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Dynamiques rurales nationales Histoire des territoires ruraux et de leur rapport à

PARTIE I. RURALITÉ ET MIGRATION EN AMÉRIQUE CENTRALE

CHAPITRE 2. Les espaces d'étude : configurations des espaces productifs ruraux

1. Dynamiques rurales nationales Histoire des territoires ruraux et de leur rapport à

Si l'ensemble de la région centraméricaine -telle qu'elle est considérée pour traiter notre thématique et abordée par l'approche de terrain- fait région, c'est parce qu'elle se caractérise du point de vue spatial et productif par des expressions de la ruralité communes et partagées. La gestion familiale de la production, de la transmission et du quotidien, le rapport aux villes moyennes, la généralisation du salariat, l'urbanisation des activités ou encore les modes d'intégration aux différentes strates du marché du travail sont à la fois produits et expérimentés par les individus et les groupes qui investissent et transforment les espaces ruraux de l'isthme centraméricain.

Mais l'observation de dynamiques territoriales similaires (infrastructures, niveaux d'accès aux ressources, rôle de l'urbain et reconfigurations du rural) nous mène, dans le même temps, à distinguer les espaces, à pointer les divergences et à déterminer les facteurs qui, sur le temps court ou le temps long, organisent les espaces.

Ces espaces ruraux sont organisés à partir de processus lents ou ponctuels, locaux, nationaux ou supranationaux, planifiés ou spontanés qui modulent les transformations des territoires. Nous nous intéressons ici aux particularités nationales qui, au Mexique comme au Nicaragua, ont modelé le rapport des espaces ruraux aux dynamiques de mobilité à partir des Indépendances. Dans chacun des deux pays, une brève mise en perspective des deux derniers siècles -considérés comme les plus marquants pour l'organisation sociale et territoriale des espaces centraméricains- sera donc orientée vers la problématique agraire et les dynamiques de peuplement, deux grandes questions largement articulées qui nous permettent de poser les bases historiques et structurelles de la conformation des ruralités centraméricaines.

Le rapport à l'État sera plus spécialement éclairé afin de commencer à cerner les modalités et l'intensité de l'intervention des structures étatiques sur la fonction des espaces ruraux et sur les processus démographiques qui y sont liés.

La partie portant sur le Mexique est centrée sur la dualité des structures et des systèmes de production (secteur de l'ejido vs agro-industrie d'exportation), tandis que la partie sur le Nicaragua est constituée d'une perspective plus chronologique permettant de visualiser les évolutions des politiques agricoles, des résultats économiques et des dynamiques territoriales à l'échelle nationale.

1.1. Au Mexique. Dualité des structures de production

1.1.1. L'ejido. Propriété sociale de la terre et marchandisation du foncier

Au Mexique, la constitution de 1917 a prévu, dans son 27e article, la répartition des terres à tout groupe de paysan en faisant la demande, processus qui s'est mis en place au travers de différentes étapes jusqu'en 1992, sur plus de la moitié du territoire national, soit environ 100 millions d'hectares. Aujourd'hui au Mexique, il existe plus de 31 500 structures foncières de type propriété sociale (ejido ou communautés) et 5 653 637 familles en sont les bénéficiaires57.

L'ejido est constitué d'un groupe de paysans bénéficiaires de terres attribuées dans le cadre de ce processus par l'État. La structure de l'ejido se compose d'une assemblée réunissant au moins chaque mois tous les titulaires -les ejidatarios-, d'un commissariat ejidal et d'un conseil de surveillance.

L'ejido détient trois grandes fonctions jusqu'en 1992, date à laquelle ces attributions évolueront de manière plus ou moins marquée selon les cas. Tout d'abord, les terres cédées demeurent propriété de la nation et l'institution ejidale est chargée de veiller au respect des règles à appliquer sur sa concession. Les titulaires d'une parcelle ejidale doivent en effet cultiver leur terre eux mêmes, ne peuvent ni la laisser en friche, ni la louer, ni la vendre, ni l'hypothéquer, et enfin peuvent choisir un seul et unique héritier pour éviter la

fragmentation foncière.

