3.1. Méthodologie de datation absolue
3.1.1.3. Stratégies d’échantillonnage en surface / selon un profil en profondeur
profondeur.
Tous les processus d’érosion et de dépôt qui affectent une surface après son élaboration
doivent être pris en compte dans l’interprétation des mesures de la concentration en 10Be et
leur signification chronologique. Ainsi, dans le cas de la datation d’une série de terrasses
marines, il faut tenir compte de l’érosion des surfaces, de la couverture sédimentaire mobile
comme les dunes, de la contamination d’une surface inférieure par une surface supérieure
(transport de blocs, colluvions de pente le long de l’escarpement, tous les produits de
l’érosion comme le sable etc.), des cônes de déjection, mais aussi de l’histoire ante‐dépôt des
sédiments (transport, pré‐exposition), appelée héritage.
Pour prendre cela en compte, nous avons adopté plusieurs stratégies d’échantillonnage
des terrasses marines en fonction de la nature du matériel à dater (roches in situ, blocs ou
sédiments) mais aussi en fonction des possibilités de terrain propres à chaque zone étudiée
(tranchées, route qui recoupe la terrasse etc.). En effet, il existe deux possibilités
d’échantillonnage des terrasses marines : l’échantillonnage en surface de la terrasse et
l’échantillonnage le long d’un profil vertical depuis la surface vers la profondeur.
3.1.1.3.1. La stratégie d’échantillonnage en surface
La stratégie d’échantillonnage en surface consiste à récolter plusieurs échantillons de
roches à la surface de la terrasse, d’une épaisseur inférieure à 5 cm, afin d’avoir une
répartition statistique de mesures de l’âge de la terrasse (Figure 32). Entre 3 et 5 échantillons
sont nécessaires pour bien contraindre l’âge en déterminant l’âge moyen des échantillons et
éventuellement pour repérer les échantillons aux histoires ante ou post‐dépôt anormales.
Pour une terrasse marine sans dépôts, on peut diminuer le nombre d’échantillons.
Figure 32 : Photographie d’un échantillonnage en surface d’une terrasse d’abrasion marine (Au sud de Mina Talca, Chili, ~30.9°S‐71,6°W). Nous échantillonnons les 3‐5 premiers centimètres de la roche qui affleure.
3.1.1.3.2. La stratégie d’échantillonnage le long d’un profil en profondeur
La stratégie d’échantillonnage le long d’un profil vertical depuis la surface vers la
profondeur consiste à prélever 4‐5 échantillons entre la surface et ~2 m de profondeur
(Figure 33). L’intérêt de ce type d’échantillonnage par rapport au précédent est d’obtenir le
couple âge et érosion possible de la surface de la terrasse marine. Pour cela, il faut comparer
la courbe de décroissance exponentielle du modèle théorique de pré‐exposition nulle ou
négligeable des dépôts (e.g. Brown et al., 1992) avec celle déduite de la concentration du 10Be
contenue dans les échantillons en fonction de la profondeur. La différence renseigne sur les
deux paramètres précédents.
Figure 33 : Photographies d’un échantillonnage d’une terrasse marine de dépôts le long d’un profil en profondeur (Chala, Pérou). Pour réaliser cet échantillonnage, nous avons creusé des fosses d’environ 2 m de profondeur dans la terrasse et échantillonné des galets prélevés à différentes profondeurs.
Dans les deux stratégies, il est nécessaire d’échantillonner la partie plane de la terrasse, le
plus près possible du pied de falaise de chaque terrasse, pour que l’âge calculé soit le plus
représentatif de l’âge d’abandon de la terrasse. La zone échantillonnée doit être dépourvue
éloignée du réseau de drainage, étranger à la formation de la terrasse et pour minimiser
l’érosion. Les autres paramètres à prendre en compte sont : la position des échantillons les
uns par rapport aux autres, pour l’échantillonnage en surface et la profondeur pour
l’échantillonnage le long d’un profil, la géométrie, l’épaisseur, l’état d’altération et la nature
de l’échantillon mais aussi l’altitude et la latitude du lieu d’échantillonnage et le masque
topographique environnant qu’il faut chercher à minimiser. Tous ces paramètres sont ensuite
pris en compte afin de 1) minimiser les pertes de matière par érosion et les effets de tout
autre processus post‐formation par abrasion ou post‐dépôt et du masque topographique, et
de 2) calculer l’âge 10Be de la terrasse.
Dans le cas des terrasses d’abrasion marine (i.e. les zones de San Juan de Marcona et Ilo
au Pérou et la zone des Altos de Talinay au Chili), nous avons non seulement échantillonné
en surface le substratum qui affleure (roche in situ) ou des morceaux de blocs sur la surface
mais nous avons aussi pu réaliser des profils en profondeur (Cf. Chapitre 4). L’intérêt des
terrasses d’abrasion marine est que nous pouvons en général nous affranchir des problèmes
d’héritage des dépôts, en échantillonnant la roche in situ, et que l’érosion y est minimale
(zone désertique et taux d’érosion du substratum nettement inférieur à celui d’une
couverture sédimentaire). Dans le cas des terrasses marines de dépôts (i.e. les zones de Chala
et Yauca au Pérou), nous avons préféré effectuer des profils verticaux depuis la surface
jusqu’à ~1.5 m de profondeur, plutôt qu’un simple échantillonnage de surface pour
déterminer l’héritage et l’érosion possibles afin de mieux contraindre l’âge de la terrasse (Cf.
1).
Toutefois, afin de réduire au maximum les incertitudes d’interprétation auxquels nous
allons devoir faire face du point de vue géomorphologique (érosion des surfaces,
contamination d’une surface inférieure par une surface supérieure, reprise ou formation
d’une surface lors d’un bas niveau marin, imbrication de cônes alluviaux, estimation du
temps de dépôt d’une terrasse marine, durée des processus d’abrasion…), nous avons,
préalablement à l’échantillonnage, étudié en détails la géomorphologie, la stratigraphie et la
sédimentologie des cibles échantillonnées mais aussi utilisé d’autres géochronomètres
comme l’âge U/Th sur des coquilles. Les résultats obtenus sont intégrés et comparés.