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La structure d’événement sur la structure syntaxique – une analyse à l’interface

Dans le document Expressions duratives en chinois mandarin (Page 56-61)

– une analyse à l’interface syntactico-sémantique

Dans les parties précédentes, nous avons abordé des questions portant sur l’aspect lexical en chinois mandarin. Dans cette section, nous avons pour objectif de donner une analyse à l’interface syntactico-sémantique des phénomènes qui ont été discutés jusqu’à présent. Plus précisément, nous tentons d’encoder les informations aspectuelles sur la structure syntaxique. D’après Borer (2005), MacDonald (2006) et Travis (2010), nous proposons qu’il y a une projection fonctionnelle AspectP qui est en dessus du VP, comme illustré en (91).

(91) AspP Asp’ VP V’ V DP ASP DP

(2005), nous supposons que la tête ASP° a une valeur ouverte et qu’il existe deux modes d’assignation de valeur télique/bornée à la tête : l’assignation directe, l’assignation indirecte. La tête ASP° peut recevoir une valeur télique/bornée de manière directe quand les éléments

mergent à la tête. Ces éléments peuvent être un morphème libre ou un trait de tête qui

a un support lexical. La valeur télique/bornée peut aussi être assignée indirectement. Une instance de ce mode d’assignation indirecte est l’accord spécificateur-tête. Quand la tête ne reçoit pas de valeur télique/bornée, nous estimons qu’elle a une valeur atélique/non-bornée par défaut. Dans cette section, nous allons montrer comment les informations aspectuelles contenues dans les phénomènes discutés plus haut sont encodées sur la structure syntaxique de l’aspect lexical/interne.

2.6.1

Prédicats téliques

Nous avons discuté antérieurement trois types de prédicats téliques en chinois mandarin, à savoir les prédicats d’accomplissement, les prédicats d’achèvement et les composés verbaux résultatifs. Les prédicats d’accomplissement sont différents des prédicats d’achèvement et des composés verbaux résultatifs du fait que leur point télique peut être supprimé, alors qu’il n’en est pas de même pour les deux derniers types de prédicats téliques. La différence entre les prédicats d’accomplissement et les prédicats d’achèvement réside dans le fait que, lorsque les verbes d’accomplissement se combinent avec un objet (in)défini, un prédicat atélique est obtenu. Au contraire, le prédicat qui comporte un verbe d’achèvement et un objet (in)défini est télique. Les prédicats d’achèvement se comportent de manière différente des composés verbaux résultatifs dans la mesure où la (non-)quantisation/(non)-référentialité des objets peuvent affecter la télicité des prédicats d’achèvement mais non des composés verbaux ré- sultatifs. Plus particulièrement, quand les objets ont un déterminant cardinal, les prédicats d’achèvement sont téliques. Au contraire, quand les objets sont des noms nus, les prédicats sont atéliques. Mais en ce qui concerne les composés verbaux résultatifs, ils sont toujours téliques, même lorsque les objets seraient des noms nus.

La comparaison entre ces trois types de prédicats téliques suggère que les objets contri- buent à la composition aspectuelle des prédicats lorsque nous avons affaire à un verbe d’ac- complissement ou d’achèvement. Au contraire, la télicité des composés verbaux résultatifs n’est pas affectée par les objets. Suivant Borer (2005) et Travis (2010), nous proposons que quand les objets contribuent à la composition aspectuelle d’un prédicat télique, ils doivent monter à [Spec, AspP] pour assigner une valeur télique/bornée à la tête ASP° par l’accord spécificateur-tête. Plus précisément, quand il y a des verbes d’accomplissement, les objets dont le déterminant est cardinal montent à [Spec, AspP]. Quand des verbes d’achèvement apparaissent, les objets dont le déterminant est cardinal et les objets (in)définis montent à [Spec, AspP] pour assigner la valeur télique/bornée. En ce qui concerne les composés verbaux

résultatifs, nous proposons qu’ils assignent une valeur télique/bornée de manière directe à la tête, vu que les objets n’ont pas d’incidence sur la télicité de ces composés.

2.6.2

Prédicats temporellement bornés

Commençons par examiner les expressions duratives postverbales et les classificateurs verbaux de type phase qui sont tous les deux délimiteurs de situation. Comme ces deux éléments de délimiteur ont la même distribution syntaxique9, nous ne nous concentrons que

sur les expressions duratives postverbales. Nous avons montré ci-dessus que les expressions duratives postverbales en chinois mandarin sont incompatibles avec les prédicats téliques. Elles ressemblent à l’expression adverbiale en for en anglais de ce point de vue. Cependant, nous allons argumenter dans ce qui suit que l’expression durative postverbale en chinois mandarin se distingue de l’expression adverbiale en for en anglais du fait qu’elle participe directement à la composition aspectuelle des prédicats, alors que son homologue en anglais est plutôt un modificateur de prédicat atélique.

