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Structure quaternaire des hémoglobines

Physiologie Conclusion

III.2. Matériel et méthodes

III.1.1.2. Structure quaternaire des hémoglobines

a) Sous-unités

Dans la littérature, la famille des Polynoidés est décrite comme n’ayant pas d’hémoglobine. Toutefois, de la neurohémoglobine (globine trouvée dans les cellules du système nerveux) a été trouvée chez l’Aphroditidé Aphrodite aculeata, une famille proche des Polynoidés. Elle a récemment été séquencée (Dewilde et al., 1996), montrant qu’elle correspond à une myoglobine plutôt qu'à une hémoglobine circulante. Elle se trouve en quantité réduite dans le corps de l’animal, principalement dans la chaîne nerveuse. Notre étude est donc la première mise en évidence d’une hémoglobine au sens propre dans la famille des Polynoidés, et plus largement dans la superfamille des Aphroditoidea. En fait, ce n'est pas une mais au moins deux, voire trois hémoglobines distinctes que l'on peut trouver chez Branchipolynoe. Bien que réduit (voir

hexagonal, comme semble l'indiquer son poids moléculaire (3 106

Da). La plupart des hémoglobines se trouve dans le liquide coelomique où elles peuvent probablement faciliter l’extraction d’oxygène du milieu à travers les branchies coelomiques (voir Chapitre II).

Les spectres d’élution sur FPLC du liquide coelomique de Branchipolynoe symmytilida et

B. seepensis sont très similaires. Une très petite quantité d’hémoglobine de 3.106

Da, typique des hémoglobines extracellulaires d’Annélides est présente. Etant donnée sa très faible quantité, sa présence est probablement due à la contamination du liquide coelomique par le sang contenu dans le système vasculaire réduit et qui peut être endommagé lors du prélèvement du liquide coelomique. Les trois autres hémoglobines sont plus probablement coelomiques et leur masse native est tout à fait inhabituelle pour un annélide. Une différence a été observée entre les valeurs obtenues par MALLS et par calibration de la colonne Superose 12. Ceci pourrait s’expliquer par une interaction très forte des molécules d’hémoglobine avec la matrice du gel. Pour cette raison, nous avons décidé d’utiliser les valeurs obtenues par MALLS car la diffraction de la lumière ne dépend que des propriétés physiques des particules en solution. De plus, le MALLS est très performant pour détecter les événements d’agrégation et de dissociation. Par exemple, à la fin de l’élution de HbC1, il y a une diminution de masse notable qui est probablement due à de la dissociation. Le contraire se produit avec HbC2 pour laquelle il y a une augmentation de la masse à la fin de l’élution et qui pourrait correspondre à un phénomène d’agrégation à faible concentration en protéine. Cependant, les mesures de masse par MALLS peuvent produire des résultats erratiques quand la concentration en protéine chute (par exemple aux deux bords des pics) et nos valeurs de masse sont dérivées de la partie la plus linéaire des mesures de masse, dans le centre du pic. Si l'on se réfère au tableau III.1, on comprend que ces masses ne correspondent en aucune façon à un type d'hémoglobine d'Annélide connu.

b) Modèle de structure de l’hémoglobine de Branchipolynoe

La spectrométrie de masse a révélé que les sous-unités des hémoglobines coelomiques HbC1 et HbC2 de Branchipolynoe sont uniques, d'une masse moléculaire d'environ 58 kDa et

ne correspondant pas à des polymères de globine liés par des ponts disulfure. En se basant sur les masses natives et la composition en sous-unités, on peut proposer un modèle de structure pour HbC1 et HbC2. HbC1 serait un trimère fait de 3 sous-unités identiques de 57996±10 Da, et HbC2 un dimère fait de deux sous-unités identiques de 57648±10 Da (Figure III.27). Les masses de ces sous-unités sont inhabituellement élevées, d’autant plus que ces molécules correspondent à un seule chaîne polypeptidique et pas à des chaînes de 14-18 kDa liées par des ponts disulfures, comme c’est généralement le cas avec des sous-unités de ces poids des autres hémoglobines d’Annélides (Lamy, et al., 1996, Weber, 1978b). Ces sous-unités ne sont pas glycosylées. L’ensemble de ces résultats nous a suggéré qu’il pouvait s’agir de sous-unités multidomaines et nous avons réalisé des expériences supplémentaires pour le vérifier.