La première des fonctions de l'ejido est celle de la régulation foncière exercée au travers des organes de contrôle de l'institution que sont l'assemblée, le commissariat et le conseil de surveillance. Bien avant la réforme de 1992, l'ejido a évolué dans sa structure, dans ses normes et ses mécanismes opératoires pour s'adapter aux nouveaux besoins et pour réguler les transformations économiques et démographiques qu'il devait intégrer. Ces pratiques alternatives pour la transmission des droits agraires -comme par exemple la division de la parcelle parentale et sa répartition entre chacun des enfants- se faisaient donc hors du cadre légal mais n'étaient pas pour autant illégitimes au niveau local : le marché foncier informel était géré et accordé par les membres, et la structure de l'ejido restait donc viable parce que flexible.

En deuxième lieu, l'ejido détient une fonction de gestion et de prise en charge des services publics pour la communauté : il canalise l'attribution de programmes productifs ou d'assistance contre la pauvreté provenant de l'État, et assume des fonctions d'aménagement de l'espace rural en se positionnant en intermédiaire avec les instances supérieures pour l'accès aux réseaux sanitaires ou de communication de l'ensemble des habitants de la communauté. La gestion territoriale par l'accès aux services se joue donc sur le secteur agricole de l'ejido, mais aussi, et plus largement, sur l'ensemble de l'organisation de la vie rurale (éducation, vieillesse, santé, logement, etc.).

Enfin, l'ejido joue un rôle de représentation politique, de médiation entre le gouvernement et la communauté paysanne. Au travers de divers organismes politiques, institutionnels ou syndicaux, et de mécanismes plus ou moins démocratiques et conflictuels, le secteur social de l'ejido est dans les campagnes mexicaines un intermédiaire privilégié pour l'État dans la planification et la gestion du développement rural58.

Au cours du 20e siècle, et avec l'intensification de la croissance démographique, l'interventionnisme de l'État a continué d'opérer pour l'extension des dotations en terres afin de permettre aux nouvelles générations de bénéficier de parcelles cultivables. En 1960, la population rurale représentait la moitié de la population nationale, un tiers dans les années 1980, et moins d'un quart aujourd'hui. Environ la moitié des emplois étaient

58O. Hoffmann, « L’ejido, laboratoire des pratiques sociales et fondement de la ruralité contemporaine au Mexique », in Gastellu J.M. et Marchal J.Y.: La ruralité dans les pays du Sud à la fin du XXe siècle (Paris: Orstom, 1997), 401-416.

exercés dans le secteur primaire dans les années 1960, chiffre qui a chuté à 25% en 200059,

puis à 13,3% en 200960.

Petit à petit, une situation d'inégalités en termes de superficies cultivable entre producteurs s'est installée et s'est accentuée au travers des logiques de rapports de pouvoir et du degré d'insertion dans les réseaux socio-politiques : certaines personnalités locales telles que les commissaires de l'ejido, les caciques ou bien encore des personnes proches de l'administration agraire parviennent à cumuler attributs, relations, privilèges et capitaux, concentrant ainsi les plus grandes extensions de terres. Dans le même temps, la situation de fragmentation des parcelles et de manque d'accès à la terre pour les jeunes générations s'est aggravée avec le vieillissement de la population rurale (induisant l'allongement de la durée de vie active des producteurs) et l'évolution démographique au sein des familles paysannes. La cohabitation de plusieurs générations dans les exploitations paysannes est en effet un élément majeur pour la compréhension des transformations structurelles qui se sont réalisées au sein des économies familiales rurales : ce phénomène a à la fois déterminé l'évolution des structures agraires ejidales (dans leur gestion communautaire et familiale, sociale et productive) et mené à de nouvelles dynamiques de division du travail entre les générations qui ont ainsi dû modifier leurs modes de répartition des secteurs et des espaces de production, mais aussi leur modes de transmission des ressources, des patrimoines et des solidarités. Les carences en termes de sécurité sociale pour la vieillesse, l'insécurité de l'emploi, la santé, l'accès au logement ou l'éducation ont donc dû se résoudre par l'intermédiaire de nouveaux canaux et systèmes d'activités, autour du patrimoine foncier mais aussi d'autres ressources telles que l'emploi saisonnier et/ou urbain, la diversification des activités et donc la mise en place de stratégies impliquant des conditions de mobilité variables (dans la distance et dans la durée, dans les conditions de retour et de transferts).

