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Mécanismes de renforcement

Dans le document Modélisation de phénomènes aléatoires : (Page 178-182)

en utilisant l’indépendance entre W1 et ˆE(1) (cf. figure 12.3) dans la dernière égalité. Comme ˆE et ˆE(1)ont la même loi, l’égalité précédente se réécrit

P Eˆ =0

=1−P(W1>0) P E 6ˆ =02

.

Sous l’hypothèseP(W1 >0) = 1, la probabilité que l’énergie totale s’annule doit satis-faire l’équation suivante

P Eˆ =0

=P Eˆ =02

et donc P Eˆ =0

∈ {0, 1}.

La variable aléatoire ˆE est positive, de moyenneE(Eˆ) =1. Par conséquent, la seule solu-tion possible de l’équasolu-tion ci-dessus estP Eˆ =0

=0. Ceci conclut le théorème 12.1. Le théorème 12.1 démontre la converge de l’énergie totale dansL2sous la condition E(W12)<2. Une étude plus précise des corrélations de l’énergie et de sa répartition dans l’arbre permettrait de découvrir une structure fractale extrêmement riche qui dépasse le cadre de ce cours. Les cascades de Mandelbrot ont joué un rôle important pour modéliser des phénomènes variés et elles ont permis de poser les bases de l’analyse multifractale et de la théorie du chaos multiplicatif. On pourra consulter l’article de Y. Heurteaux [16] pour une introduction à ces deux domaines des mathématiques.

12.2 Mécanismes de renforcement

Les mécanismes de renforcement permettent de comprendre comment des compor-tements individuels aléatoires peuvent générer des effets collectifs dans des contextes variés. Le modèle de Wright-Fisher défini section 11.4 pour décrire la dérive génétique peut être aussi interprété comme une forme de renforcement car l’évolution aléatoire fi-nit par sélectionner un des allèles qui devient dominant. Nous allons illustrer d’autres phénomènes de renforcement par quelques modèles probabilistes simples.

12.2.1 Urne de Pólya

À la suite d’une avancée technologique, un nouveau marché se développe avec diffé-rents produits concurdiffé-rents. Assez rapidement, on observe souvent l’émergence de stan-dards : certains produits sont systématiquement délaissés par les consommateurs et d’au-tres deviennent la norme. Ces choix ne sont pas toujours dictés par la supériorité techno-logique d’un produit sur un autre. Le consommateur suit l’avis de ses proches et les ten-dances du moment. Par exemple lors de l’achat d’un nouveau téléphone, un consomma-teur va privilégier la marque qui propose le plus grand nombre d’applications, parallè-lement, l’offre des applications va s’amplifier si le marché se développe. Les économistes

12.2. MÉCANISMES DE RENFORCEMENT 179 parlent d’externalité de réseaupour décrire le fait que plusieurs individus en achetant le même produit augmentent la valeur de ce produit en l’érigeant en standard.

L’urne de Pólya permet d’appréhender le phénomène précédent en le modélisant par un choix aléatoire. Initialement, on considère une urne avec rboules rouges etv boules vertes. On choisit une boule au hasard et on la replace dans l’urne en ajoutant en plus une autre boule de la même couleur. Ceci revient à dire que le consommateur acquiert le produit rouge ou le produit vert en fonction de la proportion des produits déjà vendus.

La proportionXndes boules vertes après lenième-tirage est une martingale. En effet, si il existeiboules rouges etjboules vertes au tempsnalors

P Xn+1 = j+1 i+j+1 = j i+j et P Xn+1= j i+j+1 = i i+j.

On a doncE(Xn+1|Fn) = XnoùFnreprésente laσ-algèbre des choix jusqu’à l’instantn. La martingale{Xn}n>1étant positive elle converge presque sûrement, par le théorème 11.4, vers une variable aléatoire limite X que nous allons déterminer maintenant. On remarquera aussi que {Xn}n>1 est bornée dans toutLpet la convergence a donc aussi lieu dansLpavecp>1 (cf. le théorème 11.9).

La probabilité que lesm premiers tirages soient des boules vertes et les ` = n−m suivants soient des boules rouges vaut

v v+r · v+1 v+r+1· · · v+ (m1) v+r+ (m−1)· r v+r+m· · · r+ (`1) v+r+ (n−1).

Tout autre tirage au sort demboules vertes et`boules rouges aura la même probabilité car le dénominateur sera inchangé et les coefficients du numérateur seront simplement permutés. Considérons le cas particulier r = 1 etv = 1, alors la probabilité qu’il y ait m+1 boules vertes au tempsns’écrit

P Xn= m+1 n+2 = n m m!(n−m)! (n+1)! = 1 n+1.

Le nombre de boules vertes est donc uniformément distribué à tout temps et X aura la loi uniforme sur [0, 1]. La proportion finale X des boules vertes est aléatoire et est déterminée principalement par l’aléa des choix initiaux. On observe un comportement asymptotique stable et le nombre de boules vertes croît linéairement commenXquand ndevient grand : la proportionXnreste figée quandnest grand (cf. figure 12.4).

