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PARTIE I. RURALITÉ ET MIGRATION EN AMÉRIQUE CENTRALE

CHAPITRE 2. Les espaces d'étude : configurations des espaces productifs ruraux

3. Structures agraires, exploitants et force de travail

3.1. San Juan Guichicovi : au cœur et à la marge de l'ejido

Carte 2. Environnement régional de San Juan Guichicovi

Source : Censo de población y vivienda 2010, INEGI ; Fond de carte : R. Palma Réalisation : D.Prunier

Le municipe de San Juan Guichicovi est un des plus grands de l'État de Oaxaca, avec plus de 88000 hectares de superficie, dont environ 50000 parcellisés. Il compte, d'après le recensement de 2010, 28 142 habitants.

A San Juan Guichicovi, la population est majoritairement mixe même si un petit nombre de communautés, mieux connectées à la route panaméricaine et aux villes régionales sont zapotèques (c'est le cas de l'ejido de Estación Mogoñe dont il sera question plus en avant)118.

L’agriculture de subsistance peu capitalisée est majoritaire, même s’il existe une production commerciale de café, d'ananas, d'orange et une part d’élevage extensif. Le municipe compte au total 31 ejidos d'après le Registre Agraire National (RAN). Nous avons parcouru une partie d'entre eux et nos connaissances des structures agraires et des systèmes de production agricoles ont pu être davantage approfondies dans 6 des ejidos du municipe : San Juan Guichicovi (le plus grand, en superficie et en nombre d'ejidatarios), Estación Mogoñe, El Ocotal, El Chocolate, Encinal Colorado y El Zacatal.

Tableau 5. Situation de six ejidos du municipe de San Juan Guichicovi

Ejido Superficie Bénéficiaires Application du PROCEDE achevée Selon le Registre

Agraire National commissaires Selon les

ejidaux rencontrés

San Juan

Guichicovi 16 576 hect 627 ejidatarios 800 posesionarios 351 ejidatarios et

Estación Mogoñe 4 749 hect 254 ejidatarios - X

El Ocotal 2 929 hect 104 ejidatarios 152 ejidatarios et

236 posesionarios X

El Chocolate 3 581 hect 294 ejidatarios -

Encinal Colorado 3 317 hect 262 ejidatarios -

El Zacatal 3 157 hect 136 ejidatarios 136 ejidatarios et 220 posesionarios

118H. Escalona Lüttig, « Las relaciones interétnicas entre Mixes y Zapotecos 1900-1970. El caso de San Juan Guichicovi y Matias Romero (Las relaciones interétnicas y algunos impactos de la modernidad durante el siglo XX en San Juan Guichicovi, Oaxaca) » (sous la direction de F. Navarrete Linares, UNAM, 2004).

On peut distinguer dans l'ejido trois types d'acteurs qui jouissent de droits fonciers différents et donc d'une plus ou moins grande intégration à la structure collective.

- Les ejidataires sont les titulaires de l'ejido. Ils peuvent voter et être élus au sein de l'assemblée ejidale, reçoivent les bénéfices de l'ejido -s'agissant notamment des programmes fédéraux d'aide à la production ou de subventions tels que PROCAMPO119-, et

détiennent des droits agraires pour l'exploitation d'une partie des terres de l'ejido, droits qu'ils peuvent transmettre en héritage.

- Les posesionarios sont reconnus par l'assemblée qui leur attribue un droit d'usufruit sur une portion des ressources foncières de l'ejido, que ce soit dans la partie dite d'usage

commun ou bien sur des terres individualisées et parcellisées. Ils sont souvent ceux à qui

les ejidataires ont donné (notamment aux enfants) ou vendu des portions de leurs parcelles alors que ces pratiques étaient interdites, et demeurent ainsi, dans le cas où leur situation n'a pas été régularisée, sans statut officiel vis à vis de l'administration foncière, et donc par extension sans aucun droit.

