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III. La cadhérine de l’endothélium vasculaire : VE-cadhérine

III.3. Structure, fonctions de la VE-cadhérine

Les jonctions adhérentes, ubiquitaires le long de l’arbre vasculaire, sont présentes à la fois dans les vaisseaux sanguins et lymphatiques. Les cellules endothéliales expriment une cadhérine spécifique, appelé vascular endothelial (VE)-cadhérine. Cette protéine n’est présente dans aucun autre type cellulaire, même dans les cellules sanguines ou les cellules souches hématopoïétiques. Au cours du développement, l’expression de la VE-cadhérine signe l’engagement des cellules dans le lignage endothélial. Cette molécule d’adhérence intercellulaire est présente dans toutes les cellules endothéliales de tous les types de vaisseaux. Il s’agit d’une glycoprotéine transmembranaire de type I de 125 kDa, pour 784 acides aminés.

III.3.1. Structure

La VE-cadhérine est un membre inhabituel de la sous-famille des cadhérines classiques (Dejana, E. et al. 1999). En effet, son domaine extracellulaire, composé de cinq domaines EC, ne contient pas de poche hydrophobe constituée par le motif HAV, mais possède à l’extrémité N-terminale deux résidus tryptophane (W2 et W4). De ce fait, la VE- cadhérine est classée dans le sous-groupe des cadhérines classiques de type 2 (Cf. Figure 14 : Représentation schématique des cadhérines classiques de type I et II). De façon intéressante, la VE-cadhérine est une des deux seules cadhérines à ne pas posséder l’alanine centrale dans la région correspondant au site CAR des autres cadhérines.

Figure 14 : Représentation schématique des cadhérines classiques de type I et II

La VE-cadhérine contient d’autre part un court segment transmembranaire (27 aa) et un domaine cytoplasmique (163 aa) très homologue à celui des autres cadhérines classiques (Angst, B.D. et al. 2001). Par son extrémité C-terminale, le domaine intracelullaire lie la β- caténine et la plakoglobine (γ-caténine). Ces deux protéines se lient à l’α-caténine qui ancre le complexe aux filaments d’actine. D’autre part, la partie juxtamembranaire du domaine cytoplasmique de la VE-cadhérine est capable de lier la caténine p120.

III.3.2. Architecture du lien homophile

Pour élucider les mécanismes de régulation des jonctions adhérentes, il semble nécessaire de mettre à jour l’architecture moléculaire de la liaison homophile. Jusqu’ici, les bases moléculaires de l’association homophile des cadhérines classiques de type I ont été intensément explorées, notamment par des études in vitro de fragments protéiques recombinants purifiés. La structure cristalline des domaines extracellulaires de plusieurs cadhérines a ainsi pu être analysé, et de nombreuses études biochimiques et biophysiques ont aidé à mettre en place des modèles de liaison homophiles (Gumbiner, B.M. 2005). Bien que la structure moléculaire et le mécanisme du lien s’établissant entre des cadhérines de type II soient moins bien caractérisés, il semble qu’ils soient similaires à ceux décrits pour les cadhérines de type I. En effet, en dépit d’une faible homologie de séquence (~25%), les cadhérines de type II présentent une forte homologie de structure avec les cadhérines de type I (Patel, S.D. et al. 2006). Cependant, les cadhérines de type II possèdent deux résidus tryptophane conservés (W2 et W4), qui sont tous deux nécessaires à l’interaction homotypique entre VE-cadhérine (May, C. et al. 2005), suggérant des mécanismes d’interaction différents. Différentes techniques biophysiques ont permis de démontrer que le

domaine extracellulaire de la VE-cadhérine forme des hexamères in vitro (Lambert, O. et al. 2005). Le groupe de Gulino-Debrac a proposé un modèle consistant en un trimère de dimères (Hewat, E.A. et al. 2006). Dans ce modèle, chaque module N-terminal EC1 forme un contact dimérique antiparallèle, tandis que les modules EC4 permettent une interaction trimérique. Par ailleurs, une étude récente de mesure des forces à l’échelle moléculaire unique dans des cellules vivantes, a révélé que les molécules de VE-cadhérine forment des liens moins prompts à la rupture et supportant des forces de tensions plus importantes que les liens formés par les cadhérines de type I N- et E-cadhérine, ainsi qu’une demie vie plus importante (Panorchan, P. et al. 2006).

III.3.3. Principaux partenaires, principales fonctions

III.3.3.1. Caténines associées

Le domaine cytoplasmique des cadhérines classiques interagit avec des protéines appelées caténines, qui les couplent au cytosquelette d’actine. La VE-cadhérine possède la propriété unique de lier à la fois des protéines partenaires des filaments d’actine et des filaments intermédiaires. Franke et collaborateurs avaient d’ailleurs défini un nouveau type de jonctions intercellulaires retrouvées dans les cellules endothéliales qu’ils appelèrent « complexus adhaerentes » (Schmelz, M. et al. 1993; Schmelz, M. et al. 1994). Ces jonctions, qui contenaient la protéine desmosomale desmoplakine, ne contenaient pourtant pas de cadhérine desmosomale. Des études ultérieures identifièrent la desmoplakine comme composante clé des jonctions endothéliales. Le rôle de la plakoglobine fut finalement démontré dans le recrutement de la desmoplakine au niveau des jonctions à base de VE- cadhérine (Kowalczyk, A.P. et al. 1998). En effet, la plakoglobine interagit avec la VE- cadhérine et l’α-caténine d’une manière similaire à la β-caténine, mais de façon intéressante, la plakoglobine possède également la capacité de recruter la desmoplakine (Kowalczyk, A.P.

