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Stratégie pour la calibration du modèle MARINE

A partir de cet état de l’art, on propose dans cette section une stratégie de calibration adaptée au contexte de l’étude. On rappelle, de ce fait, dans un premier temps, les attentes du modèle MARINE ainsi que ses limites liées aux incertitudes des données et aux simplifications des choix de modélisa- tion, afin de justifier la stratégie proposée.

4.3.1 Les objectifs de calibration du modèle MARINE

Objectifs

La modélisation des processus d’écoulement choisie dans MARINE est dédiée aux crues sou- daines. Lors de la calibration, on s’intéresse donc à la bonne reproduction : i)du début de crue et des pics relevant de la modélisation des écoulements de surfaces, ainsi que ii) de la récession de crue relevant des écoulements de subsurface. A contrario, la bonne reproduction des écoulements à bas débits en début et fin d’événement n’est pas spécifiquement attendue, car le modèle ne modélise ni le débit de base du bassin versant, ni l’évapotranspiration influençant en partie la récession en fin d’événement.

Les sources d’incertitudes

Les sources d’incertitudes pouvant influencer la calibration du modèle sont les suivantes : — les incertitudes sur les données de forçage c’est-à-dire sur les précipitations et les indices d’hu-

midité initiale. Elles sont globalement très mal définies, et ne peuvent être représentées par un modèle d’erreur. Par défaut, on considérera les données de forçage comme idéales. En contre partie, on accordera plus d’importance à la sélection des événements pour la calibration. — les incertitudes des séries hydrométriques. Les valeurs de débit extrême atteintes lors de crues

éclair sont difficilement observées. Leur mesure nécessite l’extrapolation des courbes de tarage et/ou la mise en place de méthodes indirectes de calcul via la connaissance du contrôle hydrau- lique de la section. Il est par conséquent peu judicieux de vouloir une reproduction exacte du pic de crue. On souhaite intégrer explicitement l’intervalle de confiance des séries hydromé- triques estimées dans la section 2.1.2.

— les incertitudes sur les propriétés du sol. Les principales propriétés de sol sont paramétrées afin d’intégrer leur incertitude. Chaque carte de propriété de sol est multipliée par un unique facteur choisi parmi un intervalle de valeurs physiquement plausible. A noter que la paramétri- sation ne prend pas en compte l’incertitude sur l’hétérogénéité spatiale mais uniquement un biais systématique.

— l’incertitude de modélisation c’est-à-dire les incertitudes inhérentes au choix de modélisation. De par la connaissance du modèle, il est attendu une incertitude élevée lors de la prévision des bas débits tandis qu’on espère une prévision plus fine de la crue proprement dite.

4.3.2 Quelle méthode de calibration choisir ?

Proposition d’une fonction coût

Les objectifs de modélisation étant spécifiques aux événements de crues éclair, la calibration à partir de la signature hydrologique globale du bassin versant ne paraît pas appropriée. En outre, un intérêt particulier est porté à la justesse temporelle dans l’estimation des pics de crues, ce que n’in- tègre pas les signatures hydrologiques. On préfère ainsi les fonctions coûts basées sur une approche statistique pour la calibration de MARINE.

On souhaite à la fois intégrer les incertitudes des observations de débit dans la mesure de vrai- semblance tout en adaptant la méthode à nos attentes de modélisation. Les contributions précédem- ment citées (Liu et al. [2009]; McMillan et al. [2010]; Schaefli and Gupta [2007], tableau 4.1) intègrent alternativement l’une ou l’autre des deux propriétés, sans proposer toutefois une composition.

Répondant à cette lacune, on propose une nouvelle fonction objectif permettant la prise en compte de : i) la connaissance réelle du débit via la prise en compte de l’incertitude de sa mesure ; ii) des attentes du modèle compte tenu de ses hypothèses sous-jacentes (de sa spécificité) et de l’objectif même de modélisation [Douinot et al., 2016a]. L’objectif in fine est d’orienter au mieux les résultats de la calibration vers nos attentes en termes de performance tout en évitant de contraindre le modèle de prévision vers une exacte reproduction des débits observés, qui peut s’avérer excessive, compte tenu de la forte incertitude des débits de pointe.

Définition

On suppose que l’incertitude des mesures de débits est connue. En tout point d’évaluation i , le débit observé est défini par une fonction de répartition à partir de laquelle le débit moyen qi, l’écart

type σqiou bien tout xèmecentile qixt hpeuvent être calculés. Un intervalle de confiance du débit peut

ainsi être défini.

On définit l’erreur de modélisation ǫmod,ien un point i à partir de la distance di[m3.s−1] entre la

simulation ˜qiet l’intervalle de confiance du débit observé :

ǫmod,i= di

σmod,i (4.7)

σmod,i[m3.s−1] - appelé borne de modélisation au point i - correspond à la distance limite de l’inter-

valle de confiance au point i jugée comme acceptable pour prévision par l’utilisateur. La définition

de σmod,i permet de fixer un seuil de tolérance des erreurs de modélisation spécifique à chaque pas

de temps. σmod,i définit spécifiquement la contrainte imposée par la calibration pour rapprocher les

résultats du modèle de l’intervalle de confiance du débit observé (voir figure 4.2.

