3.2 Les r´eseaux d’automates bool´eens
3.2.1 Structure d’un r´eseau bool´een
Dans un r´eseau d’automates bool´eens, les automates sont g´en´eralements num´erot´es de 1 `a
n. L’ensemble des automates est donc l’ensemblefini X ={1, . . . , n}. Chacun d’entre eux peut
prendre la valeur 0 (on dira que l’automate estinactif ou´eteint) ou la valeur 1 (l’automate est
alorsactif ou allum´e). L’ensemble S des ´etats est donc le mˆeme pour tous les ´el´ements i∈X
du r´eseau : S = {0,1}. Soit i un ´el´ement du r´eseau, nous associons `a l’automate i∈ X une
variable bool´eenne xi qui repr´esente son ´etat courant. Sitd´esigne un temps discret (i.e.t∈N),
on noteraxt
i ouxi(t) l’´etat de l’´el´ement i au tempst.
La structure d’un r´eseau bool´een est donn´ee par le graphe d’interaction GI = (X,A). A est
l’ensemble des arˆetes ou connexions du r´eseau :A ⊆X ×X. Un ´el´ement deA sera not´e (i, j)
ou encore (i→ j), o`u i et j sont deux ´el´ements de X. Si (i→ j) ∈ A, on dira que l’´el´ement
iinfluence l’´el´ement j. Il est souvent d’usage de pr´ef´erer une notation matricielle pour d´efinir
les connexions du r´eseau :
D´efinition 3.10 (Matrice d’incidence) Soit un graphe d’interaction GI = (X, A) et soit n =
card(X) ∈ N∗. On d´efinit la matrice d’incidence de GI comme ´etant la matrice bool´eenne B
de dimension n×ntelle que :
∀i, j ∈ {1, . . . , n}, bij=
1 si j influence i, i.e. si (j→i)∈A
0 sinon
Il nous faut d´efinir maintenant la notion de voisinage. Pour chaque automatei∈X, on note
Eil’ensemble desentr´eesdei, c’est-`a-dire l’ensemble des automates du r´eseau qui l’influencent :
La cardinalit´e de l’ensemble Ei, que nous noterons ki est appel´ee connectivit´e de l’´el´ement i.
Elle se calcule par la formule :
ki =
n
X
j=1
bij
Nous reviendrons dans le chapitre suivant sur cette grandeur qui s’av`erera importante dans
notre ´etude. Le vecteur des connectivit´es k = (ki)i=1...n se retrouve ais´ement en additionnant
les colonnes de B (addition dansN). On noteraK la connectivit´e maximale du r´eseau :
K = max{ki|i∈X}
Se donner un voisinage d’un ´el´ement i ∈ X du r´eseau consiste `a se donner un ordre sur Ei.
Le voisinage de l’´el´ement i, not´e N(i), est donc une bijection de {1, . . . , ki} dans Ei. Nous
choisissons ici l’ordre “naturel” des entiers :
N(i)(1) = minEi
N(i)(2) = min(Ei\ {N(i)(1)})
N(i)(3) = min(Ei\ {N(i)(1),N(i)(2)})
..
.
N(i)(ki) = maxEi
(3.8)
Nous supposerons dans la suite que l’ordre des entr´ees utilise toujours cette convention.
La derni`ere ´etape de la construction du r´eseau consiste `a se donner une fonction de transition
globale. Pour cela, nous passons par des fonctions de transitions locales. Etant donn´e un ´el´ement
i∈X du r´eseau, on appelle fonction de transition locale de l’´el´ement itoute fonction scalaire
bool´eennefi d´ependant de ki variables :
fi :{0,1}ki −→ {0,1}
La mise `a jourde l’´el´ement ipeut donc s’exprimer par l’´equation :
xti+1=fi
xtN(i)(1), . . . , xtN(i)(ki)
pour tout t∈N.
Pour simplifier cette expression, on pose i1 = N(i)(1), . . ., iki = N(i)(ki). On consid`ere
ensuite fei le prolongement de fi sur {0,1}n : fei(x1, . . . , xn) = fi(xi1, . . . , xi
ki). S’il n’y a pas
d’ambigu¨ıt´e, on notera ´egalement fi la fonction fei. Nous pouvons exprimer alors la fonction
de transition globaledu r´eseau :
F : {0,1}n −→ {0,1}n
(x1, . . . , xn) 7−→
f1(x1, . . . , xn)
..