Ils peuvent participer à l'assemblée mais ne bénéficient pas du droit de vote. En fonction des accords internes à l'ejido, ils bénéficient ou non de droits agraires officiels qui leur permettent, le cas échéant, d'effectuer des transactions foncières ou d'accéder à certains programmes. Ils exercent donc un pouvoir de fait sur la ressource foncière qui leur octroi un statut plus ou moins central dans les mécanismes d'intégration à l'institution ejidale selon les décisions prises au sein de l'assemblée, et sont dans bien des cas plus nombreux que les titulaires au sein des ejidos du municipe.

- Les avecindados sont les habitants qui n'ont aucun droit de propriété sur les terres agricoles mais qui sont en revanche propriétaires de leur solar, c'est à dire du terrain sur lequel ils construisent leur maison. A San Juan Guichicovi, le terme d'arendatario -celui qui loue- est le plus communément utilisé pour ces membres de l'ejido qui ont le droit de prendre des terres en location depuis 1992. Les arendatarios ne sont en aucun point reconnus par l'assemblée ejidale. Pour accéder à la terre, l'arendatario institue un accord avec un titulaire de l'ejido qui lui permet d'exploiter une partie de la superficie mise à sa disposition en tant qu'ejidataire. Ce contrat peut se faire sous différentes conditions, par la location, par l'exploitation en métayage ou bien par un simple accord autorisant

119Programa de Apoyos Directos al Campo, destiné aux agriculteurs qui travaillent sur une parcelle, sous condition de présentation d'un titre agraire et en fonction de la superficie exploitée de terres de culture en parcelles individuelles.

l'utilisation d'une parcelle en échange de travaux manuels ou d'activités journalières aux bénéfices du paysan titulaire ou de la communauté (installation de clôtures, main d’œuvre pour les récoltes, l'amélioration des chemins, etc.).

Dans les différents ejidos du municipe, l'application du programme fédéral de régularisation de la propriété sociale (PROCEDE120) n'a pas toujours été menée à son terme,

notamment en raison des difficultés à résoudre les conflits agraires avec les ejidos voisins. Par exemple, la détermination des limites séparant les ejidos de San Juan Guichicovi et El Zacatal n'ayant toujours pas été résolue, ces deux ejidos n'ont pas procédé à la titularisation des parcelles individuelles et continuent de fonctionner sous le régime classique de l'ejido, même si une majorité de votes favorables à l'assemblée a déjà permis l'incorporation au programme. Dans la pratique, une grande partie des parcelles sont clôturées et donc appropriées individuellement même si l'usage de la terre dans la structure de propriété sociale continue de reposer en partie sur l'usage commun, sur la culture sur brûlis et sur le principe de rotation des cultures pour la gestion des ressources foncières et forestières communes.

En revanche, lorsque l'application du PROCEDE est portée jusqu'à la première phase121 de

délimitation des parcelles et d'inscription au cadastre, comme c'est le cas à El Ocotal ou à Estación Mogoñe, on délimite la superficie et les limites générales de l'ejido en distinguant quatre types d'usage : les parcelles individuelles, la partie en usage commun, la partie des terres destinées aux habitations et constructions en zone résidentielle et, enfin, la partie pour usages spécifiques (parcelle pour l'école, unités industrielles, lieux associatifs, etc.). Pour les ejidataires, les parcelles sont mesurées, délimitées, réparties individuellement et correspondent à un titre agraire permettant la vente ou la transaction. Le cadre institutionnel de l'ejido demeure valide et opérationnel pour la réglementation et la répartition des terrains voués à la construction des maisons dans la partie urbanisée du municipe, pour la fonction de préservation des espaces non cultivés, mais aussi au niveau du rapport politique entre l'assemblée ejidale et les organes politiques fédéraux.

120 Programa de Certificación de Derechos Ejidales y Titulación de Solares (PROCEDE). Parmi les réformes mises en place en 1994 et modifiant le principe constitutionnel de réforme agraire, ce programme fédéral est un outil de politique publique visant à accélérer l’accès à la propriété privée des bénéficiaires de la réforme agraire par la délivrance de titres de propriété foncière individuels et définitifs.

121 La deuxième phase (appelée dominio pleno) est la privatisation complète de l'ejido au sens juridique du terme. Elle n'a été acceptée que sur 20% des ejidos, soit 4% des surfaces ejidales du pays, correspondant aux zones touristiques et péri-urbaines.

