Chapitre 1 : L’Hémophilie A et sa prise en charge thérapeutique
2. Prise en charge thérapeutique de l’hémophilie A
2.2 Prise en charge thérapeutique actuelle du patient hémophile A
2.2.3 Stratégies thérapeutiques de l’hémophilie A
Trois situations indiquent l’administration des facteurs anti-hémophiliques :
- Le traitement des accidents hémorragiques, ou « à la demande »
- La prévention des hémorragies en cas de geste invasif ou intervention chirurgicale
programmée
- La prévention systématique des hémorragies, encore appelée prophylaxie
La présence d’inhibiteurs chez un hémophile fait l’objet d’une prise en charge substitutive
particulière, qui sera détaillée dans les paragraphes ci-dessous.
2.2.3.1 Traitement des accidents hémorragiques
La stratégie « à la demande » convient tout particulièrement aux hémophiles modérés, qui ne
sera appliquée qu’en cas d’accident hémorragique réel.
La détermination de la dose à injecter au patient hémophile en cas d’accident hémorragique
dépend de la gravité du saignement et de sa localisation, du poids du patient et du
pourcentage de FVIII circulant attendu. Deux méthodes existent(33) :
- La méthode empirique globale qui utilise la formule suivante pour l’hémophilie A
𝑫𝒐𝒔𝒆 = [𝒑𝒐𝒊𝒅𝒔(𝒌𝒈) 𝒙 𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒄𝒊𝒓𝒄𝒖𝒍𝒂𝒏𝒕 𝑭𝑽𝑰𝑰𝑰 𝒂𝒕𝒕𝒆𝒏𝒅𝒖(%)] / 𝟐
Par exemple, un hémophile pesant 70 kg et dont le taux circulant visé est de 50%, devra
recevoir : [70 x 50]/2 = 1750 UI par injection.
- L’utilisation des données pharmacocinétiques du patient est une méthode plus précise
permettant de minimiser les variabilités interindividuelles. Elle consiste à injecter une
dose standard de FVIII chez le patient, et de mesurer à son taux à 30 min, 1h, 4h, 8h et
24h, pour pouvoir déterminer le taux de récupération et la demi-vie du facteur chez le
patient.
Le taux de récupération, qui correspond à l’augmentation du taux de FVIII après
l’injection de 1 UI/kg est généralement de l’ordre de 1 UI/dL chez l’hémophile A.
Dans l’hémophilie A, la demi-vie du FVIII se situant autour de 10 à 12h, elle impose une
injection environ toutes les 8h pour traiter un accident hémorragique.
Le tableau ci-dessous détaille les taux plasmatiques attendus et la dose rapportée au poids de
FVIII à injecter en fonction de la clinique de l’accident hémorragique
Nous noterons que dans le cas d’une hémarthrose, le traitement dépasse rarement deux
Des thérapeutiques annexes non pharmacologiques telles que la mise au repos de
l’articulation et l’application de froid permettent de réduire la douleur et de limiter
l’épanchement intra articulaire.
Concernant les hématomes, la compression et l’application et de froid sont vivement
conseillés.
Tableau 8 : Paramètres de détermination de la dose thérapeutique de FVIII dans le traitement d'un accident hémorragique chez l'hémophile A (source : Schved J-F)
Cas particulier du patient hémophile A avec inhibiteur
Comme précisé plus haut, chez l’hémophile avec inhibiteur, le recours aux agents bypassants
est de rigueur. Dans le traitement des accidents hémorragiques, les doses préconisées sont
les suivantes(33) :
- 50 à 100 g/kg de FEIBA toutes les 8 à 12 h.
- 90 g/kg de NOVOSEVEN toutes les 2 à 6 h, ou 270 g en une seule fois.
2.2.3.2 Couverture d’un geste chirurgical et/ou invasif
Un geste chirurgical chez le patient hémophile doit impérativement être encadré par des
injections de FAH.