et al. 1998). Plus récemment, il a été démontré que la caténine p0071 possède aussi la

capacité de relier la VE-cadhérine à la desmoplakine (Calkins, C.C. et al. 2003) (Cf. Figure 15 : Association de la VE-cadhérine aux filaments d’actine et aux filaments intermédiaires). L’importance cruciale du lien entre la VE-cadhérine et le cytosquelette de vimentine a été mise en évidence par l’observation, que des cellules endothéliales dépourvues de desmoplakine ne s’organisent pas convenablement, ce qui engendre une diminution de la densité capillaire (Gallicano, G.I. et al. 2001).

Les caténines p120 et p0071 lient le domaine juxtamembranaire de la VE-cadhérine, tandis que la β-caténine et la plakoglobine s’associent à son extrémité carboxy-terminale. Les caténines p120 et p0071 semblent rentrer en compétition pour la liaison du domaine juxtamembranaire, de la même manière que la β-caténine et la plakoglobine pour le domaine carboxy-terminal. La β-caténine fonctionne comme un lien entre la VE-cadhérine et l’α- caténine, cette dernière jouant le rôle clé du couplage au cytosquelette d’actine. Les cinétiques d’assemblage des jonctions endothéliales indiquent que la β-caténine est rapidement intégrée aux jonctions, alors que la plakoglobine (Lampugnani, M.G., Corada, M. et al. 1997; Lampugnani, M.G. et al. 1995) et la desmoplakine (Valiron, O. et al. 1996) sont associées préférentiellement aux jonctions endothéliales matures. Ainsi, l’assemblage de jonctions endothéliales serait initié par la VE-cadhérine et les protéines de liaison à l’actine, tandis que les jonctions matures incorporeraient la plakoglobin et les protéines de liaison à la vimentine, conférant ainsi une résistance mécanique aux jonctions.

III.3.3.2. Fonctions

Les propriétés adhésives de la VE-cadhérine ont été confirmées en transfectant son ADNc dans des cellules CHO, qui acquièrent alors la capacité de former des agrégats (Breviario, F. et al. 1995). Les fonctions adhésives intercellulaires de la VE-cadhérine lui confèrent également un rôle crucial dans le contrôle de la perméabilité vasculaire, et la transmigration leucocytaire. En effet, un anticorps monoclonal dirigé contre la VE-cadhérine, administré par voie intraveineuse à une souris, accélère le recrutement des neutrophiles sur les sites d’inflammation (Gotsch, U. et al. 1997). Ces anticorps, dirigés contre la partie extracellulaire de la VE-cadhérine, induisent une augmentation de la perméabilité vasculaire en provoquant l’apparition de trous au niveau des jonctions intercellulaires in vitro et in vivo (Gulino, D. et al. 1998). Un marquage immunofluorescent réalisé suite à l’adhérence de neutrophiles sur des cellules endothéliales en culture, révèle que la VE-cadhérine et les caténines qui lui sont associée, disparaissent des contacts cellulaires (Del Maschio, A. et al. 1996). Cependant, le rôle exact de la VE-cadhérine dans le processus de diapédèse reste controversé.

Figure 15 : Association de la VE-cadhérine aux filaments d’actine et aux filaments intermédiaires

Un des premiers événements nécessaires lors du processus d’angiogenèse est la dissociation des contacts entre cellules endothéliales du vaisseau parent, et la transition de ces cellules d’un état stationnaire quiescent vers un état de migration dynamique. Ainsi, le contrôle de la perméabilité vasculaire, de l’extravasation leucocytaire, aussi bien que la formation et la croissance de nouveaux vaisseaux sanguins sont dépendants de la création et de la dissociation des jonctions entre cellules endothéliales. Les premiers indices suggérant l’implication de la VE-cadhérine dans l’angiogenèse dérivent d’expériences d’angiogenèse in

vitro utilisant des anticorps bloquants (Matsumura, T. et al. 1997). L’importance de la VE-

cadhérine dans ce processus a ensuite été démontrée par son invalidation génique. Les cellules endothéliales dépourvues de VE-cadhérine sont toujours capables de former un plexus vasculaire primitif, mais le remodelage vasculaire n’a pas lieu, et les cellules endothéliales tendent à se détacher et les vaisseaux se collapsent et régressent, ce qui conduit finalement à une létalité embryonnaire au stade 9,5 jpc (Gory-Faure, S. et al. 1999). Une étude plus récente, réalisée sur des cultures d’allantoïdes, conclue que la formation de novo de vaisseaux sanguins, jusqu’au point de formation d’un épithélium vasculaire avec une lumière, n’est pas

dépendante de VE-cadhérine ; mais plutôt, la VE-cadhérine, dont l’expression est augmentée après épithélialisation vasculaire, est indispensable pour prévenir le désassemblage des néovaisseaux (Crosby, C.V. et al. 2005). Enfin, l’angiogenèse tumorale peut être bloquée grâce à des anticorps dirigés contre la VE-cadhérine, suggérant que son activité est nécessaire à la prolifération vasculaire chez l’adulte (Corada, M. et al. 2002; Liao, F. et al. 2002).