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CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE

1.2 Décollement de couche limite

Dans le cas d’une couche limite soumise à un gradient de pression, la structure de l’écoulement près de la paroi diffère de celle de la couche limite à ZPG décrite dans la section précédente.

Dans le cas extrême où la couche limite est soumise à un gradient de pression prolongé ou intense, le fluide se trouve éjecté de la paroi et on assiste alors au décollement de couche limite.

1.2.1 Terminologie de décollement turbulent stationnaire 2D

Dans un plan (x, y) perpendiculaire à la paroi, où le frottement pariétal moyen ne possède qu’une seule composante (τwx), le point de décollement stationnaire ou moyen (D) peut être défini comme le point critique oùτwx = 0. Cette vision qui suppose que le décollement tur-bulent se fait en un point a été réajustée par Simpson (1981) en introduisant la terminologie de décollement turbulent stationnaire 2D. Cette terminologie est basée sur l’évaluation d’une quantité statistique de l’écoulement instationnaire. Le caractère turbulent impose que l’écou-lement instationnaire n’est de retour que pendant une fraction de temps dans la zone décollée,

ainsi il est dit intermittent. L’intermittence est quantifiée à l’aide d’une grandeur moyenne γ définie comme la fraction de temps pendant laquelle l’écoulement instantané se fait dans le même sens que l’écoulement principal (Simpson, 1981). Par conséquent, Simpson (1981) dé-finit le décollement turbulent stationnaire comme une zone comportant plusieurs points parmi lesquels le point de décollement moyen (D).

En étudiant la configuration de décollement turbulent (sans recollement) sur une plaque plane, Sandborn et Liu (1968) et Simpson (1981) ont remarqué que γ près de la paroi varie conti-nûment de l’unité à zéro. Par conséquent, ils définissent le décollement naissant (ID), le dé-collement intermittent transitoire (ITD) et ledécollement transitoire (TD) comme les points correspondants respectivement aux γ = 99%, γ = 80% et γ = 50%. La figure 1.4 montre la disposition de ces points dans la zone de décollement. Simpson (1989, 1996) note que le point TD est généralement confondu avec le point D (cf.définition plus haut). Cette remarque a été confirmée par la suite par Na et Moin (1998a) à travers une simulation numérique di-recte (DNS).

Dans un écoulement turbulent, le décollement a nécessairement un caractère instationnaire.

En effet, la ligne de décollement est irrégulière (non lisse) en envergure et elle peut osciller près de la paroi. En outre, l’écoulement de retour n’est pas séparé de l’écoulement principal par une ligne séparatrice (ou par la ligne de décollement à la paroi) comme dans le cas du décollement stationnaire. L’écoulement de retour arrive à pénétrer l’écoulement principal en

Figure 1.4 Terminologie de décollement turbulent stationnaire 2D d’après Simpson (1981).

décollement instationnaire. Restant toujours dans une vision 2D, cela induit que le frottement pariétal change de signe en fonction de l’écoulement de retour sans que le fluide soit éjecté de la paroi. La position à la paroi où le frottement est nul et l’existence de l’écoulement de retour ne sont donc pas des signes de décollement instationnaire, (Sears et Telionis, 1975). Le décollement est plutôt le lieu, pas nécessairement à la paroi, où le fluide est éjecté de la paroi.

Néanmoins, il n’existe pas de définition rigoureuse du décollement turbulent instationnaire, non plus de critère pratique pour le prédire. La théorie récente de décollement mobile développée par Haller (2004) est à priori valable uniquement dans le cas laminaire à très bas nombre de Reynolds et n’a pas encore été vérifiée en turbulent (Miron et Vétel, 2015).

1.2.2 Décollement turbulent stationnaire 3D

Considérons maintenant le cas d’une configuration 3D de l’écoulement. Le frottement pariétal possède deux composantes (τwx, τwz) dans ce cas-ci et on peut définir un tenseur de gradient de frottement (jacobien). Par analogie avec un champ de vitesse 2D, des lignes de frottement pariétal peuvent être définies par des équations similaires à celles des lignes de courant en fai-sant intervenir les compofai-santes du jacobien de frottement. Ainsi pour étudier le comportement des lignes de frottement autour des points critiques où le vecteur frottement s’annule, il suffit de résoudre un problème aux valeurs propres du jacobien (cf.Délery (2013) pour le développe-ment). Notons le jacobien parJet ses deux invariantsp=trace(J)etq= det(J). La forme de la solution dépend de la nature (réelle ou complexe) et du signe des valeurs propres. Dans un plan(p, q)l’ensemble des solutions peut être résumé comme montré à la figure 1.5 d’après Perry et Fairlie (1975b). Les principaux points critiques (Nœud ouNodenotéN, Col ouSaddle notéS, Foyer ou Focusnoté F et Centre ouCenter notéC) utilisés pour la description topo-logique des écoulement 3D sont montrés à la figure 1.6. Ces points critiques sont caractérisés par leur indice de Poincaré. L’indice de valeur +1 est attribué aux points de typeN, F et C et l’indice de valeur 1est attribué au point de type S (cf. Foss (2004) pour un exemple de démonstration).

Figure 1.5 Classification des points critiques.

Tirée de Délery (2013).

Figure 1.6 Les principaux points critiques pour la description topologique des écoulement 3D. Tirée de Délery (2013).

En 3D, le décollement est plutôt une ligne et ne peut plus être uniquement défini en tant qu’un point critique. Une analyse par point critique s’avère alors insuffisante pour définir le décol-lement 3D. Lighthill (1963) considère que la convergence des lignes de frottement est une

Figure 1.7 Les quatre configurations possibles de ligne de décollement.

