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2.3 Comportement thermo-mécanique, observations expérimentales

2.3.1 Comportement volumique

Le comportement d'un sol soumis à des évolutions de température se caractérise essentiellement par des changements de volume qu'ils soient réversibles ou non.

Le caractère volumique des déformations thermiques a notamment été montré par Paswell (1967). En réalisant des essais oedométriques sur une argile silteuse (Penn Soil shale) à différentes températures et sous différentes conditions de chargement, il montre l'apparition de déformations volumiques suite à une augmentation de température à contrainte constante. Campanella et Mitchell (1968) montrent sur des essais triaxiaux isotropes drainés, réalisés sur une argile illitique reconstituée que les déformations volumiques engendrées par un cycle de chauffage/refroidissement sont en partie irréversibles (Figure 34). Sous l’augmentation de la température, le sol se contracte et une augmentation du volume d'eau drainé hors de l'échantillon est observée. Cette compaction n'est pas totalement réversible lors d'un refroidissement (Figure 34). Ce résultat est retrouvé par de nombreux auteurs sur différents types de sol. On citera notamment les travaux de Demars et Charles (1982) sur des sols marins provenant de l'Atlantique Nord, Baldi et al. (1988) sur l'Argile de Boom et sur l'Argile silteuse de Pontida, Towhata et al. (1993) sur une argile à contenu minéralogique similaire au kaolin (MC Clay) et sur de la bentonite, Sultan (1997) et Delage et al. (2000) également sur l'Argile de Boom, et encore bien d'autres auteurs. (Laloui et Cekerevak, 2003; Cekerevac et Laloui, 2004; Lingnau et al., 1995; Burghignoli et al., 2000; Abuel-Naga et al., 2007)

Pour un sol normalement consolidé, Demars et Charles (1982) montrent que la déformation thermique est indépendante de la contrainte appliquée mais dépend de l'indice de plasticité du

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sol (Ip) et donc du type de sol. Les déformations thermiques sont d'autant plus grandes que

l'indice de plasticité est élevé, en d'autres termes que la granulométrie du sol est de plus en plus fine. Abuel-Naga et al. (2007) rassemble une série de résultats expérimentaux confirmant ce fait expérimental.

Figure 34: Effet de la température sur un échantillon constitué d’illite dans des conditions drainées sous contraintes effectives constantes. (D’après Campanella and Mitchell, 1968)

Pour un sol surconsolidé, une différence de comportement thermique apparaît avec un sol normalement consolidé. Plum et Esrig (1969) établissent un lien entre les déformations thermiques et le niveau de surconsolidation du sol. Plus tard, Demars et Charles (1982) montrent que les déformations permanentes sont d'autant plus faibles que le niveau de surconsolidation (OCR) est important. En d'autres termes, l'augmentation des déformations plastiques d'origine thermique est fonction de l'état de contrainte du matériau. Baldi et al. (1988) et Sultan (1997) montrent que suivant le niveau de l’OCR, le sol peut soit se dilater, soit se contracter. La Figure 35 et la Figure 36 proposées respectivement par ces auteurs montrent l'importance de l'état de contrainte du sol dans la détermination du comportement thermique de l'Argile de Boom et de l'Argile Silteuse de Pontida. Pour ces deux matériaux, dans un état normalement consolidé (OCR=1), la déformation est contractante et irréversible. Pour des valeurs plus hautes d’OCR (OCR>1), la déformation est d’abord dilatante puis après une certaine température de la contraction apparaît. Notons que cette influence de l'état de contrainte sur le comportement thermo-mécanique est également montrée par beaucoup d'autres auteurs sur différents matériaux: Towhata et al. (1993), Del Olmo et al. (1996), Burghignoli et al., 2000, Laloui et Cekerevak (2003); Cekerevak et Laloui (2004), Abuel- Naga et al. (2007), etc.

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Figure 35: Déformations plastiques thermiques lors d’un cycle de chauffage/ refroidissement sur l’Argile de Boom (Sultan et al., 2002)

Figure 36: Effet de l’OCR sur les déformations volumiques (

ε

v) d'une Argile Silteuse de Pontida (d'après

Baldi et al., 1988)

Le comportement contractant, et la non-réversibilité de celui-ci, pour un sol normalement consolidé soumis à un chargement thermique constitue un trait marquant des matériaux poreux argileux soumis à des élévations de température. Les explications sur l'origine des déformations plastiques thermiques sont multiples. Campanella et Mitchell (1968) voient la déformation thermique volumique plastique comme une réorganisation de la structure du squelette solide. L'augmentation de la température réduit la résistance du lien entre les différents grains, ce qui augmente la probabilité de rupture de ces liaisons et provoque une réorganisation de la structure. Ce réarrangement produit de nouvelles liaisons inter- granulaires afin de soutenir la contrainte appliquée à l'échantillon. Selon la même idée, Baldi

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permanentes des feuillets argileux suite à l'affaiblissement des liaisons existantes entre les différentes particules.