Pour Ascención Hernandez Aquilar, responsable de la procuraduría agraria dans la zone de Matías Romero (incluant le municipe de San Juan Guichicovi) avec qui nous nous sommes entretenus en novembre 2009, la réforme permet d' « élever l'ejido au niveau de propriété privée» tout en le consolidant grâce à la mise en place d'outils légaux permettant la sécurité foncière et la formalisation du patrimoine : loin de représenter une liquidation de l'ejido, il s'agit selon lui d'un « bénéfice total » pour les paysans titulaires qui peuvent ainsi bénéficier de leur terre comme s'ils étaient propriétaires122, s'assurer d'un capital qu'ils

pourront vendre, louer ou transmettre en héritage, ou encore faire valoir pour bénéficier d'un prêt ou des aides fédérales.

Dans certains cas, les posesionarios peuvent continuer à bénéficier de la reconnaissance de l'assemblée grâce au maintien de la validité de l'attestation de possession certifiant devant l'assemblée l'ancienneté et la régularité de l'exploitation qu'ils ont fait sur les terres ejidales. C'est donc finalement la question de la situation des paysans précaires de l'ejido qui est posée par la mise en place du PROCEDE sous ses différentes formes. Selon le degré de reconnaissance formelle dont ils pourront bénéficier dans le jeu de rapport de forces qui les lie aux titulaires de l'assemblée ejidale, les posesionarios peuvent dans certains cas acquérir la titularisation des droits agraires et obtenir un titre individuel de propriété sur une parcelle au moment de la réforme du PROCEDE. Dans d'autres cas, il semble que la réforme puisse s'effectuer tout en conservant une partie des terres en usage commun qui pourront alors continuer à être exploitées par les posesionarios : ils sont alors lésés en termes d'accès au titre agraire, le statut des terres en usage commun étant défini comme non aliénable (impossible donc de louer ou vendre la terre). Les arendatarios sont quant à eux définitivement exclus de ce processus de titularisation (sauf sur leur solar en zone résidentielle pour lequel ils ont en général obtenu leur titre de propriété) mais les pratiques de fermage, de métayage ou de prêt sur les terres agricoles perdurent néanmoins après l'application du PROCEDE.

L'application du PROCEDE permet donc aux seuls titulaires de l'ejido de bénéficier d'un

122 Avec la réforme de 1992, les ejidatarios deviennent légalement propriétaires de leurs terres mais il s'agit en fait d'un type de propriété particulier, les transactions définitives (ventes) nécessitant l'accord préalable de l'assemblée.

titre agraire et de vendre des parcelles aux limites clairement déterminées par le cadastre, de la même manière que pour la propriété privée.

Un des effets majeurs observés et très fréquemment évoqué est celui de l'accélération des ventes de parcelles et par conséquent du phénomène de concentration de la ressource foncière entre les mains de quelques propriétaires. « C'est ce que voulaient les gens... pour vendre, pas pour travailler » regrette par exemple Eusebio M., secrétaire ejidal de El Ocotal, qui s'est toujours opposé à la titularisation des parcelles.

On précisera d'un côté que, même si la vente ou la location de la terre constituaient une pratique commune -bien que dissimulée ou tolérée de manière informelle face à l'assemblée ejidale-, les transactions foncières sont effectivement reconnues par le RAN et davantage encadrées quand la réforme du PROCEDE a été appliquée, dans la mesure où la définition des limites spatiales est précisément enregistrée au cadastre et les documents de titularisation enregistrés individuellement. D'autre part, il faut insister sur le maintien, voire sur l'augmentation de la valeur de l'ejido qui garde dans le milieu rural mexicain une place centrale en termes d'intégration, d'opportunités et de « capital spatial »123. La vente

ou la location du droit d'usage de la terre pour une durée déterminée d'une part (sans officialiser la transaction auprès de l'assemblée ejidale) tout en conservant d'autre part le titre agraire permettent en effet de conserver le statut d'ejidataire, de participer à l'assemblée, de transmettre le titre en héritage et de continuer à bénéficier des programmes fédéraux tels que PROCAMPO, même lorsque le titulaire officiel ne réalise plus -ou seulement en partie- d'activité de production agricole. L'application du programme PROCEDE ne semble pas avoir bouleversé ces pratiques qui restent communes et réaffirment l'importance du statut de titulaire de l'ejido dans la constitution du patrimoine et dans les stratégies d'intégration sociale, politique et productive en milieu rural124.

