge de manœuvre étroite, qu’il justifie en expliquant qu’une dilution du vote risquerait d’entraîner une perte de confiance de l’électeur dans la démocratie : « Toute réduction sensible de ce droit à l’égalité relative du pouvoir électoral provoquera inévitablement chez les électeurs la frustration et la méfiance à l’égard du processus électoral565 ». S’il reconnaît qu’il « n’appartient pas à un tribunal d’entrer dans le détail des délimitations fixées par la commission »566, il est néanmoins d’avis que « [le] droit de vote est trop important pour être dilué sans justification valide » et qu’en l’espèce,

561 Ibidem, p. 22.

562 Infra, section 2.1.1.1 du présent titre.

563 BREDT (Christopher D.) et KREMER (Markus F.), « Section 3 of the Charter: Democratic Rights at the

Supreme Court of Canada », op.cit., p. 60.

564 Renvoi: Circonscriptions électorales provinciales (Saskatchewan), op.cit., note 529, p. 18 du jugement. 565 Ibidem.

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cette justification n’existe pas567. Au surplus, il conclut que l’affaiblissement du système démocratique entraîné par cette « diminution du droit de vote » est tel qu’elle ne peut être justifiée en vertu de l’article 1er de la Charte568. Ainsi, tant les juges minoritaires que majoritaires, même s’ils sont en désaccord sur la marge de manœuvre à laisser au gouvernement dans les choix législatifs pouvant avoir un impact sur la portée de l’article 3 de la Charte, utilisent, dans cette première décision portant sur les droits démocratiques enchâssés dans la Constitution, un vocabulaire semblable, où l’on découvre une préoccupation pressante pour la protection du processus démocratique et de la

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