• Aucun résultat trouvé

1. État de l’art sur le traitement de l’îlot de chaleur urbain (ICU)

1.3. Applications expérimentales de stratégies d’atténuations de l’ICU

1.3.2. Stratégies applicables aux centres urbains denses comme mesures de

me-sures de réhabilitation énergétique et microclimatique

La rue canyon étroite est l’unité d’étude utilisée dans cette thèse afin de représenter l’environnement urbain dense. Le paragraphe qui suit présente les solutions techniques qui permettraient de réduire les consommations énergétiques des bâtiments qui la composent. La solution préférée des architectes et des urbanistes est souvent celle qui vient s’intégrer le plus tard possible dans les processus de planification et qui a le moins de conséquences sur les au-tres aspects de la construction (Erell 2008). Les solutions présentées dans le paragraphe sui-vant s’appliquent aussi bien à la rénovation d’un espace existant que dans les plans initiaux d’un quartier en construction. La figure 9 révèle les postes d’apports sensibles et latents à la masse d’air circulant dans l’agglomération de Tokyo au Japon qui participent au développe-ment de l’ICU.

Chaleur dégagée par l'activité industrielle

7%

Chaleur dégagée par les centrales électriques et thermiques de l'agglomération 1% Chaleur dégagée liée à l'utilisation des bâtiments 24%

Convection avec les surfaces urbaines (Taux supérieur en

comparaison aux surfaces naturelles)

47%

Chaleur dégagée par les moyens de

transports 21%

Figure 9 : Apports journaliers moyens de chaleur sensible contribuant à l’ICU de Tokyo (Ministère de l’environnement Japonais dans Kondo 2006)

La part liée à l’échange de chaleur par convection, évaluée à 47%, dépend principalement de la vitesse des écoulements d’air sur les surfaces urbaines et de la valeur de la différence de température entre l’air et les surfaces. En réduisant la température des surfaces on permettrait

ments et les centrales thermiques. La convection aux surfaces peut être réduite en abaissant la température de surface ce qui peut être réalisé directement par l’augmentation de la réflectivi-té solaire des surfaces ou par ombrage, par l’apport d’humidiréflectivi-té dans les surfaces urbaines qui utilisera les charges solaires et la charge sensible pour s’évaporer. Les deux solutions ont pour conséquence indirecte de rafraîchir l’air utilisé au niveau des condenseurs des unités de clima-tisation ce qui influe sur la charge nécessaire à amener l’air intérieur à sa température de con-signe et donc fait décroitre la consommation énergétique d’été. Nous allons décrire ici les dif-férentes mesures implémentées.

Effet liés à l’évaporation d’eau sur les surfaces urbaines

Les villes ayant une façade exposée à une étendue d’eau importante présentent une tempéra-ture décroissante dans les quartiers en se rapprochant de la mer (Marseille : Pigeon et al. 2008; Los Angeles : Dousset et al. 2003). Le terme d’évaporation lié à la présence d’une masse d’eau peut se chiffrer par la connaissance de son étendue, de sa différence de tempéra-ture avec l’air et de la vitesse du vent. A cet effet, la réduction de la demande en rafraichisse-ment par utilisation de bassin au pied des bâtirafraichisse-ments dans un pays chaud a été étudiée dans le désert Israélien sur un modèle réduit de rues canyons formé par des briques (Figure 10).

Figure 10 : Vue schématique de la configuration des rangées de rues canyons à l’échelle ré-duites avec le module de répétition du bâtiment et un double bassin (Krüger et al. 2008) Le potentiel de rafraîchissement a été mesuré selon la température des surfaces des murs et par rapport à la différence de température à l’extérieur de la maquette et celle dans la ma-quette. La température de l’air a aussi été calculée avec un modèle pronostique de température

dans les canyons (CTTC) puis reportée dans un modèle de simulation énergétique pour les bâ-timents pour définir l’impact sur les consommations. Le potentiel de rafraîchissement est une fonction directe de la surface hydrique, AW, sur la surface totale de bâti, AC. Les besoins en climatisation décroissent de 30 à 85% pour la façade face au vent et de 23 à 75% pour la fa-çade à l’abri pour des ratios AW/AC évoluant de 0,05 (1 bassin, 2 étages) à 0,14 (2 bassins, 1 étage). Cependant, l’effet des apports d’humidité sur les systèmes de climatisation n’a pas été pris en compte.