Pour des données initiales générales, X suit une loi beta sur [0, 1] de paramètres (v,r)dont la densité s’écrit

fX(x) = (v+r−1)!

(v−1)!(r−1)!(1−x)r1xv1. (12.5)

12.2.2 Graphes aléatoires de Barabási-Albert

Les processus de renforcement sont multiples et ils façonnent de nombreux aspects de la vie courante. Par exemple, les réseaux sociaux ou le réseau internet peuvent être

180 CHAPITRE 12. APPLICATIONS DES MARTINGALES 0 200 400 600 800 1000 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

FIGURE12.4 –La proportionXnde boules vertes est représentée dans trois réalisations de l’urne

de Pólya avec 1000 tirages au sort. Les fluctuations initiales sont importantes, mais la proportion se stabilise très vite et reste ensuite asymptotiquement constante.

interprétés comme des graphes aléatoires dont les structures ont de nombreuses simi-larités. Les interconnections dans ces graphes sont très différentes du modèle d’Erdös-Rényi évoqué section 4.4.2. En particulier, il existe des sites avec un très grand nombre de connections et la statistique des degrés de ces graphes est souvent régie par des lois de puissance. Ces graphes se sont constitués au fil du temps sans suivre un dessein préétabli. De nombreux modèles ont été proposés pour essayer de décrire cette "auto-organisation" et les lois correspondantes. Barabási et Albert ont proposé dans leur article [1] un méca-nisme de renforcement, que nous allons présenter ci-dessous, pour construire dynami-quement des graphes dont les degrés ont des propriétés statistiques similaires à celles observées en pratique.

1 3

2 4

5

FIGURE12.5 –Un exemple de graphe de Barabási-Albert avec 5 sites. La convention consistant

à relier le site 1 à lui même lui confère le degré 1 initialement. Les autres sites ont été ajoutés aléatoirement selon l’ordre indiqué sur le dessin.

Au temps initialn=1, le grapheG1est constitué par un unique site relié à lui même. À chaque pas de temps, un site est ajouté et on notera Gn le graphe correspondant. La règle est la suivante : au tempsn, le nouveau sitenest connecté à un site dans le graphe

Gn−1choisi proportionnellement à son degré (cf. figure 12.5). Ce graphe est construit dy-namiquement par analogie auworld wide weboù les sites les plus importants ont tendance à attirer le plus grand nombre de liens, les nouveaux sites se connectant de façon

privi-12.2. MÉCANISMES DE RENFORCEMENT 181 légiée aux serveurs principaux. Un exemple de graphe aléatoire de Barabási-Albert est représenté figure 12.6.

FIGURE12.6 – Deux graphes de Barabási-Albert avec 100 sites sont représentés ci-dessus.

Ce-lui de droite est construit en ajoutant un site à chaque étape et ceCe-lui de gauche deux sites. On remarquera que certains sites privilégiés sont fortement connectés.

La construction du graphe peut s’interpréter à l’aide d’une urne de Pólya. Initiale-ment enn=1, on considère une urne contenant 1 boule avec le label 1. Supposons qu’au tempsn, il existe 2n−1 boules dans l’urne chacune étant associée à un label entre 1 etn. Au tempsn+1, on choisit une boule au hasard et on note k ∈ {1, . . . ,n}son label. On replace alors dans l’urne deux boules de labelket une nouvelle de labeln+1. Retraduit en terme de graphe, ceci correspond à ajouter le siten+1 et à le relier au sitekpar une arête. Le nombre de boules avec le labelkcroît exactement comme le degré du sitek, i.e. le nombre d’arêtes du sitek.

Pour comprendre l’évolution du nombre d’arêtes du site k, on considère l’urne au tempsket on colorie les 2k−1 boules de label strictement inférieur àken rouge et la boule ken vert. On continue les tirages au sort. Au tempsn>k, si on choisit une boule de label strictement supérieur àk on ignore ce tirage car il correspond à la création d’une arête sur un site qui n’est pas dans{1, . . . ,k}. Si une boule de labelj< kest tirée, cela revient à ajouter une boule rouge et si une boule de labelk est choisie cela correspond à l’ajout d’une boule verte. Par conséquent la distribution relative des boules vertes et rouges suit celle d’une urne de Pólya de donnée initiale r = 2k−2 et v = 1 et le comportement asymptotique est donné par la loi (12.5) qui vaut fX(x) =r(1−x)r−1.

Au lieu de suivre le degré d’un site fixé, on peut aussi chercher une information plus globale et déterminer l’espérance N(d,n) du nombre de sites de degré d au temps n. Comme pour les chaînes de Markov, on obtient en conditionnant par rapport au passé

N(d,n+1) =    1− d 2n−1 N(d,n) + d−1 2n−1N(d−1,n), si d>1 1− d 2n−1 N(d,n) +1, si d=1

En effet, un nouveau site de degréd > 1 ne peut être créé que si une arête a été ajoutée à un site de degré d−1 et inversement un site de degréddisparaît si on lui ajoute une

182 CHAPITRE 12. APPLICATIONS DES MARTINGALES arête. Un calcul (simple mais douloureux) permet de montrer que pourd>1

lim n→∞

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