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Stratégies et théorème d’arrêt

Dans le document Modélisation de phénomènes aléatoires : (Page 137-141)

d’actifs financiers dans la section 10.3.

Revenons à l’exemple du joueur décrit précédemment et supposons que le gain de la kième partie est donné parMk−Mk1où{Mn}n>0est une martingale. Le joueur décide de miser à chaque fois 1 euro jusqu’à un temps d’arrêtTaprès lequel il s’arrête définiti-vement de jouer (cf. figure 10.1), sa fortune s’écrit alors

X0 =0 et Xn= n

k=1

1{T>k}(Mk−Mk1), n>1.

FIGURE10.1 –Cet exemple représente un jeu de pile ou face dont les gains aléatoires suivent la

loiP(ζk1) =1/2. Le joueur commence avec un capital égal à 5 et il arrête de jouer dès que sa fortune atteint la valeur 10. Ceci revient à utiliser le temps d’arrêtT =inf{n>0, Mn =10} dans la formule (10.8).

Comme le temps d’arrêt est mesurable par rapport à laσ-algèbre Fn (cf. définition 9.10) le processus Φn = 1{T>n} est prévisible. En effet, l’évènement{T > n}est me-surable par rapport à Fn−1 car il se décompose uniquement en fonction d’évènements

Fn−1-mesurables {T >n}= n−1 \ k=1 {T6=k}.

La proposition 10.4 implique que{Xn}n>0 est donc une martingale. Il s’agit de la mar-tingaleMarrêtée au tempsTque l’on notera MT ={MT

n}n>0

Xn= MTn = (

Mn, si n6 T,

MT, si n> T. (10.8) Plus généralement, pour un processus aléatoireY = (Yn)n>0, on définitYT le proces-sus arrêtéau temps d’arrêtTpar

YnT = YnT pour tout n>0 où n∧T =inf{n,T}. On déduit du calcul précédent et de la proposition 10.4

138 CHAPITRE 10. MARTINGALES ET STRATÉGIES Proposition 10.5. Soient X une surmartingale (resp. sous-martingale, martingale) et T un temps d’arrêt sur (Ω,A,F,P). Alors le processus arrêté XT est une surmartingale (resp. sous-martingale, martingale).

Le théorème suivant est une conséquence importante de la Proposition 10.5. Théorème 10.6. (Théorème d’arrêt de Doob)

Soit X une martingale (resp. surmartingale) et T un temps d’arrêt. Si une des trois propriétés est satisfaite

(i) T est presque sûrement borné.

(ii) X est presque sûrement borné et T est fini presque sûrement

(iii) E(T) < ∞ et il existe une constante c telle que supn|Xn(ω)−Xn1(ω)| 6 c pour presque toutω.

alors

E(XT) =E(X0) (resp.E(XT) 6E(X0)).

Démonstration. Nous montrons le résultat pour les martingales car le cas des surmartin-gales se traite de manière identique.

Par la proposition 10.5, le processus arrêté XT est une martingale et son espérance reste constante pour toutn

E(XTn) =E(X0).

Pour prendre la limiten→∞, on examine successivement chaque condition : (i) Tétant uniformément borné parc, il suffit de choisirn>cpour conclure. (ii) Tétant fini presque sûrement, on en déduit la convergence presque sûre

XnT −−−→

n→∞ XT.

CommeXest borné, la suite de variables{XnT}n>0l’est aussi et le théorème de convergence dominée permet de conclure.

(iii) Sous l’hypothèse|Xn(ω)−Xn1(ω)|6c, on peut majorerXnT par

|XnT|6

n∧T

k=1

|Xk−Xk1|6cT.

Par conséquent la suite de variables {XnT}n est dominée par une variable inté-grable et elle converge presque sûrement vers XT. Le théorème de convergence dominée permet une nouvelle fois de conclure.

Le théorème précédent est valable sous des hypothèses moins restrictives que les trois conditions mentionnées, cependant le contre-exemple ci-dessous montre que le résultat ne peut pas être généralisé systématiquement. Considérons Sla marche aléatoire symé-trique (10.1) Sn = n

k=1 ξi avec P(ξi =±1) = 1 2 (10.9)

10.2. STRATÉGIES ET THÉORÈME D’ARRÊT 139 etT1le premier temps d’atteinte de 1 pour cette marche. CommeSest une martingale, le processus arrêtéST1 est aussi une martingale par la proposition 10.5. On a donc

∀n>0, E(ST1

n ) =E(S0) =0. (10.10) D’après le théorème de Polya 4.4, la marche aléatoire en dimension 1 est récurrente etT1 est fini presque sûrement. On en déduit quen∧T1 converge versT1 quandntend vers l’infini. Cependant on ne peut pas passer à la limite dans l’espérance car

0= lim n→∞E(ST1

n )6=E(ST1) =1. (10.11) En effet, le processus{ST1

n }n>0a de rares fluctuations très négatives qui suffisent pour préserver la moyenneE(ST1

n ) =0 (cf. figure 10.2).

