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3 EXPLORATION DES ANOMALIES MITOCHONDRIALES CHEZ UN PATIENT

3.1 Présentation clinique et données préliminaires

Le patient rapporté ici est un garçon, sixième enfant d’un couple consanguin d’origine égyptienne. Il est né prématurément à 33 semaines d’aménorrhée par césarienne suite à la présence d’un hématome rétro-placentaire. A 18 mois, la marche est acquise et les premiers mots sont prononcés vers 20 mois. A cet âge apparaissent un déficit moteur du membre supérieur gauche sans spasticité, associé à un syndrome tétrapyramidal spastique des membres inférieurs. A la suite de cet épisode, une régression des acquisitions est notée avec perte de la marche autonome et du langage. Vers 30 mois, la position assise est conservée, et quelques pas peuvent être effectués avec aide. Il n’y a pas de perte de contact. A 3 ans et demi, la marche est relativement stable et autonome avec une fatigabilité au bout de 20 à 30 mètres. A cet âge, l’examen clinique ne montre pas d’amélioration franche avec un syndrome pyramidal spastique des membres inférieurs associé au déficit du membre supérieur gauche, sans signe de neuropathie, et sans organomégalie. Un

117 retard de langage est noté avec apraxie, lexique limité, sans construction de phrase. Il n’a pas de troubles de prises alimentaires. Il est scolarisé quelques heures par semaine avec une aide de vie scolaire. A 4 ans et demi, il a récupéré la marche et la course malgré des chutes fréquentes et une fatigabilité importante. Le langage a progressé bien que la construction de phrases ne soit pas acquise.

A l’âge de 20 mois, l’IRM cérébrale a mis en évidence une leucodystrophie, sans calcifications au scanner cérébral. A l’âge de 2 ans, l’IRM cérébrale montrait une leucodystrophie cavitaire avec lésions diffuses de la substance blanche sus-tentorielle dont la périphérie apparait en hypersignal. Ces images étaient stables lors d’un contrôle de l’IRM cérébrale réalisé à l’âge de 4 ans, avec apparition d’un pic de lactate à la spectroscopie. Le fond d’œil, effectué à l’âge de 2 ans, était normal.

Au début de la maladie, les analyses biologiques réalisées ont éliminé une leucodystrophie métachromatique (absence de sulfatides urinaires, protéinorachie normale), une anomalie lysosomale (activité hexosaminidase et arylsulfatase A normales), un dysfonctionnement des peroxysomes (profil normal des acides gras à très longue chaîne). Les profils chromatographiques des acides aminés dans le sang et le LCR étaient normaux, sans augmentation de la glycine. Le dosage de l’interféron alpha était négatif dans le LCR ce qui a éliminé une encéphalite d’origine virale. Dans le LCR, le dosage de lactate et de pyruvate était sans particularité. Dans le sang, une hyperlactatémie à 3,20 mmol/L (N<2 mmol/L) avec hyperpyruvicémie à 0,23 mmol/L (N<0,15 mmol/L) étaient notés soit un rapport lactate/pyruvate normal à 13,9. Ces résultats biologiques et l’ensemble du tableau clinique de ce patient étaient compatibles avec un déficit en PDHc ou une cytopathie mitochondriale. Une biopsie de peau prélevée à l’âge de 30 mois est transmise dans le service de biochimie de Bicêtre pour doser l’activité du complexe PDHc et étudier la chaîne respiratoire. Les résultats sont présentés dans le Tableau 11.

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Résultat Valeurs de références

Consommation en O2 sur cellules perméabilisées (nmol 02/min/mg protéine)

Oxydation du pyruvate 2,8 2,6 - 4,9

Oxydation du succinate 4,6 5,2 - 9

Oxydation du glycérol-3-phosphate 3,8 3,4 - 5,5

Oxydation du décylubiquinol 9,4 6,6 - 10,6

Activités des différents complexes de la CRM (nmol/min/mg protéine)

Complexe II 11 11 - 19

Complexe III 69 33 - 67

Complexe II+III 20 14 - 29

Complexe IV 64 41 - 81

Activités des enzymes du cycle de Krebs (nmol/min/mg protéine) et de PDHc (pmol/min/mg protéine)

Citrate synthase 47 31 - 65

Alpha-KGDHc 3,7 3,6 – 7,2

PDHc 1013 1170 - 3104

Tableau 11 : Mesure de la consommation en O2 et des activités des complexes II à IV de la CRM,

d’enzymes du cycle de Krebs et de PDHc dans les fibroblastes du patient ISCA1.

La consommation en O2 est mesurée dans les cellules perméabilisées à la digitonine. Les autres activités sont mesurées sur un homogénat de fibroblastes. Les résultats anormaux sont indiqués en gras.

L’activité PDHc dosée sur les fibroblastes est modérément diminuée et l’étude de la chaîne respiratoire montre une faible respiration cellulaire, notamment avec le succinate, associée à une diminution de l’activité du complexe II. Les autres activités enzymatiques restent dans les intervalles de référence.

L’analyse par next generation sequencing (NGS) d’un panel de 150 gènes codant pour des protéines mitochondriales impliquées ou potentiellement impliquées dans des pathologies a mis en évidence un variant homozygote c.302A>G, soit au niveau protéique p.Tyr101Cys, dans l’exon 4 du gène ISCA1 (RefSeq NM_030940.3, Figure 37). Le père et la mère du patient étaient porteurs de la mutation à l’état hétérozygote.

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Figure 37 : Représentation schématique de la mutation p.Tyr101Cys identifiée chez le patient ISCA1.

Le gène ISCA1 comporte 4 exons. La mutation c.302A>G, soit au niveau protéique p.Tyr101Cys, est située dans l’exon 4. AA : acides aminés, nt : nucléotides.

Cette variation faux-sens est prédite comme délétère par les logiciels de prédiction in silico (SIFT, mutation Taster, POLYPHEN2). Elle n’est pas répertoriée comme polymorphisme dans les bases de données dbSNP et EXAC. L’étude 3D de la protéine mutée par rapport à la protéine sauvage a été étudiée par le logiciel HOPE (Venselaar et al. 2010). La tyrosine en position 101 est un acide aminé, très conservé chez les mammifères et la levure Candida elegans, qui possède une liaison hydrogène avec la sérine en position 108, dans le noyau de la protéine. La protéine mutée perdrait l’interaction avec ce résidu du fait d’une différence importante de taille et d’hydrophobicité entre la cystéine et la tyrosine.

3.2 Le déficit en ISCA1 affecte la fonctionnalité de la CRM par déficit