Récemment, dans le district de Shiodome à Tokyo au Japon, une équipe de chercheurs a expé-rimenté l’association d’une chaussée poreuse à rétention d’eau couplée avec des systèmes d’irrigation des routes par vaporisation avec les eaux usées (Yamagata et al. 2008). Les mesu-res in-situ ont révélé une diminution de la température de surface de la chaussé de 8 °C durant la journée et de 3 °C pendant la nuit. L’effet se poursuivant plus longtemps durant la nuit à cause de la quantité d’eau retenue dans la matrice poreuse. Cette solution semble efficace pour l’atténuation du phénomène d’ICU mais demande la mise en place d’un réseau de mana-gement des eaux usées assez important.

Plantation de végétation en espaces urbains denses

Pendant la journée, les arbres interceptent le rayonnement solaire et s’ils ont des réserves d’eau disponibles à leurs racines, ils entament un processus d’évapotranspiration qui rafraichit l’air alentour en introduisant des charges latentes dépendant de la surface exposée de leur feuillage. S’ils n’ont pas ou peu d’humidité disponible, les arbres agissent seulement comme des parasols, cette fonction étant la principale cause de la réduction de température due aux arbres, le flux par convection provenant des surfaces ombragées étant largement diminué (Giridharan et al. 2007). Comme la conduction dans les bâtiments est plus influencée par les températures de surfaces que par la réduction de la température de l’air, le surplus de consommation énergétique sera plus facilement réduit par ombrage. Pendant la nuit, les arbres constituent un obstacle supplémentaire au rafraîchissement par échange GLO avec la voûte céleste, et ils ne sont pas capables d’évaporer leurs réserves par manque d’apports sensibles. Les végétaux ont besoin d’apports solaires pour faire leur photosynthèse et que leur évapora-tion soit efficace, et ils sont susceptibles d’ajouter une résistance mécanique à l’écoulement d’air. Par conséquent leur utilisation dans des rues canyons profondes peut être dérisoire.

Végétalisation des parois disponibles

L’incorporation de toitures ou façades végétalisées est aussi une solution, la condition étant de pouvoir les appliquer sur une importante partie de la surface urbaine, ils ont aussi l’avantage de réguler le drainage de l’eau lors des épisodes de pluies diluviennes et d’améliorer la qualité de l’air en fixant le CO2 et les NOx présents dans l’air ambiant. Le concept de rafraîchisse-ment par transfert latent d’évapotranspiration est forterafraîchisse-ment balancé par la disponibilité en eau pour les éléments végétalisés, plantes et arbres. En utilisant un modèle mathématique pour simuler la couverture végétale de 50% des toitures de Toronto au Canada, la réduction de température pendant l’été pourrait être de 1°C, et de 2°C si celles-ci était régulièrement irri-guées (Citation de Theodosiou 2009, d’après Bass et Al.). La simulation des réductions de température d’air dans une rue canyon, par la végétalisation des façades et des toitures par lierre grimpant, a été menée pour différents climats avec des résultats allant de 9,1 °C à 1,7°C sur la moyenne journalière respectivement pour Ryhad et Londres. Les meilleures performan-ces étant réalisées pour les climats arides et pour une configuration où toits et façades sont re-couverts (Alexandri et al. 2008) avec une nette diminution pour l’air au dessus des toits.

Localisation des émissions anthropiques

Le choix des systèmes de climatisation à production centralisée ou des systèmes split de type individuels est souvent dépendant de critères de faisabilité technique et économique. Pourtant, la localisation des condenseurs est relativement importante pour la modification des micro-climats et des consommations énergétiques. La décharge de l’air vicié par le condenseur des unités de climatisation peut être optimisée, par exemple par l’intégration de pompes à chaleur par échanges géothermiques, ou en évitant un maximum les systèmes de type split en façade. Le secteur tertiaire est pour sa part souvent équipé de systèmes de climatisation centralisés qui permettent une localisation des équipements en toiture. Cette disposition du rejet en chaleur sensible influence de façon moindre la température de l’air en espace urbain. L’utilisation de technologie de type tour de refroidissement contribue à l’entretien de l’ICU par apport latents. La réduction de la température extérieure et des consommations énergétiques a été simulée grâce à un modèle couplé de méso-échelle / canopée 1D / bâtiments relevant une réduction at-teignant jusqu’à 0,72°C sous la canopée et 130 W/m² pour la décharge de chaleur dans le sol en comparaison avec des systèmes traditionnels.

Nécessité d’un meilleur dimensionnement des appareils de climatisation

Dans le livre « rafraîchir la ville / Cooling the cities », Adnot et al. (2004) font part de la né-cessité d’avoir de meilleur dimensionnement des systèmes de climatisation dans les espaces urbains et d’éviter les surdimensionnements en respectant les ratios d’efficacité énergétique proposés par les constructeurs (EER) qui selon eux ne correspondent pas aux conditions d’utilisation de la vie courante. Le développement de rafraichissement passif par ventilation naturelle par exemple est assez compliqué en ville, de part la concentration en polluants à l’extérieur relativement importante et de la réduction des vitesses d’écoulement d’air, particu-lièrement dans les rues canyon où le potentiel de ventilation nocturne peut être réduit de 90% (Geros et al. 1999). Le dimensionnement d’installation de ventilation naturelle nécessite une connaissance parfaite des caractéristiques du vent dans le site observé et une adaptation des composants aux conditions locales (Allard et al. 2005).