La théorie de la double couche diffuse permet à certains auteurs d'expliquer l'origine des déformations plastiques thermiques. Ainsi pour Tidfors et Sälfors (1986), il n'y a pas de contacts grain à grain proprement dit dans les milieux argileux mais plutôt des interactions entre les différentes couches d'eau adsorbées. L'épaisseur de cette couche d'eau adsorbée est réduite avec la température et crée alors un contact grain à grain, qui n'existait pas auparavant ainsi qu'une réorganisation de la matrice solide. A l'inverse, une diminution de la température augmente cette épaisseur et permet au sol de retrouver de la résistance. Cette explication est reprise par Towhata et al. (1993) qui sans évoquer le concept de la double couche diffuse, expliquent les déformations thermiques permanentes par une augmentation de l'énergie cinétique des molécules d'eau adsorbées qui leur permet d'échapper à l'attraction du champ électrique créé par les plaquettes d'argile. En conséquence, l'épaisseur de la couche formée par les molécules d'eau diminue et une densification des feuillets d'argile ainsi qu'une augmentation des contacts grain à grain est possible.

A l'inverse, Plum et Esrig (1969) estiment qu'une augmentation de la température entraîne une augmentation de la double couche diffuse provoquant un phénomène de contraction thermique. L'expansion de la double couche diffuse a comme résultat d'augmenter les forces de répulsion et donc de diminuer la résistance entre les grains d'argile conduisant à une rupture de cisaillement entre les grains ayant pour conséquence une diminution de volume.

On voit apparaitre de nombreuses contradictions à travers toutes ces théories et la difficulté d'expliquer l'origine des déformations de contraction thermique, en particulier d'unifier le rôle de la double couche diffuse dans les argiles.

Effet de la température sur la compressibilité

L’effet de la température sur la compressibilité du sol est étudié par Campanella et Mitchell (1968). La Figure 37 représente l’évolution de l’indice des vides en fonction de la charge appliquée pour trois températures différentes lors d'essais de consolidation isotrope sur une argile illitique remaniée. En réalisant des essais oedométriques à différentes températures, ils montrent que le coefficient de compressibilité est indépendant de la température. Lingnau et

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al. (1995), Lingnau et al. (1996) confirment cette hypothèse. Par contre, Laloui et Cekerevac

(2003) montrent que si une légère dépendance de la température sur la compressibilité mécanique peut être observée, celle-ci est négligeable. A l'inverse Plum et Esrig (1969), sur une argile illitique et sur l'Argile de Newfield, et Tanaka et al. (1997), sur une argile illitique remaniée, montrent une variation de la compressibilité des sols argileux lors d'un accroissement de la température.

Figure 37: Effet de la température sur la compressibilité du sol (Campanella et Mitchell, 1968)

Effet de la température sur la pression de préconsolidation

La pression de préconsolidation, qui définit la limite lors de compression isotrope entre le domaine élastique et le domaine plastique, évolue avec la température comme illustré sur la Figure 38 (dans le cas de sols avec un faible état de contrainte, OCR>1) (Cekerevac et al., 2002; Laloui et Cekerevac, 2003). Cette évolution est caractérisée par une diminution de la pression de préconsolidation avec la température qui induit une diminution du domaine élastique. Ce résultat a été validé par bien d’autres auteurs comme Tidfors et Sällfors (1989); Moritz L. (1995); Lingnau et al. (1995); Lingnau et al. (1996); Tanaka et al. (1997); Delage et

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Figure 38: Effet de l’accroissement de la température sur la pression de préconsolidation. Résultats d’essais rassemblés par Laloui and Cekerevac (2003)

Effet de "surconsolidation"

Pour les sols normalement consolidés, Towhata et al. (1993), sur de la bentonite, et plus tard Sultan (1997), sur l'Argile de Boom, montrent qu’une augmentation de température peut induire une augmentation de la pression de préconsolidation (Figure 39). En effet, lors du chauffage d'un échantillon d'Argile de Boom normalement consolidé, des déformations plastiques de contraction apparaissent comme illustré Figure 6. Il semble qu’un effet de « surconsolidation » soit observable avec une augmentation de la température. Cela peut se comprendre par une densification du matériau due à la variation de température qui engendre alors dans ce cas une augmentation de la pression de préconsolidation. Une diminution de l’indice des vides est ainsi observée lors de la phase de chauffage sous pression constante. Cet effet de surconsolidation est également observé par Campanella et Mitchell (1968).

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Figure 39: Effet de surconsolidation observé sur un échantillon d'Argile de Boom normalement consolidé (Sultan, 1997)

De la même façon, Plum et Esrig (1969), lors d'un test de chauffage et de refroidissement, montrent une légère surconsolidation lors de l'application de contrainte après le refroidissement. La Figure 40 présente ce résultat, on constate que lorsque la contrainte est de nouveau appliquée après le refroidissement, la courbe suivie lors de ce chargement mécanique se trouve décalée vers la droite. Le sol réagit alors comme s'il avait subi un phénomène de surconsolidation et le chemin de chargement suivi se trouve sur une nouvelle ligne de compression vierge.

Figure 40:Effet de surconsolidation lors d'un test de chauffage et de refroidissement sur une argile illitique (d'après Plum et Esrig, 1969)

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