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2 LES PROTEINES A CENTRES FER-SOUFRE

2.1 Structure et fonctions des centres Fer-Soufre

2.1.1 Structure

Les centres fer-soufre (Fe-S) sont des groupements prosthétiques associant des atomes de soufre et de fer inorganique. Ils sont présents chez presque tous les organismes vivants, même les plus primitifs (archae, bactéries, règnes végétal et animal) et probablement avant l’apparition de la vie sur terre (Imlay 2006). Différents types de centres Fe-S existent et chez les mammifères, on retrouve principalement les centres [2Fe-2S], [3Fe-4S] et [4Fe-4S]. Leur géométrie varie selon leur nucléarité : ils peuvent être de structure rhombique ([2Fe-2S]) ou cubique ([3Fe-4S] et [4Fe-4S]) (Figure 11). Les centres Fe-S sont reliés par liaison non covalente entre le fer et un atome de soufre, d’azote ou plus rarement d’oxygène, situé sur la chaîne latérale de certains acides aminés des protéines qui les portent. Cette liaison est établie avec un atome de soufre d’une cystéine le plus souvent, et moins fréquemment avec un atome d’azote de l’histidine ou l’arginine, ou un atome d’oxygène de la sérine, de l’aspartate et de la glutamine (Johnson et al. 2005).

Figure 11: Structures des centres fer-soufre.

(A) : structure rhombique pour le centre [2Fe-2S], (B) et (C) : structure cubique pour les centres [4Fe-4S] (B) et [3Fe-4S] (C) (Johnson et al. 2005)

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2.1.2 Fonctions des centres fer-soufre

2.1.2.1 Rôle dans le transfert d’électrons

Le premier rôle identifié des centres Fe-S est celui du transfert d’électrons. En effet, les atomes de fer peuvent passer d’un état réduit (ion ferreux Fe2+) à l’état oxydé (ion ferrique Fe3+) et vice-versa. Cette capacité d’oxydo-réduction permet ainsi le transport et l’échange d’électrons. Cette fonction de donneur ou d’accepteur d’électron est mise à profit, notamment, dans les protéines Fe-S des complexes I, II et III de la CRM (paragraphe 1.2.1, p.15).

2.1.2.2 Rôle dans la catalyse enzymatique

Certains centres Fe-S participent à la catalyse enzymatique. C’est le cas de l’aconitase, enzyme mitochondriale du cycle de Krebs ou enzyme cytosolique, qui renferme un centre [4Fe-4S] dont trois atomes de fer sont reliés à trois cystéines du site actif. Le dernier atome de fer n’est pas relié à un résidu de la chaîne polypeptidique et joue le rôle d’un acide de Lewis. Il interagit directement avec le substrat (le citrate) et les molécules d’eau pour initier une déshydratation puis une hydratation et former l’isocitrate (Lauble et al. 1992). Le centre [4Fe-4S] est donc indispensable à l’activité enzymatique de l’aconitase.

Les centres Fe-S ont un rôle d’oxydo-réduction au sein d’enzymes à radical S-adénosyl-méthionine (SAM) qui portent un ou plusieurs centre(s) [4Fe-4S]. Trois des quatre atomes de fer sont liés à des résidus cystéines de l’enzyme tandis que le dernier est lié au SAM (Figure 12). Lors de la catalyse, le centre Fe-S capte l’électron produit ce qui conduit à la formation du radical 5’-désoxyadénosyl. (5’-dA.) et de méthionine (Landgraf et al. 2016).

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Figure 12: Activité catalytique des enzymes à radical SAM.

Le radical SAM est clivé en méthionine et radical 5’désoxyadénosyl (5’-dA.) et le centre [4Fe-4S] est réduit (Landgraf et al. 2016).

La lipoic acid synthase (LIAS) est une enzyme à radical SAM qui possède deux centres [4Fe-4S]. Elle intervient dans la synthèse de l’acide lipoïque qui sera détaillée dans la troisième partie de cette introduction.

2.1.2.3 Rôle dans le métabolisme de l’ADN

Parmi les protéines Fe-S nucléaires, on peut citer l’ADN primase, une ARN polymérase participant à la réplication de l’ADN (Weiner et al. 2007) et les hélicases (XPD et FancJ) qui jouent un rôle essentiel dans la transcription ou la réparation de l’ADN. L’hydrolyse enzymatique de l’ATP en ADP par l’hélicase entrainerait la modification de l’état d’oxydation de son centre Fe-S et une modification conformationnelle de la protéine, conduisant au déplacement de l’enzyme sur le brin d’ADN. En l’absence de centre Fe-S, l’hélicase ne peut plus se déplacer sur le brin d’ADN (Rudolf et al. 2006).

Les ADN glycosylases de type Base Excision Repair (BER ; MutY ou EndoIII, chez Escherichia coli ou les homologues MUTYH et hNTH1 chez l’homme) possèdent également un centre [4Fe-4S]. Ce dernier aurait un rôle de détection des lésions à l’ADN (mésappariement, lésion oxydative…). En effet, une double hélice d’ADN parfaite a la capacité de transférer les électrons entre le centre Fe-S d’une

34 ADN glycosylase de type BER à une autre. Cette capacité est perdue en présence d’une anomalie sur une base, car le transfert d’électrons s’arrête. Les glycosylases utiliseraient donc ce transfert de charge de l’ADN pour scanner l’ADN afin de localiser et réparer efficacement ses défauts (Fuss et al. 2015; Golinelli-Cohen & Bouton 2017).

2.1.2.4 Rôle dans la régulation des gènes

L’IRP1 (Iron Regulatory Protein 1) est une protéine bi-fonctionnelle dont les activités s’excluent mutuellement par la présence ou l’absence d’un centre Fe-S. En conditions physiologiques, l’IRP1 est une aconitase à centre [4Fe-4S] (holo-protéine) localisée dans le cytosol des cellules, convertissant le citrate en isocitrate. En cas de carence en fer dans la cellule, l’IRP1 n’assemble plus son centre Fe-S (apo-protéine) et devient un régulateur de la traduction en se liant spécifiquement à des motifs d’ARN appelées iron responsive element (IRE). L’interaction apo-IRP1/IRE dans la région 3’ de l’ARNm du récepteur de la transferrine stabilise l’ARNm, facilitant la traduction de la transferrine donc l’import de fer dans la cellule est ainsi augmenté. L’apo-IRP1 interagit également avec des IRE situés en 5’ de l’ARNm des deux sous-unités de la ferritine inhibant leur traduction. Le stockage du fer dans la cellule sous forme de ferritine est donc limité. Lorsque le stock de fer intracellulaire est à nouveau biodisponible, l’apo-protéine IRP1 est convertie en aconitase à centre [4Fe-4S], et perd sa capacité à se lier aux séquences IREs. La traduction de la ferritine est alors déréprimée, permettant le stockage du fer non utilisé par la cellule et l’ARNm de la transferrine n’est plus stabilisé (Ye & Rouault 2010; Crack & Le Brun 2017). L’IRP1 est essentielle à la régulation du fer intracellulaire et participe indirectement à la biogenèse des centres Fe-S en régulant la source de fer cellulaire (Galy et al. 2010).

2.1.2.5 Rôle dans la réparation des autres protéines Fe-S

La protéine mitoNEET est une protéine à centre [2Fe-2S] ancrée sur la membrane externe mitochondriale. MitoNEET est impliquée dans la réparation du

35 centre Fe-S de l’aconitase cytosolique en réponse à un stress oxydatif, par une réaction de transfert de son centre Fe-S (Ferecatu et al. 2014).