Utilisation de revêtements de surface réfléchissant l’énergie solaire

La réflectivité d’une surface dans le spectre solaire, aussi appelée albédo, est définie comme sa réflectivité intégrée sur l’ensemble des directions hémisphériques et sur l’ensemble des longueurs d’ondes du spectre solaire (0,3 à 2,5µ m). Ce paramètre se décline entre 0 et 1, 0 re-présentant un « corps noir » parfaitement absorbant, et 1 étant le réflecteur parfait. Sa défini-tion est donnée par :

= 2,5 3 , 0 5 , 2 3 , 0 . .

λ

λ

ρ

ρ

λ λ λ d E d E SOL Équation 3

Où, Eλ est l’éclairement spectral en W.m-2, ρ est la réflectivité spectrale de la surface S consi-dérée, λ est la longueur d’onde.

L’utilisation de revêtements clairs pour revêtir les habitations des pays chauds afin d’améliorer le confort des occupants, tel que le blanc de chaux (surface sélective froide), est une pratique très ancienne et encore courante des populations locales du pourtour méditerra-néen, d’Afrique, d’Amérique centrale et du Moyen Orient (Figure 11).

Figure 11 : Villages passés au blanc de chaux, Hammamet (Tunisie) et Santorin (Grèce)

Les teintes blanches présentent la capacité quasiment maximale à réfléchir le rayonnement so-laire dans le domaine des visibles. Cette technique permet de conserver une température plus fraîche à l’intérieur qu’un même bâtiment peint d’une couleur plus foncée et donc plus absor-bante dans les visibles. Dans une moindre mesure, les couleurs claires (pigments colorés éclaircis à l’aide de pigments blancs) sont aussi utilisées avec des performances honorables.

Les revêtements clairs permettent de réduire la température des surfaces urbaines, leur utilisa-tion à grande échelle permettrait de diminuer l’échange de chaleur sensible par convecutilisa-tion avec l’air extérieur, et donc sa température. Indirectement, la demande énergétique à l’échelle de la ville serait affectée ainsi que la charge aux centrales de production d’énergie. Les gains énergétiques et environnementaux liés à l’utilisation de matériaux « cool » à grande échelle a été extrapolé à l’ensemble des villes Américaines (Sailor et al. 2007) grâce à une série de cal-culs découplés entre un modèle synoptique et DOE2. Les résultats sont présentés sous la forme d’un logiciel informatif (MIST), mis à la disposition des architectes et des urbanistes.

Taha (1997) a simulé les effets d’une modification de l’albédo global urbain dans le bassin sud de Los Angeles. Il a modélisé l’effet d’une modification extrême (+0,30 pour la réflectivi-té originelle de la surface horizontale considérée) de l’albédo des structures urbaines pouvant recevoir ce traitement, principalement les quartiers résidentiels, les centres commerciaux et bureaux et les parkings. Le modèle numérique résolvant les équations de température, humidi-té et écoulement d’air à l’échelle méso a éhumidi-té appliqué à un maillage de 2600 mailles de 5 × 5 km. Seul 1/6ème des surfaces a pu faire l’objet d’une modification, le reste étant composé de surfaces naturelles (désert, forêts, prairies), ce qui a permis une augmentation moyenne de

0,13 de l’albédo de ces cellules. Pour une journée estivale chaude et ensoleillée, la tempéra-ture de l’air ambiant simulée est alors réduite de 2°C en moyenne et de 4,7°C pour le pic situé à 15 h. D’autres calculs effectués parallèlement ont permis d’établir la réduction d’émission de polluants liée à la production d’énergie électrique et aux réactions thermo-dépendantes de la formation d’ozone et du smog urbain. D’autres publications complètent ces résultats met-tant en scène les effets de la modification de l’albédo global à des échelles plus élevées sur les rejets de gaz à effets de serre (Taha 2008; Akbari et al. 2009).

Cette dernière solution semble la moins contraignante de toutes en terme de rénovation ou de conception, elle peut être réalisée à l’aide d’une simple couche de peinture. Le paragraphe suivant reprend les résultats des études déjà réalisées sur le traitement radiatif des surfaces ur-baines et les produits existant pour développer cette stratégie.