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TRPC3/TRPC6/TRPC7 TRPC3: SOC et ROC

F. La Dystrophie Musculaire de Duchenne (DMD)

4. Stratégies thérapeutiques effectives ou expérimentales

À ce jour, les seuls traitements disponibles consistent à améliorer le quotidien et l’espérance de vie des patients, principalement par des séances de kinésithérapie, le suivi des complications cardiaques et respiratoires et l’utilisation d’appareils d’assistance. De nombreuses pistes thérapeutiques sont étudiées expérimentalement dans le cas de la DMD. Les principales approches évaluées à ce jour seront présentées dans ce chapitre.

4.1. Thérapie génique

La thérapie génique est à l’heure actuelle l’approche thérapeutique expérimentale la plus largement étudiée. Elle consiste à introduire dans le cas de la dystrophie musculaire, le gène d’intérêt, celui de la dystrophine, à l’intérieur des fibres musculaires en utilisant différents vecteurs. De manière générale, deux types de thérapie génique ont été tentés in vivo: l’injection intramusculaire de plasmides et l’utilisation de vecteurs viraux.

L’injection intramusculaire de plasmides (Acsadi et al., 1991) contenant le gène humain de la dystrophine n’a permis d'observer l’expression de la dystrophine que dans 1 % des fibres musculaires de souris mdx (X-linked muscular dystrophy), modèle animal de la DMD. Plus récemment, l’électrotransfert de plasmides, contenant un gène rapporteur, à l'intérieur des muscles de souris mdx, a permis d'obtenir une expression atteignant 40 % des fibres (Vilquin et al., 2001). Cette expression a été prolongée à plus de 10 semaines sous une immunosuppression transitoire ou soutenue, comparée à une expression de 3 semaines sans immunosuppression. Dans cette même étude, un plasmide de grande taille contenant le gène de la dystrophine en fusion avec le gène de l'EGFP ("Enhanced Green Fluorescent Protein") a été transféré par électroporation à l'intérieur de muscles de souris mdx. Cette technique nécessite par contre des injections répétées de plasmides pour une expression à très long terme et est limitée par son accès à certains muscles. Dans une autre étude basée sur la transfection d’un plasmide, la dystrophine a été détectée jusqu’à au moins 6 mois après l’unique administration. Après ces résultats encourageants, le premier essai clinique en phase I de thérapie génique de la dystrophie de Duchenne-Becker utilisant cette approche a récemment été concluant. En effet, il a démontré la sécurité des injections intramusculaires

90 directes de plasmide codant la dystrophine (Romero et al., 2004). La phase I/II est en préparation avec le plasmide MyoDys® qui est injecté par voie intraveineuse dans l’avant- bras. Cependant, le niveau d’expression étant très faible, une amélioration de l’efficacité de transfert est nécessaire. Globalement, ces expériences montrent que le niveau d’expression est trop faible ou trop peu durable, voire les deux.

L’utilisation de vecteurs viraux, non réplicatifs par modification de leur génome, est plus prometteuse. Le principal avantage de ces vecteurs est l’efficacité du transfert de gène, puisque le mode d’infection propre au virus est conservé. L’emploi de l'adénovirus a permis l’introduction du gène de la mini-dystrophine à l’intérieur de 50 % des fibres musculaires 15 jours après l’injection du virus (Ragot et al., 1993). Par contre, l’expression de la mini- dystrophine a été grandement diminuée six mois suivant l’injection. Les adénovirus de première et de deuxième génération ne peuvent se répliquer, mais contiennent des gènes viraux, ce qui les rend très immunogéniques et limite leur capacité d'encapsidation.

Avec le développement de techniques pouvant générer des vecteurs adénoviraux ne contenant aucun gène viral (gutted adenoviral vectors), divers avantages se sont ajoutés à leur utilisation. Ces vecteurs ne peuvent générer de réponses immunes causées par des gènes viraux et ils permettent l'encapsidation d'un transgène de grande taille (variant entre 28 à 30 kb). L'utilisation d'un adénovirus ‘gutted’ contenant la partie codante complète de la dystrophine et le gène de la β-galactosidase a permis l'expression génique jusqu'à un an dans les muscles de souris immunodéficientes SCID/mdx. L'efficacité de cette expression était comparable à celle obtenue à l'aide d'adénovirus modifié de première génération (pour revue: Hartigan-O'Connor et Chamberlain, 2000).

L'approche ayant donné les résultats les plus intéressants pour le muscle squelettique est l'utilisation du vecteur Viral Adéno-Associé (AAV). Ce vecteur non pathogène, peu immunogène ne contient aucun gène viral et est capable de s'intégrer au génome de l'hôte. Par contre, sa capacité d'encapsidation limitée (5 kb) ne permet que l'utilisation du gène de la mini-dystrophine comme traitement de la DMD. Une expression de la mini-dystrophine, bien localisée sous la membrane basale des fibres musculaires, a été détectée six mois après injection de vecteur AAV dans des muscles de souris mdx (Wang et al., 2000). L'expression de la mini-dystrophine a permis la restauration du complexe protéique associé à la dystrophine à la membrane et améliore le phénotype dystrophique de la souris. Le transfert de la forme tronquée de la dystrophine (micro-dystrophine) dans les muscles de souris mdx s’est

91 accompagné d’une amélioration partielle de l’aspect histologique du muscle dystrophique (Gregorevic et al., 2006) (Fig. 29).

