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D. Déformations cénozoïques

3. Le Cénozoïque de la Manche et des bassins voisins

3.1. Stratigraphie du Paléogène de Manche orientale

3.1.1. Bassin de Dieppe-Hampshire

Les dépôts cénozoïques du bassin de la Manche orientale sont compilés en carte pour la première fois par King (1949). L’essentiel de la zone où se sont déposés ces sédiments cénozoïques est nommée bassin de Dieppe par (Robert, 1971), alors que les sédiments isochrones du Sud de l’Angleterre forment ce qui est alors appelé bassin d’Hampshire. Robert (1971) considère que les deux bassins sont déconnectés et séparés par des dépôts Crétacé supérieur, mais l’apport de données de sismique réflexion a permis d’établir leur connexion et de définir le bassin de Dieppe-Hampshire comme étant l’association des deux bassins cénozoïques (Curry et Smith, 1975).

Le remplissage du bassin de Dieppe-Hampshire est composé de dépôts d’âges Thanétien à Rupélien (figure 1-30). Les sédiments les plus récents (Priabonien-Rupélien) ne sont observés que dans les zones émergées du Sud de l’Angleterre, affleurant notamment sur la plus grande partie de la moitié nord de l’Ile de Wight (Hamblin et al., 1992; Hopson, 2011; Plint, 1982). Le remplissage sédimentaire du bassin se localise au niveau de deux dépôt-centres situés proche du méridien de Greenwich et au nord de l’Ile de Wight, et qui correspondent respectivement aux bassins anciennement nommés bassin de Dieppe et bassin d’Hampshire.

Figure 1-30 : Profondeur sous le niveau de la mer de la base du Cénozoïque en Manche orientale (d’après Hamblin et al., 1992).

Le cadre stratigraphique cénozoïque de l’Ile de Wight et du Sud de l’Angleterre est bien contraint, notamment grâce aux travaux cartographiques du British Geological Survey (BGS), à des forages profonds et des études portant sur la sédimentologie de faciès (Insole et Daley,

Newell, 2001 ; Gale et al., 2006 ; Newell et Evans, 2011 ; De Jonghe et al., 2011 ; Newell, 2014 ; King, 2016).

Paléocène : Aucun sédiment danien ni sélandien n’est présent en Manche orientale,

contrairement à la Manche occidentale (Evans, 1990). Cette lacune entre les séries thanétiennes et la craie santonienne à campanienne est soulignée par une discordance (King, 2016). Les plus anciennes séries sédimentaires décrites dans le bassin de Dieppe-Hampshire, entre Dieppe et Fécamp, sont des calcaires blancs à microcodium datés à la fin du Thanétien (Auffret et al., 1975) (figure 1-31). Ces calcaires sont corrélables avec les calcaires du Cap d’Ailly à terre, dans le Nord de la France. À la fin du Thanétien se mettent en place des dépôts marins dans le centre du bassin de Dieppe-Hampshire, avec les bancs de Woolwich (sables et argiles sableuses, environ 20m), et des dépôts continentaux dans une partie du bassin d’Hampshire, avec les bancs de Reading (argiles, 30-40m), l’influence marine étant de plus en plus importante vers l’Est. Dans le Nord de la France et le Sud du Bassin de Dieppe-Hampshire, le milieu de dépôt correspond à des lagons et des environnements saumâtres. Au Nord du bassin, le milieu est fluvial à estuarien (Newell, 2014).

Figure 1-31 : Stratigraphie cénozoïque du bassin de Dieppe-Hampshire. Âges et zones de nannoplancton (NP) d’après Haq et al. (1987), courbes de variations eustatiques d’après Haq et al. (1988), stratigraphie du bassin d’Hampshire d’après Aubry (1983) et du bassin de Dieppe-Hampshire d’après Curry et al. (1978), modifié par

Éocène

Yprésien (Éocène inférieur) : Les premiers dépôts éocènes correspondent à la formation de

London Clay (Yprésien) et la formation de Varengeville en Normandie (Ouest de Dieppe), enregistrent une transgression majeure depuis la mer du Nord. La formation de London Clay correspond à des sables argileux. Cette formation atteint des épaisseurs importantes, puisque 161 mètres ont été forés sur l’île de Wight (Hamblin et al., 1992). La seconde partie de l’Yprésien voit la mise en place de 50 à 100m de grès calcaires et d’argiles sableuses glauconieuses, corrélées à la formation de Wittering du Sud de l’Angleterre, à la base du Groupe de Bracklesham. Deux séquences transgressives sont reconnues dans la formation, soulignées par un banc de galet à leur base (Plint, 1988). La fin de l’Yprésien sur l’Ile de Wight s’inscrit dans une tendance régressive, soulignée par le passage de dépôts marins à fluviaux et estuariens (Newell, 2014). La transition entre l’Yprésien et le Lutétien est marquée par la présence de paléosols (Whitecliff Bay Bed ; De Jonghe et al., 2011 ; Newell, 2014) et de sables fluviatiles avec une surface d’érosion basale (Formation de Poole ; Newell, 2014). Newell (2014) évoque une probable reconfiguration tectonique majeure du bassin de drainage à la fin de l’Yprésien à l’origine de cette érosion. Des faciès sédimentaires similaires sont reconnus dans le Bassin de Paris au sein des argiles de Laon, qui témoignent d’environnements côtiers à alluviaux (Briais et al., 2016).