Par ailleurs, le municipe comprend également des propriétés privées appartenant à trois types d'exploitants : 1) à de petits propriétaires colons venus du Michaocán et installés dans le nord du municipe au moment des politiques d'attribution et de mise en valeur des terres du nord de l'Isthme dans les années 1940-1960, 2) à des familles paysannes ayant

123Hoffmann, « L’ejido, laboratoire des pratiques sociales et fondement de la ruralité contemporaine au Mexique »; Lévy, L’espace légitime: sur la dimension géographique de la fonction politique.

124S. Zendejas, « Emigración a los Estados Unidos y el futuro del ejido: redefinición de compromisos para el ejido en un poblado michoacano », in Randall L.: Reformando la Reforma agraria mexicana (México: UAM Xochimilco, 1999), 433.

pu, au travers de l'achat de parcelles ejidales ou en propriété, constituer des exploitations de taille moyenne (agrumes, ananas, élevage extensif), 3) aux familles puissantes des villes moyennes de l'Isthme se consacrant à l'élevage extensif et propriétaires de grandes extensions de terres au bord de la route trans-isthmique.

Photo 1. Parce lle de maïs, San Juan Guichicovi, juillet 2009

Au travers de la réforme de la propriété sociale mais aussi de l'ensemble des pratiques de transaction foncière et de vente de la force de travail pour les paysans non titulaires, exclu ou à la marge en termes d'accès à la terre, ce sont en fait les questions de l'orientation productive et de l'accès aux moyens de production qui se posent pour les familles paysannes. Les objectifs du PROCEDE paraissent en effet se baser sur la distinction productive entre propriété privée (agriculture commerciale et entrepreneuriale, investissements en technologies et irrigation), développée sur des unités de production de taille considérée comme viable, et propriété sociale de la terre, avec un régime ejidal ou communal associé à l'économie paysanne de subsistance. Les incitations gouvernementales, les dynamiques de privatisation et de libéralisation de la production et des échanges tendent donc à encourager l'alliance des capitaux (foncier, main d’œuvre et moyens de production) pour une meilleure compétitivité du secteur agricole dans un

contexte d'intégration régionale.

Dans les faits, au delà des pratiques de location de la terre ou de production en métayage au sein de l'ejido comme des exploitations en propriété privée -concernant les familles paysannes les plus précaires cherchant à s'assurer une production vivrière lorsqu'elles ne bénéficient pas de l'accès au foncier- on a également pu observer des phénomènes de vente de parcelles ejidales de la part de titulaires dont les moyens de production deviennent insuffisants pour maintenir l'exploitation de façon autonome. Avec la vente de la parcelle à un autre ejjidataire ou à un propriétaire privé, l'ancien titulaire devient dans certains cas paysan prolétaire en vendant sa force de travail sur la même parcelle, notamment dans le cadre d'une substitution de la production vivrière par l'exploitation bovine. Comme nous pourrons le préciser par la suite, des changements significatifs se font jour quant à la valeur du foncier associée à l'expansion de l'élevage, changements qui sont particulièrement visibles dans les contextes de mobilité et d'investissements activés par les transferts financiers de migrants.

C'est donc finalement la capacité de reproduction des petites agricultures paysannes et la fonction régulatrice de l'institution agraire qui sont en cause125. Qu'elles soient détentrices

de terres en propriété privée, qu'elles soient au centre ou bien à la marge de l'ejido, les familles rurales cherchent à acquérir, à valoriser ou à transmettre un statut qui leur permet de se positionner et d'engager des mécanismes de captation et d'accumulation des ressources. La capacité d'intégration des structures socio-productives -la famille comme l'ejido- doit donc être interrogée dans son ensemble pour nous amener à mieux comprendre comment se déclinent ces enjeux dans les contextes de mobilité. Les trajectoires et les potentiels migratoires seront ainsi à distinguer selon que l'on soit titulaire de l'ejido, propriétaire, fils/fille de titulaire, ou bien en situation de précarité quant à l'accès au patrimoine et au statut foncier.

