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2.3 Distribution horizontale de la contamination

2.3.1 Une structure spatiale caractéristique

Quels que soient les niveaux de contamination rencontrés sur les sites d'étude, la distribution du cuivre, du plomb et du zinc dans le sol de surface est systématiquement structurée par rapport à l'arrivée de l'eau dans les ouvrages. Les teneurs les plus élevées sont toujours mesurées dans cette zone, puis la contamination décroît de façon plus ou moins marquée à mesure que l'on s'en éloigne. Les gures 2.7 et 2.8 illustrent ce fait dans le cas du zinc, sur l'ensemble des sites d'étude. Ces cartographies représentent des vues en plan des ouvrages, avec, par souci de lisibilité, un axe transversal dilaté sur les sites où la dimension longitudinale prédomine (Alfortville, Chanteraines, Vitry, Compans, Vaucresson). Si le bassin de la Greère semble déroger à la règle qui vient d'être avancée, il convient de noter que le tuyau par lequel l'eau arrive dans l'ouvrage, dont la position actuelle est indiquée par une èche bleue, s'est rompu il y a environ 5 ans (SEGI, 2013). Au cours des premières années de fonctionnement du bassin, l'eau arrivait au niveau du point de coordonnées (3,5 m ; 4 m), qui est de fait le plus contaminé de l'ouvrage, et l'on observe sur la gure 2.7 un  déplacement  de la pollution vers l'emplacement actuel du point d'arrivée d'eau. Les trois métaux présentent une répartition plus atypique à Alfortville, dont les causes seront discutées plus loin. Sur la totalité des sites d'étude, le cuivre possède une distribution similaire à celle du zinc dans le sol de surface, ce qui, dans l'ensemble, est également le cas du plomb (Figure 2.9). Les trois cas d'exception sont les sites Sausset1, Sausset2, et Dourdan2, où les teneurs en plomb sont globalement plus faibles que dans les autres ouvrages (voire inférieures à la limite de quantication de l'analy- seur) et se répartissent de manière plus irrégulière ; comme nous le verrons à la section 2.5, ceci est probablement lié à des apports limités en plomb depuis le bassin versant, de sorte que la distribution spatiale observée sur ces trois sites traduit en partie la variabilité initiale des teneurs dans le sol12.

Si l'on cherche à établir une typologie de forme de la zone contaminée, on est assez naturellement conduit à regrouper les sites selon leur conguration hydraulique : (i) bassins d'inltration avec arri- vée d'eau ponctuelle (excepté Alfortville), (ii) ouvrages longitudinaux avec arrivée d'eau ponctuelle, (iii) ouvrages longitudinaux avec arrivée d'eau diuse. Dans cette dernière catégorie, on constate que la zone la plus proche de la chaussée, par laquelle le ruissellement est censé arriver de manière uniforme, n'est jamais contaminée de manière homogène : les teneurs peuvent varier d'un facteur 4 entre deux points équidistants de la route.

12. À Dourdan2, on ne peut pas parler de variabilité naturelle des teneurs, étant donné que le terreau dont est constituée la noue a été rapporté pendant la construction.

Figure 2.7  Distribution spatiale du zinc [mg/kg] à la surface des bassins d'inltration (vue en plan). Les èches matérialisent l'arrivée de l'eau dans les ouvrages, par un tuyau (Dourdan1, Gref- ère, Alfortville), ou par ruissellement superciel (Sausset1, Sausset2 ). Les coordonnées indiquées sur les axes sont en mètres.

Figure 2.8  Distribution spatiale du zinc [mg/kg] à la surface des noues et bandes enherbées longitudinales (vue en plan). Les èches matérialisent l'arrivée de l'eau dans les ouvrages, par ruis- sellement superciel a priori dius (Chanteraines, Vitry, Compans), ou par un tuyau (Vaucresson, Dourdan2 ). Les coordonnées indiquées sur les axes sont en mètres.

Pour les autres contaminants, on ne dispose que d'une valeur moyenne par zone de carottage13, dont

on rappelle qu'elles ont été dénies en fonction des quantiles des teneurs en cuivre, plomb, et zinc. En surface, les teneurs en cadmium, molybdène, et HAP (à l'exception d'un site) vérient l'ordre Zone I > (Zone II) > Référence, ce qui démontre, avec une résolution spatiale dégradée, une accumulation préférentielle de ces contaminants dans la zone d'arrivée de l'eau. En revanche, le chrome, le nickel et le cobalt ne suivent cette tendance que sur les sites Dourdan1 et Alfortville. Dans les autres cas, les teneurs déterminées à la surface des deux ou trois zones ne peuvent être considérées comme signicativement diérentes, compte tenu des incertitudes analytiques : les apports depuis le bassin versant sont probablement insusants pour que la signature de ces trois métaux soit détectable dans le sol.