Smith (1994) estime que le type de situation d’un groupe verbal est déterminé par la combinaison de verbes, d’arguments et d’adverbiaux directionnels et locatifs (Verkuyl, 1972). Autrement dit, elle n’inclut pas l’expression adverbiale en for parmi les éléments contribuant à la constitution de l’aspect lexical (voir aussi Thompson (2006) pour un avis similaire). Par ailleurs, Hitzeman (1997), Demirdache et Uribe-Etxebarria (2004) et MacDonald (2006) pro- posent que l’expression adverbiale en for s’adjoint à une position plus haute que la projection AspPlexical, soit à IP, soit à AspPgrammatical, soit à vP. Ceci implique aussi que l’expression adverbiale en for ne fait pas partie de la composition aspectuelle du prédicat. Mais nous voulons suggérer que son homologue en chinois mandarin participe à la composition aspec- tuelle des prédicats de manière directe et il ressort qu’il occupe une position plus basse que la projection AspP. Plus particulièrement, nous insistons sur le fait qu’il y a trois différences entre l’expression durative postverbale en chinois mandarin et l’expression adverbiale en for en anglais. Premièrement, l’expression durative postverbale doit avoir une portée plus étroite que les adverbes de fréquence, ce qui se distingue de l’expression adverbiale en for. La phrase (92) montre que l’expression durative postverbale liang nian « deux ans » ne peut pas avoir de portée plus large que l’expression de fréquence mei tian « tous les jours ». Au contraire, comme montré par Morzycki (2004), l’expression adverbiale en for en anglais peut porter sur un adverbe de fréquence. Considérons (93) qui a deux lectures disponibles : l’adverbe de fréquence peut avoir une portée soit sur soit sous l’expression durative postverbale.

9. Nous allons donner une analyse détaillée de la structure syntaxique des expressions durative postverbales dans le chapitre 4.

(92) *张三每天看书两年。 *Zhangsan *Zhangsan mei chaque tian jour kan lire shu livre liang deux nian. an

Sens voulu : ‘Zhangsan a fait de la lecture tous les jours pendant deux ans.’ (93) John often read for two weeks.

‘Jean a lu souvent pendant deux semaines.’ a. For two weeks, John often did some reading.

‘Pendant deux semaines, Jean a souvent fait de la lecture.’ b. Often, John did some reading for two weeks.

‘Souvent, Jean a fait de la lecture pendant deux semaines.’

Deuxièmement, nous remarquons que l’expression durative postverbale en chinois man- darin se différencie de son homologue en anglais du fait que le premier n’est pas compatible avec un adverbe de degré, alors que l’expression adverbiale en for l’est, cf. (94). Vu que l’ad- verbe de degré est censé modifier un statif, nous pouvons tirer la conclusion que l’expression durative a une portée plus étroite que la portée de l’adverbe de degré. Comme la combinaison d’une expression durative postverbale et d’un verbe statif forme un prédicat temporellement borné qui est de nature d’événement, il est naturel que cette combinaison soit incompatible avec un adverbe de degré.

(94) 张三(*十分)相信过玛丽三年。 Zhangsan Zhangsan (*shifen) (*très xiangxin-guo croire-exp Mali Marie san trois nian. an

‘Zhangsan a fait l’expérience de (*beaucoup) croire Marie pendant trois ans.’

Troisièmement, on note que l’expression adverbiale en for en anglais peut s’appliquer à un prédicat télique ou imperfectif, cf. (95)-(96). Dans ces exemples, le point télique est supprimé, à savoir que “Jean n’a réussi à atteindre l’école” dans aucun des deux cas. A l’inverse, nous constatons que l’expression durative postverbale dans les phrases (97a)-(97b) ne peut pas être en cooccurrence avec un prédicat télique ou un prédicat imperfectif. Les phrases (98a)-(98b) montrent davantage que le verbe secondaire dans le composé verbal résultatif dao « arriver » et l’expression durative postverbale shi fenzhong « dix minutes » sont en distribution complémentaire en fournissant un point télique à l’événement marcher.

(95) John walked to school for ten minutes. (Smith, 1997) (96) John was walking to school for ten minutes.