Si dans les années 1920 et 1930 les terres réparties constituaient surtout une base productive et sociale pour les travailleurs ruraux, leur permettant d'investir des terres pour y habiter et y cultiver les produits d'autoconsommation, l'objectif s'est modifié à partir du milieu du 20e siècle. En effet, l'augmentation de la demande de consommation venant des

59A. Warman, « La reforma agraria mexicana: una visión de largo plazo », Land reform/Réforme

agraire/Reforma agraria no 2 (2003): 84-94.

villes et la volonté de l'État de contrôler ces marchés émergents ont donné à la propriété sociale un rôle majeur dans cet objectif d'approvisionnement national61.

L'interventionnisme de l'État fut donc très puissant pour contrôler les réseaux de financement, distribution et commercialisation de la production originaire du secteur réformé.

Les étapes de la réforme rurale au Mexique (voir A. Escobar Latapí62 pour davantage de

précisions) sont marquées par une forte dépendance des paysans envers les structures étatiques concernant l'accès aux innovations techniques et au crédit, l'organisation de la production, d'un certain contrôle politique et de la création de marchés de l'emploi locaux ou régionaux. Dans la fin des années 1980, ce système s'est affaibli et l'ouverture du marché national s'est accélérée: les entreprises para-étatiques ont été éliminées, le capital transnational a pris une place centrale dans l'économie mexicaine, le retrait de l'État a mené à la fin des subventions sur le prix des semences et des intrants agricoles et à la fin du système de prix garantis pour les principales productions. Les espaces ruraux mexicains ont toutefois continué à effectuer leurs mutations dans le prisme d'un État très présent sur le plan des politiques nationales agricoles et rurales63.

Parallèlement à la mise en place des accords de libre échange de l'ALENA, en 1992, la réforme de l'article 27 de la Constitution marque une rupture dans le type de relations entretenues traditionnellement entre les campagnes mexicaines et l'État. Avec le PROCEDE (Programa de Certificación de Derechos Ejidales y Titulación de Solares : Programme de Certification des Droits Ejidaux et de Titularisation des Parcelles), l'État abandonne ses fonctions de planification et de gestion de la production en milieu rural ainsi que ses facultés à répartir les terres. Les ejidos, et non plus la Nation, deviennent propriétaires juridiques des terres et peuvent donc en user comme ils le souhaitent, notamment pour la marchandisation de la ressource foncière et donc la libéralisation du marché foncier.

Ces choix économiques et politiques proviennent d'une administration nationale -et

61Warman, « La reforma agraria mexicana: una visión de largo plazo ».

62A. Escobar Latapí, « Pobreza y migración internacional en el México rural: un enfoque antropológico », in

Escobar Latapí A.: Pobreza y migración internacional (México: CIESAS, 2008).

63E. Bouquet et J.P. Colin, « L’Etat, l’ejido et les droits fonciers : ruptures et continuités du cadre institutionnel formel au Mexique », in Colin J-P., Le Meur P.Y. et Léonard E.: Les politiques d’enregistrement

supranationale- qui a considéré que les 4 millions de petites exploitations agricoles ne pouvaient être viables en termes de productivité et de commercialisation dans un marché compétitif et globalisé64. Avec l'échec des politiques de développement rural de la deuxième

moitié du 20e siècle, une certaine dualité s'est installée dans les structures de production au Mexique et le gouvernement a donc poursuivi la logique de distinction entre les exploitations considérées comme entreprises commerciales -capables de s'intégrer aux forces de la mondialisation en utilisant des techniques de pointe et une force de travail salariée- et les petites exploitations de type paysannes qui seraient, elles, l'objet d'attention sociale et la cible de programmes contre la pauvreté.

