• Aucun résultat trouvé

Importance fonctionnelle de la CDA dans les pathologies

I. Introduction bibliographique

2. La cytidine désaminase

2.8. Importance fonctionnelle de la CDA dans les pathologies

À ce jour, aucun modèle de souris knock-out pour la CDA n'a été publié. Par conséquent, nous n'avons aucune connaissance de l'importance de la CDA dans le

Résumé des paragraphes 2.6 et 2.7 :

Les deux polymorphismes de la CDA les plus étudiés sont les substitutions nucléotidiques simples 208G>A et 79A>C qui sont associés à une variation de l’activité de l’enzyme. Plusieurs inhibiteurs pharmacologiques de la CDA ont été développés, en particulier le

THU, le DR et la zébularine présentent une bonne efficacité. Ce sont des inhibiteurs catalytiques compétitifs qui bloquent le site actif de l’enzyme.

32 développement. Cependant, une pathologie a été associée à un déficit en CDA : le syndrome de Bloom149.

Le syndrome de Bloom

La CDA a un rôle important dans le maintien du pool de nucléotides et il est connu qu’un déséquilibre de ce pool peut amener à un fort stress réplicatif délétère pour la cellule150. Le syndrome de Bloom est une maladie autosomique rare provoquée par une mutation du gène BLM sur les deux allèles qui résulte en une forte instabilité génétique151. À ce jour, plusieurs mutations du gène BLM ont été décrites, l’une d’entre elles en particulier notée BLMAsh est retrouvée de façon récurrente et aboutit à une protéine tronquée152. Le gène BLM code pour une protéine nucléaire du même nom dont les principales fonctions, en tant qu’hélicase à ADN, sont le maintien de l’intégrité génomique153. BLM est notamment relocalisé au niveau des cassures de l’ADN au sein d’un complexe contenant également RAD51, qui signale les dommages et participe ainsi à leur prise en charge par les mécanismes de réparation. Généralement, les mutations retrouvées sur le gène BLM sont des délétions ou des insertions de bases qui résultent en une diminution de la transcription du gène ou la terminaison de la traduction due à un non-sens de lecture de l’ARNm153. Un défaut ou une altération de cette protéine induit donc une mal-fonction du système de réparation par recombinaison homologue. Des mutations spontanées des cellules somatiques sont ainsi beaucoup plus fréquentes que chez un individu normal. En conséquence, les patients atteints de cette pathologie présentent des rougeurs congestives de la peau, appelées érythèmes télangiectatiques, ainsi que des retards de croissance, voire d’autres malformations154. Ces patients sont également prédisposés à la formation précoce de tous types de cancers, ce qui réduit considérablement leur espérance de vie149. Une caractéristique systématique de l’instabilité génétique liée au syndrome de Bloom est la présence d’échanges de segments entre les chromatides sœurs d'un chromosome, ce qui a d’ailleurs longtemps constitué une méthode de diagnostic de cette maladie, aujourd’hui confirmé par séquençage155.

L’équipe de M. Amor-Guérêt a montré qu’une mutation du gène BLM est associée à une perte d’expression de CDA. Parmi les nombreux défauts de ségrégations des chromatides, la formation de ponts chromatiniens (conséquences d’une mauvaise ségrégation de chromatides sœurs) sont directement du à l’absence de BLM, tandis que la présence de ponts ultra-fins (UFB) (qui succèdent à une réplication incomplète de l’ADN quand les cellules entrent en mitose) résultent d’un déséquilibre du pool de pyrimidines dû à la dérégulation de CDA156. Le mécanisme expliquant ce phénomène serait l’accumulation de dCTP dû à l’absence de CDA, qui induit une diminution de l’activité de PARP-1, une protéine impliquée dans la réponse aux dommages de l’ADN. L’équipe de C.P. Witte a complété cette hypothèse dans un autre modèle en montrant que l’accumulation d’espèces intermédiaires du catabolisme des pyrimidines dû à l’invalidation de CDA est toxique102. Il a également été proposé qu’un fort stress oxydatif, retrouvé dans les cellules de Bloom, soit en partie responsable de l’instabilité génétique présente dans ces cellules157,158.