92 Le groupe de Li a récemment montré que la mini-dystrophine pouvait être transfectée dans les muscles mdx grâce à des lentivirus dérivant du virus HIV-1 (Human Immunodeficiency Virus-1) pouvant contenir de grands plasmides. Ils s’insèrent de façon stable dans le génome des cellules hôtes. Cette technique a permis d’exprimer la mini-dystrophine dans les souris mdx pendant 6 mois et de prévenir la dégénérescence des fibres recombinantes (Li et al., 2005).

Enfin, l’approche de type saut d’exon a émergé ces dernières années (Fig. 30). Elle vise à corriger directement l’anomalie moléculaire au niveau pré-ARNm endogène. L’utilisation de séquences «antisens» permet de bloquer de manière précise certains sites essentiels pour le processus d’épissage, aboutissant à une suppression ciblée d’un ou plusieurs exons. L’objectif est de permettre la traduction d’un ARNm en une protéine qui comportera une délétion «induite» mais sera néanmoins fonctionnelle. Dans une étude récente, une injection directe intramusculaire d’antisens (2OMeAO) résulte en une augmentation significative de fibres dystrophine-positives chez la souris mdx (Lu et al., 2003). L’expression de la dystrophine persiste deux mois après la première injection et la force musculaire chez ces souris est améliorée. Dans le modèle murin mdx, une correction des principales caractéristiques pathologiques a été obtenue avec cette stratégie. Des essais cliniques sur des patients DMD utilisant une molécule antisens (‘morpholinos’) sont prêts à débuter. Des résultats d’une équipe britannique en 2006 d’injections par intraveineuses sur souris mdx sont prometteurs, cependant le morpholino n’atteint pas le cœur.

Une autre approche innovante implique l’utrophine. C’est une protéine homologue à la dystrophine qui est normalement présente au niveau des jonctions neuromusculaires et myotendineuses. Elle est plus petite (13 kb) que la dystrophine mais est très similaire plus particulièrement au niveau des parties N et C-terminales. Elle a les mêmes propriétés fonctionnelles et peut lier le cytosquelette d’actine, le DAPs tels que la syntrophine et la dystrobrévine (Peters et al., 1998). Les souris utrophine-/-/mdx présentent un phénotype plus sévère que les mdx, probablement en raison de l’absence de compensation par l’utrophine. La fonction des deux protéines peut être considérée comme similaire et permettrait d’assurer la continuité mécanique entre le cytosquelette et la matrice extracellulaire. Comme attendu, la surexpression de l’utrophine chez les souris mdx améliore le phénotype en empêchant le développement de la maladie (Tinsley et al., 1998). Malheureusement, il est maintenant établit que, dans le cas de l’utrophine, ce rôle de compensation est uniquement préventif et non réparateur dès lors que les cycles de dégénération ont commencé.

94 4.2. Thérapie cellulaire

La thérapie cellulaire consiste en la transplantation de cellules souches dont la capacité importante de régénération tissulaire pourrait permettre de réparer la fibre musculaire lésée. Deux types d’utilisation sont actuellement envisagés. Tout d’abord, les cellules souches peuvent être prélevées chez un individu donneur sain et transplantées chez un individu receveur malade afin de corriger son déficit génétique. La seconde approche consiste à prélever des cellules souches/progénitrices directement chez l’individu porteur du déficit génétique, à corriger par thérapie génique ex vivo le déficit génétique pendant une courte période de culture cellulaire, puis à réimplanter les cellules génétiquement corrigées chez le même individu. Différents types de cellules souches ont été identifiées comme potentiellement utilisables pour le traitement de dystrophies musculaires.

Les premières tentatives ont porté sur la transplantation de myoblastes dans le cadre de la DMD. Mais la diffusion et la survie des myoblastes transplantés se sont avérées peu importantes et les premières tentatives d’application clinique non concluantes (Gussoni et al., 1992; Karpati et al., 1993; Mendell et al., 1995; pour revue: Mouly et al., 2005). Par ailleurs, dans différents tissus, des cellules souches possédant une capacité de «transdifférenciation» en myotubes ont été identifiées. La transdifférenciation caractérise la possibilité de former, à partir de cellules d’un tissu donné, des cellules d’un autre type tissulaire. En effet, les cellules de la moelle osseuse semblent participer à la formation de fibres musculaires normales, en migrant de la circulation sanguine aux sites de régénération. Dans un modèle mdx immunodéficient (mdx-SCID), la transplantation de cellules stromales issues de moelle osseuse humaine conduit à une différenciation en fibres musculaires et une régénération du tissu musculaire induite par des dommages répétés (Dezawa et al., 2005).

