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Structures cohérentes de couche limite à ZPG

CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE

1.1 Structure de couche limite turbulente à ZPG

1.1.2 Structures cohérentes de couche limite à ZPG

Bien que les quantités statistiques de couche limite donnent un ordre de grandeur des échelles présentes dans l’écoulement, elles ne permettent pas de les caractériser d’une manière pré-cise. L’expérience a montré par ailleurs que l’écoulement de couche limite turbulente, mal-gré son caractère aléatoire, contient certaines structures organisées ou cohérentes (CS). Tous les modèles conceptuels des structures cohérentes de couche limite ont pour une base com-mune l’idée de Theodorsen (1952) selon laquelle, dans les écoulements turbulents cisaillés, les structures dominantes sont les tourbillons en épingle à cheveux inclinés de45 par rapport à la paroi. Depuis, beaucoup d’études (Kline et al., 1967; Blackwelder et Eckelmann, 1979;

Head et Bandyopadhyay, 1981; Robinson, 1991; Kim et Adrian, 1999; Adrianet al., 2000b;

Hutchins et Marusic, 2007a; Adrian, 2007; Dennis et Nickels, 2011a,b) ont permis de mettre en évidence les principales structures caractéristiques de la turbulence comme les stries, les tourbillons longitudinaux ainsi que les superstructures. Cette section a trait des CS peuplant

une couche limite turbulente. Une revue extensive concernant le sujet peut être trouvée dans Adrian (2007) et Hutchinset al.(2012).

1.1.2.1 Stries, processus d’éclatement et tourbillons quasi-longitudinaux

Les premières structures identifiées dans la turbulence de paroi sont les stries ouStreaks(Kline et al., 1967). Il s’agit des régions alternées, de comportement sinueux, de fluctuations de vitesse positives / négatives, très allongées dans la direction de l’écoulement dans la région de proche paroi. Ces structures ne sont plus observées au dessus de 4050+, où + signifie l’unité de paroi. Dans la littérature, les stries de fluctuations négatives sont notées LSS : Low-Speed Streakset les stries de fluctuations positives sont notées HSS :High-Speed Streaks. Klineet al.

(1967); Smith et Metzler (1983) et Robinson (1991) estiment que les LSS mesurent 400 1000+ de long et 2080+ de large et qu’elles sont espacées en moyenne de100+. Les HSS sont généralement moins longues que les LSS, par contre elles sont plus larges,40110+. La régularité et la persistance des stries, même lorsqu’elles sont perturbées, ont incité leur étude approfondie. Kimet al.(1971) ont montré que les stries sont le site apparent de produc-tion de l’énergie turbulente via un processus d’éclatement (bursting). Ce dernier représente un cycle de balayage (sweep) par du fluide provenant de la région externe vers la paroi et puis le soulèvement, l’oscillation et l’éclatement des LSS, éjectant ainsi le fluide proche paroi vers l’extérieur de la couche limite. Le processus d’éclatement semble être maintenu par l’exis-tence des tourbillons quasi-longitudinaux (QSV :Quasi-Streamwise Vortices) d’après Black-welder et Eckelmann (1979). Ces QSV, orientés dans la direction de l’écoulement, forment des paires contrarotatives organisées généralement en chaînes. Kim et al.(1987) estiment que le centre de ces QSV est situé en moyenne ày+ 15ce qui correspond d’ailleurs à la position du maximum de la variance des fluctuations de vitesse longitudinale (cf. figure 1.3). Ils ont un diamètre de 30+ et une longueur de 200 400+ selon Smith et Metzler (1983) et ils présentent une inclinaison moyenne de 10 par rapport à la paroi d’après Robinson (1991).

En effet, les QSV représentent les jambes des tourbillons en épingle à cheveux tels qu’ils sont décrits par Robinson (1991) au § 1.1.2.2. Les QSV soulèvent le fluide plus lent de proche paroi

vers l’extérieur d’un côté et ramènent le fluide accéléré de l’extérieur vers la paroi de l’autre côté, créant respectivement les LSS et les HSS. Pour une description détaillée du processus de formation des QSV et les stries de proche paroi, le lecteur est référé à Schoppa et Hussain (2002).

1.1.2.2 Tourbillons en épingle à cheveux

La structure en épingle à cheveux ou hairpin a été postulée pour la première fois par Theo-dorsen en 1952. Son existence a été au départ controversée mais elle s’est confirmée par les expériences de Head et Bandyopadhyay (1981) ainsi que les LES de Moin et Kim (1985) et Kim et Moin (1986). Robinson (1991) décompose cette structure en trois parties, comme il est montré à la figure 1.1. Les jambes, formées de deux QSV contrarotatifs sont situées dans la zone de proche paroi. La tête, située plus haut, est formée d’un tourbillon transversal et la nuque, reliant le tout est orientée à45 par rapport à la paroi. La possibilité que ces structures ont une forme asymétrique ou encaneest aussi évoquée par Robinson (1991). Ces structures ont une taille de200400+, comparable à la taille des QSV. Head et Bandyopadhyay (1981) suggèrent que ces structures se déplacent majoritairement en groupes ou en paquets. Adrian et al.(2000b) émettent l’hypothèse que l’intégralité de la couche limite est peuplée de paquets de structure en épingle à cheveux (structure de base), dénommés LSM (Large-Scale Motions).