Les paysanneries ainsi perçues comme des « facteurs résiduels d'une économie globale, compétitive, de haute technologie, dans laquelle les petits producteurs ruraux n'ont plus leur place, étant qualifiés d'inefficaces et non compétitifs* »65 restent dans le giron de l'État

qui continue à intervenir et à être un acteur central du territoire et de la vie rurale, non plus parce qu'il les considère comme un domaine productif et structurant pour l'économie, mais parce qu'il cherche à garder la main sur l'espace et la société rurale, notamment au travers de l'attribution de services et d'aides fédérales.

La réforme constitutionnelle ayant présidé à la mise en œuvre du PROCEDE apporte dans certains cas des modifications profondes dans la gestion de l'accès à la terre et des transactions foncières, même si, en libéralisant et en autorisant les échanges marchands, la nouvelle législation rend simplement légale une situation qui existait de fait.

Dans ce travail, nous n'analyserons pas en détail ces bouleversements mais observerons plus en avant et plus précisément la manière dont ils sont appliqués et pratiqués dans l'espace d'étude de l'Isthme de Tehuantepec. Nous portons toutefois intérêt à ces réformes parce qu'elles permettent de mettre en relief les fonctions déterminantes de l'ejido en milieu rural, même lorsque celui-ci ne contrôle plus réellement l'accès à la terre. La terre reste en effet déterminante au delà de sa fonction de support de production66 et il nous faut

comprendre quelles sont les mutations et permanences des fonctions de l'ejido dans

64Warman, « La reforma agraria mexicana: una visión de largo plazo ».

65Appendini et Torres Mazuera, « Perspectivas multidisciplinarias de una realidad fragmentada », 13-14. 66Hoffmann, « L’ejido, laboratoire des pratiques sociales et fondement de la ruralité contemporaine au

Mexique »; E. Léonard, « L’économie très politique d’un programme de titularisation foncière. Trajectoires locales d’endogénéisation du changement légal en milieu rural mexicain », in Colin J-P., Le Meur P.Y. et

Léonard E.: Les politiques d’enregistrement des droits fonciers. Du cadre légal aux pratiques locales. Paris : Editions Karthala, pp. . (Paris: Karthala, 2009), 365-403.

l'espace et la société rurale.

La création d'un nouveau programme de soutien direct aux producteurs, PROCAMPO (Programa de Apoyos Directos al Campo : Programme d'Appuis Directs à la Campagne), s'est inscrite dans cette dynamique globale de reconfiguration du rapport de l'État au monde rural et au système ejidal. Il s'agit d'un programme de subventions directes distribuées aux producteurs en fonction de la superficie qu'ils cultivent. Ce programme s'adresse à tous types de producteurs, notamment aux exploitants les plus modestes et ceux souffrant de désavantages structurels pour l'accès aux marchés, producteurs qui sont donc souvent plutôt dans une logique d'autoconsommation. En théorie, il suffit de prouver que l'on cultive une parcelle pour être éligible au PROCAMPO mais dans les faits, l'accès à la subvention est presque systématiquement conditionné par la possession d'un titre foncier. L'intérêt de posséder un titre sur une parcelle ejidale ne réside donc pas simplement dans le fait de pouvoir la valoriser en tant que moyen de production mais également, et dans certains cas, surtout, de pouvoir faire valoir ce titre pour l'obtention de l'aide fédérale. O. Hoffmann décrit ainsi l'exemple des communautés du Veracruz où

« les droits fonciers ejidaux étaient échangés ou valorisés monétairement sans que leur soit associée une parcelle de terre. On a acheté le titre d'appartenance à l'ejido sans acquérir de parcelle, seulement pour être membre de la collectivité »67.

Comme on pourra le détailler plus spécifiquement à partir de notre étude de cas mexicaine, l'appartenance à la communauté de l'ejido et la possession d'un titre foncier sont déterminants pour le positionnement socio-économique des familles paysannes, et plus généralement rurales. En 2002, la Encuesta Nacional de Ingresos y Gastos de los Hogares (citée par A. Escobar Latapí68) a mis en lumière un phénomène de concentration des

patrimoines fonciers et des aides étatiques dans les familles les mieux placées au sein de l'organisation productive et économique rurale : la majorité de ces subventions était en fait attribuée au plus haut décile de revenus, c'est à dire aux foyers concentrant les terres, exploitation agricole relativement productive et capitalisée et/ou activités non agricoles stables.