FIGURE10.2 –Cette simulation représente 30 réalisations de marches aléatoires arrêtées au

ni-veau 1. Après 100 pas, seules 2 marches n’ont pas atteint le nini-veau 1 mais leurs valeurs sont très négatives. Ces rares fluctuations permettent d’expliquer le comportement asymptotique (10.11).

Remarque 10.7. Dans le jeu de loterie un phénomène similaire s’opère. Si N personnes misent 1 euro chacune et qu’un unique gagnant, tiré au sort parmi les N personnes, reçoit la somme totale de N euros, alors le gain moyen vaut 1. Pourtant quand N est grand, un joueur perd avec une probabilité proche de 1, mais en moyenne ceci est compensé par un gain très important qui a lieu rarement.

Par définition une martingale a une espérance constante puisque E(Xn) = E(X0) pour tout entiern. Le résultat suivant donne une sorte de réciproque grâce à la notion de temps d’arrêt.

Proposition 10.8. Soit X = {Xn}n>0 un processus aléatoire adapté à la filtrationF tel que E(|Xn|)<∞pour tout entier n. Alors, X est une martingale si et seulement si

E(XT) =E(X0) pour tout temps d’arrêt T borné. (10.12) Démonstration. Par le théorème d’arrêt de Doob, la relation (10.12) est toujours satisfaite siXest une martingale, il s’agit donc d’une condition nécessaire.

Pour démontrer que (10.12) est aussi une condition suffisante, commençons par fixer un entiernet un évènementA∈ Fnarbitraire. La variable aléatoire

140 CHAPITRE 10. MARTINGALES ET STRATÉGIES est un temps d’arrêt borné car

{T= n}= A∈ Fn, {T=n+1}= Ac∈ Fn⊂ Fn+1

et pour toutk 6= n,n+1, on voit que{T = k}= ∅ ∈ Fk. Par conséquent si la condition (10.12) est satisfaite, on a

E(X0) =E(XT) =E Xn1A+Xn+11Ac.

En prenantT =n+1, la condition (10.12) impose aussi queE(X0) =E(Xn+1). On déduit des 2 identités précédentes que

0=E XT−Xn+1

=E Xn1A−Xn+11A

=E (Xn+1−Xn)1A .

Comme cette relation est valable pour tout évènementAdansFn, elle caractérise l’espé-rance conditionnelle

E Xn+1−Xn Fn

=0. Ceci montre que le processusXest bien une martingale. Application du théorème d’arrêt.

Nous allons maintenant revisiter le problème de la ruine du joueur, déjà étudié par les chaînes de Markov dans la section 2.5.2, et montrer comment le théorème d’arrêt permet de le résoudre simplement.

Soienta,b>1 des entiers. On considère un jeu équilibré Xn= a+

n

i=1

ξi

où{ξi}i>1est une suite de variables aléatoires indépendantes de loiP(ξi =±1) =1/2. La fortune initiale du joueur est doncX0 =aet on définit les temps d’arrêt

T0=inf{n; Xn =0}, Ta+b=inf{n; Xn=a+b}, τ=inf{T0,Ta+b}. Comme{Xn}n>0 est une chaîne de Markov sur un espace d’états fini, le lemme 3.9 im-plique qu’elle atteindra toujours 0 ou a+b. Le temps d’arrêt τ est donc fini presque sûrement.

La marche aléatoire{Xn}n>0 étant une martingale, le processus arrêté{Xτ

n}n>0est aussi une martingale et il vérifie

∀n>0, E Xnτ

=E(X0) =a.

Commeτest fini presque sûrement etXnτest dans l’intervalle[0,a+b], le théorème de convergence dominée permet de passer à la limite et d’obtenir

a=E Xτ

=E (a+b)1{T0>Ta+b}

= (a+b)P T0> Ta+b .

car le processus arrêté ne peut prendre que les valeurs 0 et a+b. On retrouve donc le résultat de la section 2.5.2.

u(a) =Pa T0 <Ta+b

= b

10.3. STRATÉGIES DE GESTION ET ÉVALUATION DES OPTIONS? 141

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