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Cette section a pour but de présenter de façon synthétique la structure et, tout particulièrement, la microstructure des argiles de façon à comprendre par la suite les processus affectant cette catégorie de sol soumise à des évolutions de température. On procède comme suit dans cette section. Tout d'abord, on décrit brièvement la microstructure des minéraux argileux puis, de cette structure, on se déplace vers les plaquettes argileuses et les agrégats argileux.

Les minéraux argileux sont principalement constitués de phyllosilicates (du grec

ϕυλλον

"feuille"), c'est à dire qu'ils sont formés par empilement de feuillets faits d'assemblage de couches tétraédriques (te) et octaédriques (oc) (Figure 30). Toute la structure des silicates est fondée sur le groupement SiO4+ où l'atome Si partage ses 4 charges avec les 4 atomes d'oxygène formant le sommet des tétraèdres, l'atome Si occupant le centre de ce système. Les couches tétraédriques sont constituées de ces groupements SiO4+. Quant aux octaèdres, ils ont en leur centre un ion métallique (souvent Al3+) entouré d'ions OH−. Ces deux structures, tétraédrique et octaédrique, constituent les deux unités fondamentales à partir desquelles il est possible de reconstituer la structure cristallographique des principaux minéraux argileux (exemple à la Figure 30(c) pour la kaolinite). D'un point de vue géologique, les trois principaux minéraux argileux, que sont la kaolinite, l'illite et la montmorillonite, sont le

49 produit d'altération, et en particulier de lessivage acide, de feldspath, des feldspathoïdes et de muscovite.

A l'échelle supérieure, les plaquettes d'argile sont des regroupements de feuillets et sont caractérisées par une surface chargée électriquement. Cette charge électrique provient de substitutions ioniques (substitutions isomorphes) soit Al3+ pour SiO4+ dans les couches te et

Mg2+ ou Fe2+ pour Al3+ dans les couches oc. Ces substitutions induisent une charge

permanente ou structurelle. Il existe également une charge de surface variable selon le pH traduisant les réactions chimiques se produisant à la surface des minéraux ou suite à l'adsorption de surfactants. La charge de surface est due à la rupture des liaisons Si-O et Al-

OH le long des surfaces.

Globalement, les plaquettes d'argile peuvent être vues comme des plaques d'un condensateur qui engendrent un champ électrique négatif capable d'attirer les cations métalliques et les dipôles électriques formés par les molécules d'eau. Cette attraction entraine l'apparition d'une structure organisée des molécules d'eau, d'une couche d'eau adsorbée à la surface (Figure 31) des particules. La charge négative en surface des plaquettes et les charges distribuées dans la phase adjacente sont regroupées dans le terme de "double couche diffuse". La théorie de Gouy-Chapman est utilisée pour la description de cette couche dans les argiles avec plus ou moins de succès (Mitchell, 1976).

Figure 30: Description de la structure cristallographique des minéraux argileux (d'après Mitchell (1976), modifié par Delage et Cui, 2000)

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Dans cette théorie, la concentration des cations ou des molécules d'eau diminue exponentiellement à partir de la surface du minéral argileux comme indiqué à la Figure 31. Il est possible de définir l'épaisseur de cette couche selon la formule suivante:

1/ 2 2 2 0 1 8 DkT K

π ε

n v   =    (2.1)

avec D la constante diélectrique du milieu; v la valence des cations; T la température; n0 la concentration de l'électrolyte; K l'épaisseur de la double couche; k la constante de Boltzman

(1.3805*10-23J.K-1);

ε

la charge de l'électron (-1.602*10-19C).

Les interactions eau-minéral permettent de définir quatre formes d'organisation des molécules d'eau dans les argiles à une échelle microscopique (Hueckel, 1991) (voir aussi Figure 32) :

1. L'eau libre, c'est-à-dire l'eau qui participe à l'écoulement sous l'influence d'un gradient hydraulique;

2. L'eau adsorbée entourant les agrégats de particules argileuses (inter-particulaire); 3. L'eau adsorbée dans les agrégats (intra-particulaire);

4. La dernière forme est liée à la structure cristallographique des argiles. Elle ne quitte le solide qu'à partir de températures supérieures à 350°C et ne sera pas considérée dans cette étude.

Figure 31: Distribution des ions adjacents à la surface d'une argile selon le concept de double couche diffuse (d'après Mitchell, 1976)

Les trois premières formes (Figure 32) sont les plus importantes dans ce cas-ci car ce sont elles qui vont réagir le plus significativement aux charges environnementales telles la température, les variations chimiques de l'eau, l'irradiation, etc. Mais l'influence de la

51 température sur la double couche diffuse constitue un sujet controversé comme on le verra dans le prochain paragraphe.

Figure 32: Représentation schématique de la répartition des plaquettes argileuses et de l'eau dans un sol argileux (D'après Delage, 2005)

Influence de la température sur la double couche diffuse

Comme signalé précédemment, l'influence de la température sur la double couche diffuse est l'objet de nombreuses controverses. Mitchell (1976) montre par exemple que l'épaisseur de la double couche est fonction de la concentration en électrolyte, de la valence des cations, de la constante diélectrique du milieu et de la température (éq. (2.1)). Une augmentation de la température entraine à elle seule une diminution de l'épaisseur de la double couche. Mais cet effet peut être contrebalancé par la diminution de la constante diélectrique du milieu avec la température. Ainsi lors d'une élévation de température, le produit DT (=constante diélectrique multiplié par la température) de l'équation (2.1) reste constant, et donc l'épaisseur de la double couche diffuse n'évolue pas avec la température selon Mitchell. Au contraire, Dejarguin et al. (1986) montre qu'à partir de 70°C, l'eau organisée, c'est-à-dire l'eau adsorbée, est déstructurée et se confond avec l'eau libre. La double couche diffuse est alors détruite par l'augmentation thermique à partir d'un certain seuil de température.

Forces inter-particulaires d'attraction et de répulsion

Lorsque deux particules d'argile se rapprochent, des forces d'attraction et de répulsion s'exercent sur celles-ci. Attewel et Farmer (1976) rappellent l'origine de ces différentes forces. Les forces d'attraction, dites aussi forces de Van Der Waals, dans les suspensions colloïdales sont le résultat de différentes liaisons: liaison hydrogène entre les atomes d'oxygène et les groupes hydroxyles formés par dissociation des molécules d'eau, les liaisons ioniques entre

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les ions et la charge électrique négative à la surface des plaquettes d'argile et les forces d'attraction non-polaire de Van der Waals - London qui dépendent de la distance mais sont indépendantes des particules et des propriétés de l'électrolyte. Les forces de répulsion proviennent de l'interaction et du recouvrement de différentes doubles couches diffuses. La magnitude de ces forces est fonction de la chimie de l'eau et du potentiel électrique. Les forces de répulsion décroissent exponentiellement avec la distance tandis que les forces d'attraction diminuent avec le carré de la distance. Ces forces sont importantes car ce sont elles qui vont intervenir dans la sédimentation, et donc dans la formation des dépôts argileux.