Les mesures PIV stéréoscopique de Dennis et Nickels (2011a) semblent confirmer cette hy-pothèse. Ces LSM prennent naissance dans la région de proche paroi et grossissent tout en s’éloignant de la paroi à mesure qu’ils sont convectés par l’écoulement (cf.figure 1.2). Ils sont formés de 5 à 10 structures en épingle à cheveux, ce qui permet de générer des stries de taille moyenne de10004000+. Une strie (cf.§ 1.1.2.1) serait donc le résultat du passage de LSM.

Cela explique pourquoi les stries sont donc plus longues comparativement aux QSV.

1.1.2.3 Effet du nombre de Reynolds et superstructures

De nombreuses mesures PIV dans un plan parallèle à la paroi (Kim et Adrian, 1999; Tom-kins et Adrian, 2003; Ganapathisubramani et al., 2009; Hutchins et Marusic, 2007a;

Den-Figure 1.1 Structure en épingle à

nis et Nickels, 2011b) ont montré l’existence des régions très allongées de fluctuations né-gatives de la vitesse longitudinale serpentant la zone logarithmique. Ces régions sont claire-ment très longues comparativeclaire-ment aux LSM et elles sont alors dénommées superstructures ou VLSM (Very-Large-Scale Motions). De plus, Hutchins et Marusic (2007b) montrent que pour un nombre de Reynolds suffisamment élevé, estimé àReτ 1700, les spectres de fluctuations de la vitesse longitudinale présentent deux pics d’énergie (cf.figure 1.3). Le premier pic, avec une longueur d’onde de 1000+, est la signature des structures de la zone tampon (stries de proche paroi) identifiées par Klineet al.(1967) ày+ 15. Le second pic, avec une longueur d’onde de6δbien supérieure à l’épaisseur de couche limite dans la zone logarithmique à0.06δ, est la signature des superstructures de la zone logarithmique (Hutchins et Marusic, 2007b). La longueur réelle des VLSM peut atteindre jusqu’à 20δ d’après Hutchins et Marusic (2007a).

Montyet al. (2007) reportent une longueur comparable dans un écoulement de conduite. Ga-napathisubramaniet al.(2009) à l’aide de PIV et Ringuetteet al.(2008) à l’aide de DNS dans une couche limite supersonique reportent des longueurs entre 40100δ. Hutchins et Maru-sic (2007a,b) ont démontré qu’une analyse par des corrélations à deux points ou une analyse spectrale à un point dissimulent la longueur réelle des VLSM dû au caractère sinueux de ces dernières. La longueur réelle des VLSM dépasse généralement les champs PIV et les domaines de calcul DNS. Les valeurs données au dessus ont été le résultat de projection en espace, des données résolues en temps en utilisant l’hypothèse de turbulence gelée de Taylor.

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Figure 1.3 Spectrogramme de fluctuations de vitesse longitudinale à Reτ = 7200. Tirée de Hutchins et Marusic (2007b).

Hutchins et Marusic (2007b) expliquent aussi la raison pour laquelle seules les études à nombre de Reynolds suffisamment élevé ont conduit à l’observation de VLSM. Les deux pics, interne et externe, présents à la figure 1.3 s’adimensionnent respectivement en échelles interne et ex-terne. Cela signifie que pour de bas nombres de Reynolds, où les échelles interne et externe sont quasi-comparables, les deux pics sont très proches en termes de position et de longueur d’onde. Ainsi, le caractère de surface bi-modale qu’on observe à la figure 1.3 disparaît. En d’autres termes, à bas nombres de Reynolds il y aura une augmentation du recouvrement entre les échelles interne et externe jusqu’au point limite où ces deux échelles auront des dimen-sions égales (6δ = 1000ν/Uτ). Ce point critique est caractérisé par Reτ 1000/6. Pour pouvoir distinguer les deux échelles, il faut typiquement une séparation d’un ordre de grandeur (une décade en échelle log) entre les échelles interne et externe. Pour ainsi faire, il faut que

Reτ > 10000/61700(Hutchins et Marusic, 2007b). La revue de Smitset al.(2011) met en lumière la caractérisation de cette séparation des échelles.

L’origine de VLSM reste mal comprise. Kim et Adrian (1999) et Dennis et Nickels (2011b) proposent que les VLSM sont le résultat d’un pseudo-alignement longitudinal des LSM non attachés à la paroi (les structures qui correspondent àU c3à la figure 1.2), tandis que del Álamo et al. (2006) et Jiménez (2012) suggèrent que les LSM sont la conséquence des VLSM via un processus linéaire ou non-linéaire et non le contraire. Cela est appuyé par le fait que les LSM ont une durée de vie très courte et ne peuvent pas donc produire des structures comme les VLSM de grande durée de vie. De plus, le concept des LSM (paquets de structure en épingle à cheveux) est remis en question par de nombreux auteurs (Jiménez, 2013). Une discussion détaillée concernant d’autres mécanismes pouvant donner naissance aux VLSM est disponible dans Dennis (2015).