(97) a. *约翰走到了学校十分钟。 *Yuehan *Jean zou-dao-le marcher-arriver-pfv xuexiao école shi dix fenzhong. minute b. *约翰在走到学校十分钟。 *Yuehan *John zai prog zou-dao marcher-arriver xuexiao école shi dix fenzhong. minute (98) a. 约翰走到了学校。 Yuehan Jean zou-dao-le marcher-arriver-pfv xuexiao. école ‘John a marché jusqu’à l’école.’

b. 约翰走了十分钟。 Yuehan John zou-le marcher-pfv shi dix fenzhong. minute ‘Jean a marché pendant dix minutes.’

Nous avons présenté trois arguments dans l’objectif de montrer que l’expression durative postverbale en chinois mandarin est différente de l’expression adverbiale en for en anglais. Les propriétés manifestées par l’expression durative postverbale nous conduisent à proposer qu’elle contribue directement à la composition aspectuelle du prédicat au niveau basique. Plus particulièrement, elles ont un trait [+borne]. Quand elles sont adjointes à VP ou à V’10, elles

vont assigner une valeur bornée à la tête ASP° de manière indirecte. Le marquage double d’une valeur fonctionnelle ouverte étant exclu dans les langues naturelles, comme proposé par Borer (2005), nous pouvons expliquer pourquoi une expression durative postverbale et un thème incrémental dont le déterminant est cardinal ne peuvent pas cooccurrer. Les deux assignent une valeur télique/bornée à la tête ASP°.

Ensuite, examinons les formes de réduplication verbale. Comme montré plus haut, la forme verbale V-V dénote une situation temporellement bornée, ce qui la différencie de la forme V1-V1-V2-V2. Nous proposons donc que la forme V-V ait un trait [+borne] qui va assigner

la valeur bornée à la tête ASP°. Par conséquent, la forme de réduplication verbale V-V ne peut pas se combiner avec d’autres délimiteurs temporels tels que les expressions duratives postverbales ou les classificateurs verbaux pour éviter un double marquage. Au contraire, la forme V1-V1-V2-V2 est dépourvue de trait [+borne] et elle peut être en cooccurrence avec les

délimiteurs temporels.

2.6.3

Lecture partitive – un marqueur implicite

Nous avons mentionné en 2.2 que le point télique des prédicats d’accomplissement peut être supprimé et une lecture partitive est déclenchée. L’exemple est répété en (99). D’après de Swart (1998) et Travis (2010) en ce qui concerne leur proposition sur l’effet de coercition, nous supposons que la lecture partitive est déclenchée via un opérateur aspectuel implicite. De plus, nous proposons que cet opérateur a du contenu syntaxique, qui apparaît comme une morphologie zéro sur la structure aspectuelle, voir aussi Travis (2010). Plus précisément, ce marqueur implicite se trouve à la tête ASP° et assigne une valeur atélique/non-bornée à la tête ASP°, pour déclencher une lecture partitive.

(99) 李四看了五本小说,一本也没看完。(= (4)) Lisi Lisi kan-le lire-pfv wu cinq ben clf xiaoshuo, roman yi un ben clf ye aussi mei neg kan-wan. lire-finir ‘Lisi a lu cinq romans. Il n’en a terminé aucun.’

Comme mentionné plus haut, une expression durative postverbale est incompatible avec un prédicat d’accomplissement, cf. (100). En d’autres termes, le prédicat d’accomplissement ne déclenche plus de lecture partitive en présence d’une expression durative postverbale, qui s’adjoint soit à V’ ou à VP. (100) *李四看了五本小说两个星期。(= (14)) *Lisi *Lisi kan-le lire-pfv wu cinq ben clf xiaoshuo roman liang deux ge clf xingqi. semaine

Sens voulu : ‘Lisi a lu cinq romans pendant deux semaines.’

Comme proposé en 2.6.2, l’expression durative postverbale assigne une valeur télique/ bor- née à la tête ASP°. Au contraire, le marqueur implicite assigne une valeur atélique/non-bornée à la tête ASP°. Cette non congruence entre la valeur atélique et la valeur télique entraîne l’agrammaticalité de la phrase (100). En revanche, lorsque l’expression durative postverbale ou d’autres éléments de délimitation ne sont pas présents, seul le marqueur implicite va assigner une valeur atélique/non-bornée à la tête, ce qui légitime la phrase acceptable (99).

Dans le document Expressions duratives en chinois mandarin (Page 56-61)

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