• Aucun résultat trouvé

II. M ECANISMES ALTERNATIFS A LA TELOMERASE

4. Les mécanismes moléculaires d’ALT

4.3 La réponse au dommage à l‟ADN

4.3.1 Stress réplicatif et le mécanisme ALT

Les lésions qui découlent d‟un stress de réplication sont parmi les plus grandes menaces auxquelles sont confrontées les cellules. Le stress réplicatif est une source importante d‟instabilité provenant du ralentissement ou du blocage de la progression de la fourche de réplication ainsi que des défauts de synthèse de l'ADN qui en résultent (Gaillard et al., 2015).

66 Le stress réplicatif se produit souvent sur des sites du génome particulièrement difficiles à répliquer, tels que les télomères en raison de de leur nature hétérochromatique et de leur capacité à former des structures secondaires (Sfeir et al., 2009). Ces dernières comprennent les boucles T, les hybrides ADN/ARN tels que les boucles R et les G-quadruplex, qui sont tous capables d'empêcher la progression de la réplication des fourches si elles ne sont pas efficacement éliminées (Tarsounas and Tijsterman, 2013). Par la suite, les fourches bloquées incapables de redémarrer la réplication finissent par s'effondrer, formant ainsi une cassure double brin (CDB) suivie d‟une réponse qui sera mediée par une recombinaison homologue. Par conséquent, l'identification des sources de stress de réplication ainsi que les mécanismes responsables de leur résolution au niveau des télomères parait pertinente pour comprendre le mécanisme ALT.

4.3.1.1

Les modifications épigénétiques et le stress réplicatif

Plusieurs études ont révélé que les modifications épigénétiques de la chromatine télomérique sont principalement associées à un stress réplicatif conduisant à l‟activation d‟une réponse par recombinaison homologue et activant ainsi le mécanisme ALT. Il a été montré que la protéine ATRX peut se lier aux structures en G quadruplex (Law et al., 2010) et que les cellules déficientes en ATRX éprouvent des difficultés à les résoudre ce qui bloque les fourches de réplication et provoque par la suite le stress réplicatif (Watson et al., 2013). ATRX lui-même n‟est pas impliquée dans le déroulement de ces structures en G, prouvant qu'elle joue un rôle indirect face à ces obstacles (Clynes et al., 2014). Une étude récente menée par Koschmann et al a apporté une nouvelle perspective concernant le rôle d‟ATRX dans les voies de réparation de l'ADN (Koschmann et al., 2016). En effet, les auteurs ont découvert que l‟inhibition d'ATRX altérait la voie NHEJ, leurs résultats suggèrent qu‟une augmentation relative de la recombinaison homologue par rapport à la voie NHEJ soit favorable au mécanisme ALT. Ainsi, en absence d‟ATRX, la présence de structures en G au niveau de l'ADN télomérique pourrait favoriser le phénotype ALT en empêchant la progression de la fourche de réplication qui sera collapsée, déclenchant ainsi un mécanisme de réparation par recombinaison homologue. De plus, il a été déjà révélé qu‟ATRX interagit de façon directe

67 avec les composants du complexe MRN lors de la réplication de l'ADN facilitant ainsi ce processus (Clynes et al., 2014). La réexpression d'ATRX dans les lignées cellulaires ALT entraine une séquestration du complexe MRN loin des APB (Clynes et al., 2015), cela peut induire une suppression du mécanisme ALT (Jiang et al., 2005). Ces données montrent que l'expression d'ATRX peut limiter le phénotype ALT en séquestrant MRN loin des sites de recombinaison télomérique. Bien que les structures en G4 soient les substrats préférentiels pour MRE11 il est fort probable qu‟en absence d‟ATRX, MRN ait la capacité de cliver directement ces structures en G au niveau des APB induisant la formation de CDB et déclenchant par la suite la réponse au stress réplicatif (Ghosal and Muniyappa, 2005, Clynes et al., 2015). Étant donné que le phénotype ALT est fortement corrélé aux mutations du complexe de remodelage de la chromatine ATRX / DAXX et de l'histone H3.3, une augmentation du stress réplicatif peut être le résultat direct d‟un défaut d‟assemblage des nucléosomes sur l‟ADN télomérique (Lovejoy et al., 2012, Heaphy et al., 2011). En effet, la réintroduction d'ATRX dans les lignées de cellules cancéreuses ALT réprimait l'activité ALT et provoquait une accumulation du variant d'histone H3.3 au niveau des télomères, suivie d‟une réduction des fourches bloquées et par la suite du stress réplicatif (Clynes et al., 2015). D‟autre part, le rôle de l'assemblage de nucléosomes dans la lutte contre le stress réplicatif au niveau des télomères dans les cellules ALT a également été mis en évidence par une étude menée sur la protéine ASF1, une chaperonne d‟histone qui facilite le dépôt des histones pour former la particule nucléosomale lors de la réplication (O‟Sullivan et al., 2014). La déplétion d‟ASF1 dans les cellules télomérase-positives a provoqué une induction rapide de l‟activité ALT, ceci était révélé par une augmentation de la recombinaison inter-télomériques. Toutes ces études suggèrent que le stress réplicatif, induit en partie par l‟absence des protéines de remodelage de la chromatine, soit un facteur stimulant du mécanisme ALT, et que sa résolution pourrait perturber l‟activité ALT.

Comme déjà mentionné, les cellules ALT présentent une chromatine moins dense que celle des cellules télomérase-positives (Episkopou et al., 2014). Cet état de chromatine relâchée était accompagné d‟un niveau plus élevé de l‟ARN télomérique TERRA qui peut se lier directement à l'ADN télomérique pour former des hybrides ADN: ARN ou boucles R. Ces structures secondaires entrainent le blocage de la fourche de réplication et déclenchent par la

68 suite une réparation par recombinaison homologue (Graf et al., 2017). Une étude récente dans les cellules ALT a montré que l'élimination de la RNaseH1, une endonucléase qui dégrade spécifiquement l'ARN des hybrides ADN: ARN, provoquait une augmentation du stress réplicatif accompagnée de l‟apparition de marqueurs du phénotype ALT, y compris la formation des APBs et des C-circles (Min et al., 2017).

4.3.1.2 Récepteurs nucléaires et stress réplicatif

D‟autre part, Conomos et ses collaborateurs ont démontré que NuRD (Nucleosome Remodeling Deacetylase), le complexe de remodelage et de desacétylation des histones, est recruté par la protéine ZNF827 pour se lier spécifiquement au niveau de l‟ADN télomérique dans les cellules ALT (Conomos et al., 2014). Ce complexe déplace les protéines shelterin et induit un stress réplicatif suivi d‟interactions entre les télomères et d‟une synthèse télomérique. Paradoxalement, une condensation de la chromatine due à l'activité de désacétylation de NuRD se produit en parallèle, suggérant que NuRD-ZNF827 peut compenser certaines fonctions du complexe shelterin dans les cellules ALT, tout en créant simultanément un état permissif à la recombinaison homologue entre les télomères.

D‟autre part, des études récentes ont montré le rôle de deux protéines FANCM et SMARCAL1, qui sont responsables de la résolution du stress réplicatif, dans la répression de l‟activité ALT en induisant une régression de la fourche de réplication (Cox et al., 2016, Pan et al., 2017). Toutes ces données suggèrent que le mécanisme ALT peut être activé suite à une CDB générée par une fourche de réplication bloquée.