Pour la première fois, la spectrométrie de masse en tandem a été utilisée pour compter le nombre d’hèmes sur une hémoglobine multidomaine. Les résultats montrent sans équivoque que quatre groupements héminiques sont portés par chacune des sous-unités. En effet, on peut voir la perte progressive de quatre unités de masse qui sont remarquablement proches (à 1 Da près) de la masse d’une molécule d’hème (616,5 Da). Ceci est corroboré par le rapport hème/protéine qui donne une valeur proche de quatre hèmes par sous-unités pour chaque hémoglobine (Figure III.27). La coupure par la subtilisine génère trois domaines qui semblent similaires en taille et probablement un quatrième domaine qui serait tronqué. La figure III.28

Protéine Sous-unité (environ 58 kDa) C1 (Trimère) C2 (Dimère) 4 hèmes

Figure III.27 : Modèle de structure de HbC1 et HbC2 : composition en sous-unités et structure générale de celles-ci.

subtilisine. Les bandes à 19,7-21,3 kDa correspondent à des domaines isolés et la bande à 37,3 kDa correspond à deux domaines toujours associés. La différence de masse entre deux bandes qui diffèrent par la présence ou l’absence du domaine tronqué est d’environ 3,5 kDa. Ceci représente environ 1/4 de domaine et suggère la présence de trois domaines similaires de 18 kDa ((58-3,5)/3=18). A 54 kDa, on observe une bande intense correspondant à des polypeptides intacts. Le domaine tronqué n’est présent que dans les fractions 1 et 2, indiquant qu’il est probablement situé à l’intérieur de la molécule native et a gardé des interactions avec les autres parties de la globine, même quand il en a été coupé par la subtilisine. La faible intensité des bandes contenant le domaine tronqué corrobore cette hypothèse, le centre de la molécule étant moins accessible à l’action de la subtilisine. Le séquençage des domaines D3 et D4 à partir des ADNc a clairement montré que ceux-ci sont des domaines complets. Le microséquençage de l'extrémité N-terminale de la protéine C2 suggère que le domaine D1 n'est pas tronqué de ce côté. L'hypothèse la plus probable est donc que c'est le domaine D2 qui est tronqué (Figure III.28). Cette hypothèse est corroborée par l'absence de produit de digestion à 50 kDa qui correspondrait à trois domaines complets associés dans un même polypeptide.

Interprétation du profil de digestion par la subtilisine Structure quaternaire hypothétique

C1 C2

Structure générale hypothétique d'un domaine

D1 D2 D3 D4

Figure III.28 : Modèle de structure quaternaire de HbC1 et HbC2 et interprétation du profil de digestion par la subtilisine.

Ce type de structure est tout à fait original pour une hémoglobine d’annélide où elle n'a jamais été rencontrée auparavant (Terwilliger, 1992, Vinogradov et al., 1993). En effet, les hémoglobines multidomaines n’étaient à ce jour connues que chez les Nématodes (2 domaines), les Branchiopodes (8-9 domaines pour les Anostracés, 2 pour les Conchostracés, les Cladocères et les Notostracés), les Malacostracés (10 domaines) et les mollusques (10-12 domaines pour les Gastéropodes et 2 ou 18-20 pour les Bivalves) mais pas chez les Annélides (Terwilliger, 1992). Notre découverte vient enrichir la panoplie de types d'hémoglobines présentes chez les Annélides. Jusqu'à cette étude, les hémoglobines extracellulaires connues chez les Annélides, trouvées dans le sang ou le liquide coelomique, étaient caractérisées par un poids moléculaire de 3-4.106

Da et une structure en bicouche hexagonale (Weber, 1978b). Ces hémoglobines sont composées de chaînes de globine mais aussi de chaînes de structure dont la présence semble indispensable à l’assemblage de la macromolécule. Les hémoglobines intracellulaires d’Annélides sont toujours coelomiques et ne sont formées que de chaînes de globine, monomériques ou bien associées par 2, 4 ou 8 (Weber, 1978b). Les hémoglobines extracellulaires de 400 kDa des Vestimentifères et des Pogonophores quant à elles, ne sont aussi composées que de chaînes de globines monodomaines, certaines associées en polymères (di- ou trimères) (Terwilliger, 1992, Vinogradov et al., 1993). Les hémoglobines HbC1 et HbC2 de

Branchipolynoe sont donc les premières hémoglobines multimériques et multidomaines isolées

d’Annélides à ce jour. L’association en 4 domaines est aussi unique chez les invertébrés (Terwilliger, 1992, Vinogradov et al., 1993).

III.1.1.3. Contenu en acides aminés

En partant du fait que HbC1, HbC2 et HbC3 sont des hémoglobines, leur contenu en acides aminés est très inhabituel, avec de très hauts niveaux d’alanine et de glycine, deux acides aminés hydrophobes. De tels niveaux ne sont pas trouvés chez d’autres hémoglobines, même chez

Ascaris suum qui, comme Branchipolynoe, possède une hémoglobine multidomaine. La

présence d’une grande quantité de cystéine dans HbC2 de Branchipolynoe symmytilida est aussi très inhabituelle et pourrait être rapprochée à la présence de nombreux ponts disulfure

liaison de HS

sur des cystéines libres a récemment été mis en évidence chez le Vestimentifère

Riftia pachyptila (Zal, 1998, Zal et al., 1998b, Zal et al., 1997c). Cependant, au contraire de Riftia, Branchipolynoe ne possède pas de bactéries symbiotiques et donc, s’il y a liaison de ce

composé toxique, ceci pourrait correspondre à un mécanisme de détoxication par chélation des HS

libres plutôt que de transport comme chez Riftia. L’absence de tryptophane est invalidée par le séquençage des ADN complémentaires.