Lutétien (Éocène moyen) : Une nouvelle transgression permet un retour à la sédimentation

au début du Lutétien, avec la mise en place des formations de Earnley et Selsey sur l’Ile de Wight (De Jonghe et al. 2011 ; Newell, 2014 ; King, 2016 ; figure 1-31). Des carottes prélevées dans le Sud du bassin de Dieppe-Hampshire indiquent la présence de calcaires gréseux glauconieux (Bignot, 1972). Bignot (1972) souligne une analogie entre le Lutétien de la partie méridionale du Bassin de Dieppe-Hampshire et le Lutétien du Bassin de Paris. La fin de la formation de Selsey (Lutétien supérieur) est caractérisée par une discordance sur l’Ile de Wight et un hiatus sédimentaire croissant vers l’est de l’île. À noter que Curry et Smith (1975) signalent des réflecteurs sismiques de forte amplitude dans la partie offshore du bassin, au sein de la série lutétienne, interprétés comme des bancs calcaires consolidés.

Bartonien (Éocène moyen) : La sédimentation carbonatée franche s’achève en Manche après

le Lutétien. Auffret et al. (1975) et Auffret et Gruas-Cavagnetto (1975) définissent deux formations dans le Bartonien, séparées par une légère discontinuité angulaire au cœur du synclinal de Dieppe-Hampshire : L’Auversien, constitué de sables marneux glauconieux, et le Marinésien, caractérisé par une argile sableuse. Ces formations sont corrélées par Auffret et

Barton témoignent d’un environnement marin plus profond que pour la formation de Selsey au sommet du Groupe de Bracklesham (Todd, 1990), marquant une tendance transgressive. Cette tendance est suivie d’une régression progressive qui se poursuit jusqu’au début du Priabonien (formation de Headon Hill ; Plint, 1988).

Priabonien (Éocène supérieur) : Des dépôts priaboniens sont enregistrés sur l’île de Wight

avec les formations de Headon Hills (75-100m) et les calcaires de Bembridge (moins de 20m) (figure 1-31). Ces formations ne se retrouvent en revanche pas dans le bassin de Dieppe- Hampshire. La formation de Headon Hills présente une palette de lithologies très variées, avec des variations latérales de faciès rapides (Insole et Daley, 1985). Les calcaires marneux de Bembridge se déposent en milieu continental, et sont érodés par la légère croissance de l’anticlinal de Porchfield (Daley et Edwards, 1971).

Oligocène : L’Oligocène n’est pas observé dans le bassin de Dieppe-Hampshire offshore, mais

on en retrouve sur l’île de Wight, avec la formation de Bouldnor (ou Hamstead Beds, Rupélien), d’une épaisseur avoisinant les 100m (Hamblin et al., 1992) (Figure 3.2). On le retrouve également dans le bassin du Nord-Baie de Seine (Curry et Smith, 1975). Cette formation est représentée par des argiles grises, vertes ou bleu-vert. Une surface d’érosion est identifiée à sa base. La faune trouvée au sein de la formation de Bouldnor indique une sédimentation en eaux douces ou saumâtres, et en domaine marin à sa base et son sommet. La base de la formation de Bouldnor est marquée un banc de sables coquillers, le Bembridge Oyster Bed, soulignant un bref épisode transgressif (Daley, 1973).

3.1.2. Bassin de Manche Centrale

Le Bassin de Manche Centrale (figure 1-30) se développe suite à l’inversion du Haut de Manche Centrale au Cénozoïque, suite à la réactivation d’une faille extensive E-W à pendage vers le nord, miroir de la faille de Portland-Wight (Beeley et Norton, 1998). Beeley et Norton (1998) suggèrent une connexion probable entre cette faille et un chevauchement varisque, réactivé au cours de l’extension mésozoïque.

Des séries cénozoïques sont préservées au sein d’un synclinal asymétrique, en discordance sur le Crétacé supérieur. Des carottages effectués dans les années 1950 ont été décrits par Curry (1962) et réexaminés par King (2016). Les premières analyses de Curry (1962) montrent la présence : (1) de dépôts paléocènes (Sparnacien), (2) du faciès London Clay (argiles grises ou brunes) de l’Yprésien inférieur, et (3) de sables marins glauconieux et plus ou moins argileux de l’Yprésien supérieur (Cuisien du Bassin de Paris, « Lower Bracklesham Beds » du Sud de l’Angleterre). Un échantillon situé vers le centre du bassin semble également montrer

la préservation de sédiments d’âge lutétien inférieur à moyen (Larsonneur, 1971 ; King, 2016). Hamblin et al. (1992) estiment une épaisseur maximale de dépôts cénozoïques préservés d’environ 105 mètres.

3.1.3. Bassin Nord-Baie de Seine

Le Bassin Nord-Baie de Seine met à l’affleurement des séries paléogènes préservés au sein d’un synclinal E-W, en discordance sur le Crétacé supérieur (Curry et Smith, 1975 ; figure 1- 30). Quelques échantillons carottés au niveau de ces séries et décrites par Curry et Smith (1975) donnent des informations sur la stratigraphie du bassin, et notamment la présence de Lutétien supérieur dans le bassin (marnes), environ 60 mètres au-dessus du sommet de la craie du Crétacé supérieur. Cette épaisseur suggère à Curry et Smith (1975) l’absence probable d’Eocène inférieur. Ces marnes seraient l’équivalent des calcaires de Fresville, décrits dans le Cotentin comme correspondant à un milieu de lagune saumâtre (Dugué et al., 2009). Des échantillons de calcaire à gastéropodes d’eau douce 80 à 100 mètres au-dessus du carottage de Lutétien sont décrits, mais n’ont pas pu être datés. Cependant les auteurs font l’hypothèse d’un âge oligocène, uniquement sur la base de l’épaisseur comprise entre les différents échantillons. Larsonneur et al. (1975) font état d’une série d’origine lacustre légèrement discordante sur le Lutétien supérieur, pouvant correspondre à un âge bartonien.

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