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Partie I : Corpus théorique et recension des écrits

2 Les modèles et les approches concernant le stress professionnel

2.1 Les modèles du stress professionnel

2.1.2 Stress comme stimulus

Dans cette catégorie, la théorie stipule que l’environnement prime sur la gradation du stress et que les réactions et caractéristiques des individus n’ont qu’une influence modeste sur la gravité du stress. Deux modèles de stress comme stimulus seront exposés : le Social Readjustment Rating Scale (SRRS), et le Daily Hassles and

Uplifts Scale (DHUS).

Tout d’abord, le SRRS, développé par Holmes et Rahe (1967), expose trois hypothèses. Premièrement, les impacts des évènements de la vie sont cumulatifs dans le temps. En ce sens, même les évènements considérés comme étant « passés » imbriquent une marque dans la mémoire d’un individu, le fragilisant ainsi quand vient le temps d’affronter des stresseurs futurs. Deuxièmement, le calcul de la hausse du stress se fait toujours à partir du quotidien et des habitudes d’une personne. À ce sujet, même si le changement est positif, s’il diffère du quotidien de

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la personne, celle-ci vit alors un stress. Enfin, pour que la gradation des évènements stressants soit valide, il faut qu’ils demeurent constants en intensité parmi plusieurs groupes. Par exemple, le décès du conjoint ou de la conjointe est considéré plus stressant que la perte d’un emploi, mais il faut que cette gradation soit considérée à la même intensité pour tous les individus. À ce sujet, Holmes et Rahe (1967) ont effectué une étude auprès de 394 participants, dans le but de voir si ceux-ci quantifiaient et qualifiaient une liste de 43 évènements de vie sous la même gradation de stress selon leur intensité. L’étude a conclu que les corrélations sont très élevées entre les différents groupes de participants, renforçant ainsi la croyance des auteurs que ce sont les évènements qui forment le stress chez l’individu et non l’inverse. C’est une échelle qui a connu beaucoup de succès, autant chez les chercheurs pour son avancée sur les connaissances du stress, notamment parce que l’échelle demeure un outil simple et pratique pour évaluer l’indice de stress chez une personne.

Par contre, deux critiques ont été évoquées envers le SRRS (Scully, Tosi et Banning, 2000). En premier lieu, il est impossible d’établir la causalité entre l’indice de stress et la présence de maladie chez la personne. En fait, le stress serait plutôt une conséquence indirecte d’un problème et non le problème lui-même amenant la maladie. Voyons un exemple sous forme de graphique :

Figure 2 Stress : cause ou conséquence ?

Comme le montre le graphique, une consommation excessive de drogues chez une personne peut amener différents stress, autant un dérèglement sur les saines habitudes de vie que des stress reliés à la situation financière. De cela en découlent certaines maladies, comme la malnutrition et le développement de troubles

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mentaux. Donc, dans cet exemple, le stress est l’une des conséquences issues de la consommation de drogues, ce qui accélère surement l’apparition des maladies. Par contre, il n’est pas possible de dire que c’est le stress lui-même qui amène la maladie. La deuxième critique émise à l’endroit du SRRS est que plusieurs études ayant utilisé l’échelle de gradation du stress l’ont fait sous forme rétrospective. Cela signifie que les participants étaient parfois amenés à se rappeler des évènements de longue date, ce qui peut entraîner un biais de rappel. Est-ce vraiment le score que le répondant voulait attribuer à l’évènement, ou bien sa mémoire a-t-elle pu diminuer ou amplifier la gravité de l’évènement ?

La seconde théorie du stress comme stimulus, le Daily Hassles and Uplifts Scale (DHUS), amène une vision différente du SRRS. Cette échelle, développée par Kanner, Coyne, Schaefer et Lazarus (1981), suppose que les stresseurs mineurs et les plaisirs quotidiens ont un effet plus important que les évènements majeurs de la vie mentionnés dans le SRRS. Pour cette échelle, les participants devaient remplir un questionnaire une fois par mois durant 10 mois, dans lequel ils devaient identifier les stresseurs et les bons coups quotidiens les plus présents dans leur vie. Dans l’étude, les auteurs ont démontré que les 10 stresseurs et bons coups nommés le plus fréquemment étaient, en ordre, les suivants (en traduction libre du tableau original de l’auteur) :

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Tableau 3 Les principaux éléments du Daily Hassles and Uplifts Scale de Kanner, Coyne, Schaefer et Lazarus (1981)

Découragements Encouragements

1. Inquiétude concernant le poids 2. La mauvaise santé d’un membre de

la famille

3. La hausse des prix des biens de consommation

4. L’entretien de la maison

5. Manquer de temps, avoir trop de choses à faire

6. Perdre des objets

7. Entretien du terrain et de l’extérieur de la maison

8. L’accès à la propriété et les taxes reliées à l’achat d’une propriété 9. Criminalité

10. L’apparence physique

1. Bonne relation avec le partenaire de vie

2. Relations saines avec les amis 3. Accomplir une tâche

4. Se sentir en santé 5. Dormir suffisamment 6. Manger au restaurant

7. Répondre à ses responsabilités 8. Visiter, écrire ou téléphoner à

quelqu’un

9. Passer du temps en famille 10. Relaxer chez soi

De plus, Kanner et ses collaborateurs (1981) ont démontré que cette échelle était plus fiable que le SRRS pour prédire l’apparition de symptômes physiques et psychologiques reliés au stress. En effet, lorsque les stresseurs mineurs sont présents sur une longue période, la corrélation avec la qualité de vie est plus solide qu’avec l’échelle du SRRS. Les auteurs expliquent cela avec le fait qu’un évènement majeur peut aussi cause un changement radical pour le mieux. Par exemple, la rupture amoureuse peut être catastrophique pour certains, mais peut aussi être un nouveau départ pour d’autres. Ce changement positif, selon les auteurs, est moins présent et plausible dans les stresseurs mineurs.

Pour conclure sur les théories du stress comme stimulus, trois critiques majeures en résultent (Cox, Griffiths et Rial-González, 2000). Premièrement, ces théories ne tiennent nullement compte des différences individuelles et des processus cognitifs pouvant influencer la perception des situations stressantes. Elles ciblent donc une grande partie de la population, mais n’arrivent pas à expliquer les cas particuliers.

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Deuxièmement, ces théories ne possèdent pas suffisamment de variables pour pouvoir établir une véritable théorisation complète du stress. Elles restent des théories partielles, notamment à cause de la troisième critique, soit le manque flagrant d’un lien entre l’interaction de l’environnement avec l’individu. Bref, les théories du stress comme stimulus démontrent des points intéressants, mais insuffisants pour établir une théorie complète et articulée.

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