Tirée de Suranaet al.(2006).

condition nécessaire pour le décollement 3D (cf. Tobak et Peake (1982) pour un exemple).

D’après Lighthill (1963), une ligne de décollement émane toujours d’un point de col (S) et se termine par un foyer (F) ou par un nœud (N). Cela est cohérent avec la théorie exacte de décol-lement stationnaire 3D décrite plus récemment par Suranaet al.(2006). En utilisant la théorie de la dynamique non-linéaire des systèmes, Suranaet al. (2006) démontrent qu’une ligne de décollement ne peut avoir que quatre configurations (cf. figure 1.7). Une combinaison d’un col-foyer, d’un col-nœud, d’un col-cycle limite stable (notéΓà la figure 1.7) ou un cycle limite stable (trajectoire fermée isolée). Tous les points critiques dans ces combinaisons doivent être caractérisés par unp >0(cf.figure 1.5).

1.2.3 Recollement d’un écoulement décollé – bulle de décollement

Il arrive dans certains cas que la couche de cisaillement produite par un décollement de couche limite turbulente se recolle à la paroi. Le processus de décollement / recollement est appelé bulle de décollement turbulente ou TSB. La TSB inclut les zones de décollement, de recircu-lation, de recollement et la couche de cisaillement qui les entoure. Dans le cas 2D, le point de recollement stationnaire (R) prend la même définition que le point de décollement

station-naire (point critique àτwx = 0). La distance entre le point de décollement (D) et le point de recollement (R) définit la longueur moyenne (Lb) de la TSB.

Par analogie avec la terminologie de décollement turbulent stationnaire 2D de Simpson (1981), le recollement peut aussi être défini comme une zone comportant plusieurs points. On définit par conséquent lerecollement transitoire(TR) et lerecollement complet(CR) comme les points correspondants respectivement auxγ = 50%etγ = 99%. Le point de recollement moyen (R) peut également être assimilé au point TR, et la longueur Lb de la TSB revient alors à une mesure de la distance entre TD et TR.

D’après Surana et al. (2006), la ligne de recollement peut aussi avoir quatre configurations possibles ; une combinaison d’un foyer-col, d’un nœud-col, cycle limite instable-col ou un cycle limite instable. Les points critiques de ces combinaisons sont caractérisés par unp < 0 (cf.figure 1.5). Enfin, il est intéressant de noter que les lignes de décollement de type S1 et S2 (cf.figure 1.7) et par analogie les lignes de recollement de type R1 et R2 sont les plus observées en pratique (Suranaet al., 2006).

1.2.4 Assemblage topologique – application aux zones massivement décollées

Il apparait à travers les sections précédentes que l’analyse du champ de frottement pariétal notamment à l’aide d’une description par points critiques, ou l’analyse topologique, constitue un outil précieux pour étudier le décollement 3D. L’analyse topologique facilite notamment la compréhension et l’interprétation de la structure de l’écoulement.

En se basant sur la notion d’indice d’un point critique, le nombre de chaque type de points critiques sur une surface refermée sur elle-même n’est pas arbitraire. Le théorème de Poincaré-Hopf établit que s’il n’y a qu’un nombre fini de points critiques sur une surface, la somme de leurs indices est égale à la caractéristique d’EulerX de cette surface :

Xsurface=

(N + F)

S. (1.1)

En se basant sur les travaux de Huntet al.(1978), Foss (2004) introduit le concept de sphère aplatie ou collapsed sphere. Il propose une règle topologique qui est valable à la fois sur les surfaces des corps 3D ainsi que pour les plans coupant un corps 3D. En effet, toute surface peut être assimilée à une sphère malléable à laquelle on ajoute des poignées (handles) et / ou des trous (holes), cf. Foss (2004) pour des exemples. La caractéristique d’Euler de la surface se donne ainsi par l’équation :

Xsurface=Xsphere2

handles

holes. (1.2)

Le champ de vecteurs doit être uniformément distribué entrant / sortant du bord représentant un trou (cf.figure 1.8). La caractéristique d’une sphère sans poignées et sans trous estXsphere = 2 car un champ de vecteurs sur une sphère (e.g.un ballon rond) est caractérisé par deux nœuds seulement. Dans le cas d’un plan coupant un corps 3D, la surface résultante est assimilée à une sphère évacuée et aplatie avec des poignées et des trous. Les bords de la surface sur lesquels le champ de vecteurs doit être tangent sont notés interfaces. Les points critiques situés sur les interfaces sont comptés une seule fois et ceux à l’intérieur sont comptés deux fois. Selon Hunt et al.(1978), les premiers sont des demi-cols / nœuds (notés avec l’ajout d’une primeS,N) et les derniers sont des cols / nœuds entiers. Dans ce cas, la caractéristique d’Euler de la surface exprimée en fonction du nombre de points critiques est donnée par :

Xsurface= 2

(N + F) +

N2

S

S. (1.3)

D’une manière générale, l’assemblage topologique d’une surface donnée, autrement-dit l’équa-tion 1.3 doit satisfaire la valeur calculée en utilisant l’équal’équa-tion 1.2.

Pour fixer les idées, la configuration d’une bulle de décollement sur une plaque en T, tirée de Foss (2004), est montrée à la figure 1.8. La surface peut être assimilée à une sphère sans poignées à trois trous, ainsi sa caractéristique d’Euler vaut 1 d’après l’équation 1.2. Il est possible d’observer à la figure 1.8 trois nœuds (+6), un demi-nœud (+1), un foyer (+2) et cinq cols (−10). Le résultat est1, ce qui satisfait la règle topologique.

Figure 1.8 Exemple d’assemblage topologique d’un écoulement massivement décollé, adaptée de Foss (2004).