D'après l'enquête TRANSITER, parmi les 97 familles déclarant travailler la terre (43,3% du total des familles), 21, 6% ont des terres en propriété, 58,7% en ejido, 8,2% en métayage et 14,4% en prêt126. Précisons que la modalité de réponse terres en ejido a pu être donnée par

125Léonard et Velázquez H., El Sotavento veracruzano. Procesos sociales y dinámicas territoriales.

126 Le total correspond à plus de 100, certaines familles ayant déclaré des terres sur différents régimes de propriété.

le chef de famille sans qu'un membre de la famille ne détienne de droit agraire -qu'il soit officialisé par l'assemblée ejidale ou bien qu'il corresponde à un titre sur une parcelle individuelle et parcellisée- mais simplement parce que les terres travaillées font partie de l'ejido et sont exploitées au travers d'un contrat de possession, métayage, de prêt ou de location avec un ejidataire. On peut néanmoins se fier à ce panorama qui nous indique qu'une large majorité des familles paysannes captées par l'enquête ont un accès direct et stable à la terre tandis que presque un quart développent une production de subsistance sans bénéficier de titre foncier, en s'intégrant à la marge de l'ejido ou de la propriété privée. L'enquête n'ayant pu s'étendre à l'ensemble de la population -c'est à dire aux familles sans expérience de mobilité- il est difficile d'affirmer au travers de ces données chiffrées l'existence d'une corrélation entre départ en migration et détention d'un capital foncier mais on peut néanmoins établir que le degré d'intégration à l'ejido influe sur les parcours migratoires : âges de la production, de l'accumulation et de la migration s'ajustent entre les générations et au niveau des cycles de vie individuels. Comme nous le verrons, ils aiguillent les rythmes et les orientations des trajectoires de mobilité et influent sur les transformations sociales et productives du territoire rural.

Photos (série) 2. San Juan Guichicovi : Église ; Broderie sur huipil ; Récolte du maïs. Juillet et novembre 2009.

3.2. Les municipes nicaraguayens : louer sa terre, vendre sa force de travail

Carte 3. Environnements régionaux de Palacagüina et Posoltega

Source : Estimations de l'INIDE (Institut National d'Information et de Développement)127, juin 2012 ;

Fond de carte : C. Le Masne Réalisation : D.Prunier

3.2.1. Palacagüina : coffee and cigarettes

Situé au nord du pays, le municipe de Palacagüina (15 700 hectares) fait partie de l'ancienne frontière agricole, ouvrant la voie vers les montagnes intérieures. Dans la première moitié du 20e siècle, une grande partie des terres étaient mises en valeur et cultivées par des paysans de manière spontanée, sur la base des techniques de culture sur brûlis. Les terres étaient donc occupées pour la mise en culture ou pour l'installation des

maisons d'habitation sans que des titres de propriétés ne soient fournis. À partir des années 1940, il était possible de faire la demande d'officialisation et de titularisation des parcelles agricoles mais une grande partie des terres restait en dehors du cadre de la propriété privée, appelées terres d'ejido par notre interlocuteur, Edwiges M., âgé de plus de 80 ans et responsable de la communauté de Riito Arriba depuis 1972. Durant la même décennie, la route panaméricaine a été construite aux abords de Palacagüina, permettant ainsi une meilleure accessibilité de la zone vers les villes nationales (Managua, la capitale, et Estelí notamment) ainsi que vers les pays voisins au Nord. À la fin des années 1970, l'augmentation de la population et la densification de l'occupation agricole étaient déjà très avancées, installant petit à petit une situation de pression foncière au niveau des petites exploitations paysannes qui faisaient face dans le même temps à la domination des grandes familles liées au régime somoziste concentrant de grandes extensions de terres.

Après la révolution sandiniste et avec les politiques de confiscation des terres, plusieurs coopératives ont vu le jour dans la région de Palacagüina au courant des années 1980, regroupant de petits producteurs et bénéficiant de financements et d'appui technique de la part du gouvernement pour le bétail, les intrants, le matériel agricole et la