Le taux de FVIII circulant attendu et à prendre en compte pour le calcul de la dose à
administrer, varie en fonction de la lourdeur et du risque hémorragique du geste ; il peut aller
de 30 % pour les interventions mineures type extraction de dents de sagesse, à 60% pour les
interventions majeures de nature orthopédique par exemple.
Le traitement substitutif devra être réalisé à raison de trois injections par jour et poursuivi sur
la période post-opératoire immédiate et ce jusqu’à ce que les drains chirurgicaux témoignent
de la persistance d’un saignement.
Nous noterons qu’afin de limiter le risque thrombotique déjà important de par l’utilisation de
2.2.3.3 Prophylaxie systématique
La prophylaxie consiste en un traitement par injections régulières, systématiques,
programmées, sur une période de plus de 3 mois, administrées dans le but de prévenir la
survenue d'accidents hémorragiques spontanés.
Il s’agit d’une stratégie thérapeutique de choix chez les hémophiles sévères et dans certaines
hémophilies modérées de phénotype clinique hémorragique, puisqu’il a été démontré un réel
bénéfice dans la prévention de l’arthropathie hémophilique de la précocité de sa mise en
place(34).
Cette stratégie devrait être poursuivie au moins durant toute l’enfance et l’adolescence, sans
qu’il existe de véritable consensus à ce sujet.
Selon le moment à partir duquel une prophylaxie anti-hémophilique débute, nous distinguons
trois types de prophylaxie :
- La prophylaxie primaire, qui est instaurée avant la survenue d’un second saignement
articulaire
- La prophylaxie secondaire, qui est instaurée après la survenue un second saignement
articulaire
- La prophylaxie tertiaire, qui est instaurée après l’apparition d’une maladie articulaire
Quelque soit le type de prophylaxie envisagée, celle-ci suit un schéma posologique par paliers
selon les recommandations françaises de la COMETH(35).
Palier de prophylaxie Dose - schéma posologique
1
erpalier 50 UI/kg – 1x par semaine
2
epalier 30 UI/kg – 2x par semaine
3
epalier 30 UI/kg – 3x par semaine à jours fixes
OU 30 UI/kg – toutes les 72h
4
epalier 25-30 UI/kg – toutes les 48h
Tableau 9 : Paliers de prophylaxie anti-hémophilique A
L’augmentation de palier s’effectue dès qu’une nouvelle hémarthrose survient ou que deux
surviennent en moins de 6 mois.
Le retour à un palier inférieur ne peut être envisagée qu’après une année sans hémarthrose,
sous réserve d’une intégrité clinique et radiologique des 6 articulations majeures (coudes,
Cas particulier du patient hémophile A avec inhibiteur : induction de tolérance immune
Les protocoles d’induction de tolérance immune (ITI) émettent le postulat que l’injection
régulière de fortes doses de FVIII sont à l’origine d’un excès d’antigène de FVIII qui vont saturer
les inhibiteurs plasmatiques et à terme l’éradiquer.
Par principe, le FAH à l’origine de l’apparition de l’inhibiteur doit être utilisé pour le protocole
d’ITI, cependant, le seul médicament à ce jour possédant une AMM dans cette indication est
le FACTANEselon les caractéristiques de l’inhibiteur et le schéma figurant ci-contre :
Titre de l’inhibiteur (UB) Doses préconisées à adapterselon le contrôle biologique de l’inhibiteur
Modalités d’administration
0,6 à 5 à l’initiation 50 UI/kg/j – 3x par semaine à 100 UI/kg/j – tous les jours
ITI initiée dès que possible
> 5 UB 50 à 100 UI/kg/j – 3x par
semaine
à 300 UI/kg/j – tous les jours
Après disparition de l’inhibiteur
(< 0,6 UB), récupération et demi-vie normales
100 UI/kg/j puis 50 UI/kg/j puis 50 UI/kg/j tous les 2 jours
Puis traitement prophylactique
En paliers mensuels
3x par semaine, minimum 1 an
Tableau 10 : Schéma d'induction de tolérance immune par FACTANE (d’après le RCP du FACTANE)