2.3.2 ...signature du fonctionnement hydraulique des ouvrages

Comme on l'a présenté dans le premier chapitre de ce manuscrit, deux grandes familles de mécanismes gouvernent la rétention des métaux dans un sol : (i) des processus physico-chimiques, i.e. l'adsorption des métaux dissous sur diérents constituants réactifs de la matrice solide, et (ii) des processus physiques, i.e. la sédimentation et la ltration des métaux particulaires. Ainsi, la distribution des contaminants dans le sol de surface est intrinsèquement liée aux ux d'inltration et aux processus de sédimentation, dont ces cartographies nous fournissent une vision  intégrée dans le temps  depuis la mise en place des ouvrages. La pluviométrie d'Île-de-France est dominée par des événements de faible intensité et de faible cumul14, responsables de la majeure partie du ux polluant à l'échelle

annuelle. Le ruissellement généré par de tels événements est susceptible de s'inltrer localement dans le sol, sans former de lame d'eau uniforme à la surface des ouvrages, qui ont tous été dimensionnés pour un épisode de période de retour ≥ 10 ans. À chaque fois que les investigations de surface ont été entreprises après un événement pluvieux, la distribution de la teneur en eau du sol a corroboré cette assertion, en révélant les cheminements de l'eau et les diérences de sollicitation hydrologique. C'est le cas par exemple de Dourdan1 (Figure 2.9a), où l'on remarque que toute la partie inférieure du bassin  qui est par ailleurs la moins contaminée  a été moins sollicitée pour l'inltration que le reste de l'ouvrage, même pendant un épisode pluvieux de 11 mm (source : Météo France). Dans la mesure où l'eau est le vecteur des contaminants dissous comme particulaires, cette non-uniformité des ux d'inltration explique l'accumulation préférentielle de métaux à proximité du tuyau (ou de la zone) d'entrée, tandis que la partie opposée des ouvrages présente des niveaux de contamination signicativement inférieurs. La similarité des distributions du zinc, du cuivre et du plomb, malgré des spéciations potentiellement diérentes dans le ruissellement, suggère elle aussi que la contamination

13. Les illustrations correspondantes seront présentées à la section 2.4.

14. À titre d'exemple, au cours de la période 1993-2008, en région parisienne, 60% (resp. 80%) de la pluviométrie a été constituée d'événements dont le cumul journalier était inférieur à 10 mm (resp. 17 mm).

de surface est essentiellement gouvernée par l'hydraulique des ouvrages.

Les diérents éléments qui, au premier abord, semblent faire exception à cette règle, viennent en fait la conrmer. Ainsi, dans le bassin de la Greère, la distribution des métaux permet même de reconstituer l'historique du fonctionnement hydraulique, mettant en évidence un changement d'em- placement du tuyau d'apport. À Vitry, la diminution des teneurs que l'on observe entre x = 3 et x = 5m correspond à une surélévation d'une dizaine de centimètres, qui forme un obstacle à l'écoule- ment et dévie le ruissellement à gauche ou à droite du monticule. Dans la noue des Chanteraines, on constate au contraire la présence d'une dépression de quelques centimètres sur la chaussée, à l'abs- cisse x = 10 m, créant un chemin préférentiel pour le ruissellement, qui n'arrive pas dans l'ouvrage de manière diuse. Enn, à Alfortville, des sondages ont mis en évidence une nappe d'argile à 30 cm de profondeur  fait relativement inattendu pour un bassin d'inltration, malgré lequel l'ouvrage fonctionne de facto comme unique exutoire du réseau pluvial de la ZAC où il se trouve. Étant donné que cet horizon empêche en grande partie l'inltration  locale  de l'eau, la contamination n'est pas limitée au voisinage immédiat du tuyau d'arrivée, mais se répartit de manière uniforme tout le long du trajet suivi par le ruissellement superciel15.

Sur le plan pratique, insistons, pour nir, sur l'intérêt primordial de cette première phase d'inves- tigations dans la méthodologie retenue : il est indéniable, au vu de ces résultats, qu'un carottage  intuitif  du sol, c'est-à-dire fondé uniquement sur la position du point d'arrivée de l'eau dans les ouvrages, aurait diminué la représentativité des échantillons collectés. Si le bassin de la Greère en constitue probablement la meilleure illustration, on peut aussi s'en rendre compte en considérant, a posteriori, le caractère non dius de l'écoulement dans les noues de voirie. À Alfortville, il n'y a pas d'évolution signicative des teneurs en métaux avec la distance au tuyau d'arrivée, tant que l'on reste au fond du bassin, ce qui, là encore, n'est pas intuitif si l'on ignore le fonctionnement hydraulique de l'ouvrage.