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I. Introduction bibliographique

2. La cytidine désaminase

2.9. Stratégies thérapeutiques impliquant la CDA

Etant donné la grande hétérogénéité d’expression de la CDA, plusieurs types d’opportunités thérapeutiques sont possibles. La majorité des cancers sous-expriment la CDA comparativement aux tissus sains. Cependant, certains cancers la surexpriment : cancers du poumon, du pancréas, de l'estomac, des testicules et du vagin (voir figure 15). En particulier, la CDA est un facteur de mauvais pronostic dans les cancers du pancréas et du col de l'utérus (voir figure 16)170. Différentes stratégies thérapeutiques peuvent donc être envisagées selon les tissus touchés par le cancer.

La CDA est associée à une pathologie : le syndrome de Bloom, une maladie autosomique rare provoquée par une mutation du gène BLM, qui est accompagnée d’une diminution de l’expression de CDA. Les cellules des patients atteints par ce syndrome sont caractérisées par une forte instabilité génétique, qui peut provoquer des mutations initiatrices de

cancers. La CDA a principalement été étudiée pour son rôle de facteur de résistance à

plusieurs chimiothérapies telles que la Gemcitabine, la Cytarabine et la Décitabine, qui sont des analogues de (désoxy-)cytidine détoxifiés par la CDA. Elle joue donc un rôle important puisque la modulation de son expression permettrait de contrecarrer la

35 Figure 15 : Expression de l’ARN messager de la CDA dans les cancers et les tissus sains associés. Adapté de : « GENT database » www.medicalgenome.kribb.re.kr/GENT/

L’équipe de M. Amor-Gueret a montré que les tumeurs dans lesquelles le niveau d’expression de CDA est faible sont plus sensibles au dérivé d’aminoflavone AFP464122. Les tissus qui expriment davantage de CDA sont, à l’inverse, résistants à ces drogues, ce qui placerait la CDA comme marqueur biologique prédictif de réponse. Les tumeurs exprimant le plus de CDA devraient donc, en théorie, être plus résistantes aux traitements.

Plusieurs études combinant diverses chimiothérapies et des inhibiteurs de la CDA ont été menées jusqu'à présent142,171–174. Cependant, seuls quelques essais cliniques ont été

Figure 16 : Courbes de survie des patients atteints d’un cancer du pancréas ou d’un cancer du col de l’utérus selon l’expression de CDA (groupes séparés à la médiane, en bleu : groupe qui exprime le moins de CDA, en rose : groupe qui exprime le plus de CDA). Source : TCGA. De : « the Human Protein Atlas » www.proteinatlas.com

36 menés avec la chimiothérapie et des inhibiteurs de la CDA. Des essais cliniques de phase I ont étudié les effets de la 5-fluoro-2'-désoxycytidine avec le THU (NCT00359606, NCT01041443, disponible sur ClinicalTrial.gov) et deux essais cliniques de phase II ont été terminés récemment en combinant la 5-fluoro-2'-déoxcytidine avec le THU et un autre combinant THU et décitabine avec nivolumab (NCT00978250, NCT02664181, disponible sur ClinicalTrial.gov) mais aucun des résultats n'a encore été publié.

Une stratégie proposée par l’équipe de Z. Gil, qui a démontré la chimiorésistance induite par les macrophages en modulant le niveau d’expression de CDA, serait de cibler les macrophages afin de réduire les niveaux de CDA et d’ainsi chimio-sensibiliser la tumeur à la gemcitabine127. Il a également été mis en évidence que la CDA, ou d’autres enzymes de la voie de recyclage des pyrimidines, peuvent représenter des cibles intéressantes pour tuer des pathogènes tels que les trypanosomatides (des protozoaires flagellés provoquant par exemple la maladie du sommeil ou encore la leishmaniose) qui ne produisent pas certaines enzymes de la voie de novo et sont donc dépendants de la CDA pour leur synthèse de nucléotides175.

L’équipe de M. Zauri a quant à elle développé une stratégie bien différente. Elle a montré que les cellules qui surexpriment la CDA sont capables de métaboliser des analogues synthétiques de désoxycytidine et de permettre leur insertion dans l’ADN176. Ces nucléotides, une fois utilisés pour la réplication du brin, déclenchent la réponse de facteur de surveillance tel que l’uracile glycosylase, ce qui provoque de nombreuses cassures de l’ADN177. Dans des cellules normales, ces nucléotides ne sont pas intégrés dans l’ADN car, bien que l’ADN polymérase ne soit pas sélective, d’autres enzymes des voies de recyclage et de métabolisation des nucléosides telles que CMPK1 (cytidine monophosphate kinase 1) font barrière à ces formes épigénétiquement modifiées afin de protéger le génome. Ces observations montrent bien que la surexpression de CDA permet la désamination d’analogues de désoxycytidine, 5hmdC et 5fdC en 5hmdU et 5fdU respectivement, qui sont reconnus par les kinases, tri-phosphorylés et incorporés dans l’ADN, ce qui déclenche l’arrêt du cycle cellulaire et enfin la mort des cellules176. Cette découverte présente une opportunité thérapeutique pour traiter les cancers qui surexpriment la CDA.

Il est cependant important de noter que la CDA, par son action chimio-résistante, protège les tissus de l’effet toxique de telles drogues administrées par intraveineuse dans tout l’organisme. Une toxicité sévère est donc mesurée dans les tissus à prolifération rapide avec des niveaux faibles de CDA110,167,168. Une stratégie thérapeutique développée par T. Moritz consiste dans ce sens à réaliser un transfert de gêne afin de surexprimer la CDA et donc de protéger ces tissus des effets secondaires178,179. Son équipe a notamment montré l’intérêt d’une telle approche dans le cas d’une leucémie aigüe traitée par Ara-C post-transplantation afin de protéger la moelle seine.

37 Plusieurs stratégies thérapeutiques impliquant la CDA ont été développées. La CDA est un

marqueur biologique prédictif de réponse à plusieurs thérapies telles que le dérivé

d’aminoflavone AFP464. Son ciblage permettrait donc de sensibiliser les tumeurs. Plusieurs essais cliniques combinant diverses chimiothérapies et des inhibiteurs de la CDA sont actuellement à l’étude mais aucun résultat n’a encore été publié. Il peut également être proposé de cibler les macrophages associés aux tumeurs car ils produisent de la CDA qui participe à la chimiorésistance. D’autres stratégies consistent à utiliser l’activité

catalytique de la CDA pour transformer des nucléosides synthétiques qui pourront être

intégrer à l’ADN et provoquer la mort cellulaire. Enfin, comme la CDA protège les tissus de

l’effet toxique des chimiothérapies administrées, il a été proposé de surexprimer