La technique qui est actuellement la plus prometteuse est basée sur l’utilisation de mésoangioblastes. Ces cellules souches fœtales localisées au niveau des vaisseaux sanguins possèdent une capacité de transdifférenciation en cellules satellites différenciées sous l’influence de facteurs myogéniques (Grassi et al., 2004). L’utilité de ces cellules semble aussi se confirmer chez des animaux de plus grande taille, puisqu’une amélioration remarquable de la fonction musculaire a été obtenue dans le modèle canin de DMD (le chien GRMD) (Sampaolesi et al., 2006) (Fig. 31).

Certains progéniteurs hématopoïétiques circulants exprimant le marqueur de surface AC133 peuvent participer au processus de régénération musculaire en fusionnant avec des fibres musculaires dystrophiques. En effet, la greffe de cellules AC133+ humaines par injection

95 intra-artérielle dans des souris mdx-SCID conduit à une amélioration de la force musculaire (Torrente et al., 2004).

4.3. Thérapies pharmacologiques

En parallèle à ces stratégies de thérapies géniques et cellulaires, plusieurs équipes ont développé d’autres approches pharmaceutiques. Dans le cas des mutations entraînant la création d’un codon STOP prématuré, une première expérience avec un antibiotique, la gentamycine, a prouvé que cette petite molécule peut supprimer ce signal et conduire à la synthèse de protéines entièrement fonctionnelles (Barton-Davis et al., 1999). Le niveau d’expression de la dystrophine et du DAP reste faible mais suffisant pour protéger les fibres contre les dommages membranaires. Malheureusement, in vivo, ce composé entraîne des effets secondaires toxiques. Un composé a été identifié, le PTC124, qui supprime

96 efficacement la mutation non-sens dans le gène de la dystrophine du modèle murin mdx (Welch et al., 2007). Il est actuellement en essai clinique en phase IIb.

Par ailleurs, les muscles affectés dans de nombreuses dystrophies musculaires présentent une élévation néfaste de la concentration intracellulaire de calcium, due à l’activation des protéases de type calpaïnes ubiquitaires 1 et 2. En accord avec cette hypothèse, les souris issues du croisement entre des mdx et des souris transgéniques surexprimant la calpastatine, un inhibiteur des calpaïnes 1 et 2, montrent une réduction de la nécrose (Spencer et Mellgren, 2002). Les essais cliniques utilisant des inhibiteurs des canaux calciques (verapamil, nifedipine et diltiazem) n’ont pas été probants. Ceci peut s’expliquer par une faible perturbation des canaux calciques de type L, bloqués par ces composés, dans les muscles DMD et mdx. Cependant, le traitement pendant 2 semaines de souris mdx avec la streptomycine, inhibiteur des canaux mécanosensibles impliqués dans la surcharge calcique, empêche les dommages musculaires avec une apparition de noyaux centraux réduite (Yeung et al., 2005). Des espoirs, basés sur l’utilisation d’inhibiteurs de l’activité des calpaïnes, persistent donc. D’autres composants pharmacologiques tels que l’allopurinol, la vitamine E et le sélénium n’ont pas été efficaces contre la progression de la DMD.

L’effet anti-inflammatoire d’un glucocorticoïde, la prednisone pourrait être responsable d’améliorations cliniques observées chez des patients atteints de DMD (Angelini, 2007). Elle aurait un effet bénéfique sur la force et la fonction musculaires ainsi que sur la fonction pulmonaire des patients atteints de la DMD. Cela s’expliquerait par l’implication du système immunitaire et ce traitement aiderait à l’élimination des lymphocytes T (dans le modèle mdx). Un dérivé de la prednisone, le déflazacort parait être une alternative efficace dans l’amélioration de la fonction respiratoire avec moins d’effets secondaires chez des patients DMD (Biggar et al., 2001).

Enfin, la limitation de la perte de masse musculaire observée dans de nombreuses dystrophies musculaires est une des voies de recherche évaluées. La description de bovins présentant un développement musculaire excessif a permis la découverte de mutations dans le gène codant pour la myostatine (Grobet et al., 1997). L’invalidation de ce gène dans des modèles murins s’accompagne d’une augmentation considérable du poids, de la taille et de la masse musculaire (McPherron et Lee, 1997; Bogdanovich et al., 2002) , ce qui suggère que le produit de ce gène est impliqué dans le contrôle négatif de la croissance du muscle. D’ailleurs, ces changements sont accompagnés d’une réduction de la dégénération musculaire et du niveau de créatine kinase. Cette fonction a été récemment confirmée chez l’homme: une mutation identifiée au niveau d’un site d’épissage de la myostatine chez un enfant

97 s’accompagne d’une hypertrophie musculaire (Schuelke et al., 2004). Des approches basées sur l’inhibition de l’action de la myostatine ont donc été initiées. La myostatine se compose d’un propeptide inhibiteur en N-terminal et d’un domaine C-terminal actif. L’injection de propeptide recombinant dans le péritoine de souris mdx provoque une augmentation de la masse musculaire, une amélioration du temps d’endurance sur le tapis et de la force absolue (Bogdanovich et al., 2005). De même, des injections d’anticorps anti-myostatine en intrapéritonéal améliorent le phénotype dystrophique de la souris mdx (Bogdanovich et al., 2002).