67Hoffmann, « L’ejido, laboratoire des pratiques sociales et fondement de la ruralité contemporaine au Mexique », 413.

De leur côté, les programmes dédiés aux familles aux faibles revenus et touchant particulièrement le monde rural sont ceux de Oportunidades (aide financière pour l'alimentation, la santé et l'éducation) et 60 y Más (aide financière pour les personnes âgées de plus de 60 ans). Par les conditions qu'ils imposent, on comprend que l'intervention de l'État auprès des familles rurales se focalise aujourd'hui plus sur la santé, la scolarité et le maintien quotidien des populations dans les campagnes que sur les activités agricoles vivrières ou le secteur tertiaire à faible productivité qui y sont développés. Pour A. Escobar Latapi, « les zones rurales sont à la marge de toute action significative qui puisse améliorer l'emploi, la productivité et les salaires »69.

L'appartenance et la participation à la sphère économique, sociale, politique et/ou culturelle de l'ejido permettent donc de bénéficier d'un moyen de production -la terre- mais aussi de droits, de réseaux et de services qui, ensemble, constituent un « capital spatial »70.

La valeur monétaire, symbolique et relationnelle de ce territoire ejidal est donc forte puisqu'il permet aux petits producteurs -qu'ils soient ou non ejidatarios- mais aussi à tous les habitants d'être inclus dans un ensemble de mécanismes de sociabilité et de survie. Avec la réforme constitutionnelle, et déjà avant elle, la perte totale de contrôle sur la régulation de l'accès à la terre par l'institution ejidale est acceptée et reconnue mais l'ejido se transforme en réalité plus qu'il ne se désintègre : il est en effet avant tout un instrument favorisant l'accès à la ressource foncière (par les canaux officiels et officieux), aux financements, à l'information, à la participation politique locale (par rapport aux autres acteurs et aux propriétaires privés notamment) et nationale.

1.1.2. Orientation et polarisation de l'agro-industrie d'exportation

À partir des années 1960, un ensemble de politiques agricoles a été mené, cherchant moins à promouvoir le modèle paysan que l'agriculture de type capitaliste, autour de la dynamique portée par la Révolution Verte : propriété privée, techniques d'irrigation,

69Ibid., 48.

70Hoffmann, « L’ejido, laboratoire des pratiques sociales et fondement de la ruralité contemporaine au Mexique »; J. Lévy, L’espace légitime: sur la dimension géographique de la fonction politique (Paris: Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1994).

utilisation d'engrais et d'intrants chimiques, introduction de semences hybrides à meilleurs rendements et accès aux crédits constituent alors les éléments de modernisation et d'intensification de l'agriculture mexicaine. Les taux de croissance agricole très élevés que connaît le Mexique dans les années 1940 et 1950 commencent sérieusement à diminuer dans le courant de la décennie suivante jusqu'au point de se trouver en dessous du taux de croissance démographique à partir de 196571. A partir du début des années 1970 donc, le

Mexique devient un grand pays importateur de céréales et, bien que la production nationale continue d'augmenter légèrement, l'importation de grands volumes de sorgho, soja, riz, blé et tout spécialement de maïs devient nécessaire pour satisfaire la demande grandissante d'une société en pleine croissance démographique.

Dans ce contexte et parallèlement à un processus de mise en dépendance de l'économie nationale par rapport aux importations de produits agricoles destinés à la consommation nationale, le Mexique -comme d'autres pays émergents d'Amérique latine- a développé un profil de pays spécialisé dans l'approvisionnement en viande bon marché pour le marché nord-américain. Le complexe agro-industriel s'est particulièrement orienté vers le secteur de l'élevage, de la production de viande et de lait et donc également vers l'expansion des cultures fourragères telles que les pâturages (pour l'élevage bovin extensif), le sorgho, le