33 Le rôle de la CDA dans la chimiorésistance

Un aspect fonctionnel notable de la CDA est qu’elle possède également la capacité de désaminer des analogues synthétiques ou naturels de la cytidine. Ceci lui a valu d’être le centre de nombreuses études depuis les années 60 avec l’apparition des premiers anti métabolites anticancéreux analogues de la cytidine tels que la cytosine arabinoside (Cytarabine ou Ara-C)159. En effet, la CDA est reconnue comme étant un facteur clé de chimiorésistance in vitro aux analogues de cytidine comme la Cytarabine (Ara-C), la Gemcitabine (dFdC), ou la Décitabine (5-Aza-dC)160 (voir figure 14) puisqu’elle catalyse leur transformation en des métabolites inactifs159,161.

En effet, la CDA a une affinité semblable pour ces métabolites de synthèse par rapport aux substrats naturels avec des Km de 11µM pour l’Ara-C contre 3,9 pour la cytidine par exemple135,162. Aussi, il a été montré in vivo dans un modèle murin que la CDA est responsable de l’inactivation de 28% de la gemcitabine110. Chez l’homme, une dose d’Ara-C délivrée par intraveineuse est retrouvé à 80% éliminée dans les urines, dont 90% sous sa forme uracile, donc modifiée par la CDA163. Une étude menée sur 40 patients atteints d'un cancer du pancréas et traités par gemcitabine a permis de corréler une activité élevée de la CDA (>6 U/mg) avec un cancer résistant et évolutif. Cette étude conclu que les patients présentant une activité élevée de CDA sont cinq fois plus susceptibles de régresser après un traitement par gemcitabine164.

Comme indiqué précédemment, le microenvironnement tumoral joue un rôle important dans la résistance aux traitements puisque la CDA est libérée dans le sérum. En effet la gemcitabine peut ainsi être inactivée avant même d'avoir pénétré dans le cytoplasme

Figure 14 : Représentation moléculaire des substrats naturels de la CDA : la cytidine et la désoxycytidine et de trois analogues utilisés en chimiothérapies : la cytarabine, la gemcitabine et la décitabine.

34 des cellules cancéreuses. N. Weizman et ses collaborateurs ont montré que la résistance des tumeurs pancréatiques était en partie due aux macrophages associés aux tumeurs (TAM), qui surexpriment la CDA en réponse au traitement par gemcitabine et libèrent l’enzyme dans l’environnement tumoral165. De plus, L. T. Geller et ses collaborateurs ont souligné que le microbiome tumoral a aussi son rôle dans la chimiorésistance. En effet, dans leur étude, 76 % des patients étaient positifs pour les gammaprotéobactéries, qui possèdent une CDA orthologue capable de désaminer la gemcitabine et de participer ainsi à la chimiorésistance166. La CDA présente donc un rôle thérapeutique important puisque sa modulation permettrait de vaincre la chimiorésistance de certains cancers. En contrepartie, il est important de noter que les patients ayant des taux ou une activité de l’enzyme plus faibles que la normale, traités par chimiothérapie (gemcitabine ou Ara-C) présentent des effets secondaires graves dus à une toxicité exacerbée du traitement 110,167,168. En effet J. Ciccolini et ses collaborateurs ont montré que les patients déficients en CDA (c'est-à-dire avec une activité sérique mesurée inférieure à 1,3U/mg) développent des effets indésirables graves (de grade 3 à 4) lorsque traités par gemcitabine110. Au contraire, la Capécitabine, un autre analogue synthétique de la désoxycytidine, doit être désaminée pour être activée. Une faible activité de CDA chez les patients traités par Capécitabine réduit donc la sensibilité à la chimiothérapie

in vitro169.