.
fn(x1, . . . , xn)
Exemple 3.4
SoitR un r´eseau de dimension4. Supposons que les entr´ees de l’automate 1sont les automates
2 et 4 (i.e.E1={2,4} et k1 = 2), et que la fonction d’activation locale f1 est :
f1: {0,1}2 −→ {0,1}
On notefe1 le prolongement def1 sur{0,1}4 :
f1 : {0,1}4 −→ {0,1}
(x1, x2, x3, x4) 7−→ x2∧x4
On s’autorise alors l’abus de notation suivant :fe1(x1, x2, x3, x4) =f1(x1, x2, x3, x4) =f1(x2, x4)
Voici `a pr´esent une d´efinition d’un r´eseau d’automates bool´eens. Cette d´efinition se base sur
la d´efinition 3.7 ainsi que sur les remarques pr´ec´edentes.
D´efinition 3.11 (R´eseau d’automate bool´een) Un r´eseau d’automates bool´eens de dimension
n est un triplet R= (X, B, F) o`u X ={1, . . . , n}, B est une matrice bool´eenne de dimension
n×net F une application de {0,1}n dans lui-mˆeme.
Remarque 3.6 Faisons quelques remarques terminologiques relatives `a cette d´efinition :
– La donn´ee du graphe d’interaction GI est ici remplac´ee par la donn´ee de la matrice
d’incidenceB. Il s’agit simplement d’une question d’usage, on peut facilement v´erifier que
la donn´ee de ces deux objets est math´ematiquement ´equivalente. Nous utiliserons donc
par la suite indiff´eremment les notions de graphe d’interaction ou de matrice d’incidence.
– Les ensembles d’´etats (Si)i∈X sont ici tous ´egaux `a
S ={0,1}
La fonction de voisinage N est la fonction d´efinie par le syst`eme (3.8).
– Pour chaque automate i ∈ X, l’ensemble Ei = {j∈X|bij = 1} se nomme ensemble
d’entr´ees de i. Il est ´egal `a l’ensemble des pr´ed´ecesseurs dei.
– La quantit´e ki =
n
X
j=1
bij est appel´ee connectivit´e apparente du nœudi. Nous reviendrons
sur la notion fondamentale de connectivit´e dans l’exemple ci-dessous ainsi que dans le
chapitre suivant.
– La fonction vectorielleF :{0,1}n→ {0,1}nest la fonction de transition globale du r´eseau
R. Ses composantesfi(iallant de1`an) sont les fonctions de transitions locales du r´eseau.
Nous rappelons ici que chaque fi est en fait d´efinie sur{0,1}ki mais on notera ´egalement
fi le prolongement de cette fonction `a {0,1}n (cf. exemple 3.4).
Exemple 3.5
Consid´erons le r´eseau de dimension4 d´efini par le graphe repr´esent´e par la figure suivante :
2
1
3
4
f1(x4) = ¬x4
f2(x1, x4) = x1
f3(x2, x4) = x2∨x4
f4(x3) = ¬x3
Fig. 3.2: Graphe d’interaction et fonctions de transitions locales associ´ees `a
un r´eseau de dimension4.
La donn´ee de ce graphe et de la fonction F d´efinit enti`erement le r´eseau. La matrice
d’inci-dence peut ˆetre ais´ement retrouv´ee en examinant le graphe de la figure 3.2 :
B(F) =
0 0 0 1
1 0 0 1
0 1 0 1
0 0 1 0
En examinant de plus pr`es la fonction f2(x1, x4), nous voyons qu’en fait son expression ne
d´epend pas de la variable x4. La fl`eche reliant le g`ene 4 au g`ene 2 peut donc ˆetre enlev´ee du
graphe, ´etant donn´e qu’elle n’a aucune influence r´eelle sur l’´evolution du g`ene2. La connectivit´e
apparente du g`ene 2est ´egale `a 2, mais sa connectivit´e r´eelle semble en fait ˆetre ´egale `a 1.
Cet exemple nous montre que la d´efinition 3.11 ne d´efinit pas un r´eseau de fa¸con unique. En
effet, une fois la matrice d’incidence (ou de fa¸con ´equivalente le graphe d’interaction) choisie, le
choix des fonctions bool´eennesfipeut faire diminuer la connectivit´e d’un ou plusieurs ´el´ements
du r´eseau. Une d´efinition pr´ecise de la notion de connectivit´e r´eelle est donn´ee dans le chapitre
suivant.
L’objet r´eseau d’automates bool´eens entre donc dans la d´efinition 3.7 de r´eseaux
d’auto-mates sur un graphe. Dans ces d´efinitions, le temps n’intervient pas : ce sont des d´efinitions
statiques. L’objet de la partie qui suit est de d´efinir la dynamique, ou, comme nous allons
le voir, les dynamiques possibles de tels r´eseaux. Nous avons d´ej`a entraper¸cu, avec les
auto-mates cellulaires, que ces dynamiques s’expriment sous la forme d’it´erations sur des ensembles
d´enombrables, dont nous avons rappel´e les propri´et´es fondamentales au d´ebut de ce chapitre.
Dans le document
Etude et modélisation mathématique de réseaux de régulation génétique et métabolique
(Page 77-80)