En outre, la définition de l’erreur de modélisation est parlante : si ǫmod,i < 1, l’erreur de modéli-

sation est considérée comme acceptable, alors que si ǫmod,i > 1, les attentes de l’utilisateur ne sont

pas respectées par la simulation ˜yi, et une erreur de modélisation est détectée. Finalement, le vec-

teur Σmod = (σmod,i) définit une région d’acceptabilité autour de l’intervalle de confiance du débit

observé pour la prévision du débit. La fonction objectif proposée est nomméeDischarge Envelop Catching (DEC), en référence à cette propriété.

Le vecteur Emod= (ǫmod,i) consiste en l’évaluation globale des erreurs de modélisation. On choi-

FIGURE4.2 – Illustration de la définition du modèle d’erreur ǫmod,i

ainsi limiter la faible représentativité de la moyenne, due aux auto-corrélations et au caractère hé- téroscédastique des erreurs. On préfère également cette considération aux transformations citées dans la partie bibliographique, car elle évite l’ajout de paramètre de transformation. Enfin, choisis- sant Emod90t h, on priorise finalement la minimisation des erreurs de modélisation particulièrement

grandes.

DEC = Emod90t h (4.8)

Illustration

Pour illustrer la fonction objectif DEC, et mettre en évidence les différences avec d’autres fonc- tions objectifs, on représente à la figure 4.3 lesiso-contours des erreurs de modélisation relatifs à plusieurs fonctions objectifs :a) le répandu NSE (tableau 4.1, équation (i)) ; b) le mNSE intégrant simplement les incertitudes des débits d’observation (tableau 4.1, équation (iv)) ;c) l’approche d’ac- ceptabilité présentée par Liu et al. [2009] (cf § 4.2.2) ; et finalementd) le DEC (eq. 4.8).

Les iso-contours des erreurs de modélisation (nommés par simplicité par la suite "iso-contours") relient par le tracé d’une ligne les points autour de l’hydrogramme pour lesquels la prévision du débit en ces points aura le même impact sur la fonction objectif. Les iso-contours donnent une représen- tation graphique de la fonction objectif et soulignent ses hypothèses sous-jacentes. Successivement, on observe à la figure 4.3 :

— en haut à gauche (a), les iso-contours relatifs au NSE. Ils sont équivalents également à ceux relatifs au BE (tableau 4.1, équation (iii), Schaefli and Gupta [2007]), ou tout autre fonction ob- jectif définissant les erreurs de modélisation comme égales ou proportionnelles aux résidus. On peut remarquer que les lignes se rapprochent au niveau des pics, imposant des erreurs re- latives moindres sur cette partie de l’hydrogramme. Superposant l’intervalle de confiance du débit observé aux iso-contours, on remarque alors que la fonction objectif contraint la modéli- sation au niveau des pics avec une précision trompeuse. Les iso-contours sont à l’intérieur de l’intervalle de confiance montrant que la fonction objectif (NSE, BE, ...) détecte des erreurs de modélisation là où l’incertitude des observations ne permet pas de conclure.

— en haut à droite (b), les iso-contours relatifs au mNSE (tableau 4.1, eq (iv)). Dans cette fonction objectif, l’incertitude des observations est utilisée pour la pondération des résidus. La calibra- tion est orientée vers les observations les plus précises. Les iso-contours sont illustratifs de la définition : de plus larges erreurs de prévisions sont tolérées lorsque les données ne sont pas

FIGURE4.3 – Iso-contours des erreurs de modélisation pour différentes fonctions objectifs : a) NSE (tableau 4.1,

eq (i)) ; b) mNSE (tableau 4.1, eq (iv)) ; c) Liu et al. [2009] (§4.2.2) ; d) DEC dans le cas spécifique où les bornes

de modélisation sont fixées à une constante (30 m.3.s−1)

précises. A l’inverse, la fonction objectif force une très bonne reproduction des observations certaines. On remarque assez bien visuellement les limites de la méthode, lorsque les données incertaines correspondent également aux objectifs de calibration (ici la prévision des pics de crue).

— en bas à gauche (c), les iso-contours relatifs à la fonction objectif proposée par Liu et al. [2009]. Ils sont également représentatifs de la fonction objectif définie par McMillan et al. [2010]. La représentation est assez particulière car les valeurs des erreurs de modélisation sont limités à une valeur maximale. Cette valeur maximale est assignée à toutes les prévisions situées en dehors de l’intervalle de confiance du débit. Finalement avec ces fonctions objectifs, la calibra- tion est principalement influencée par le nombre de points de prévision présentant une erreur maximale, c’est-à-dire étant situés en dehors de l’intervalle de confiance des observations. — en bas à droite (d), les iso-contours relatifs au DEC, dans le cas particulier où les bornes de

modélisation sont fixées à une constante. Les iso-contours illustrent comment DEC combine la prise en compte des incertitudes des débits observés et des attentes de l’utilisateur (encap- sulées dans la définition de Σmod). Les iso-contours entourent l’intervalle de confiance des dé-

bits observés, montrant qu’aucune erreur de modélisation n’est détectée à l’intérieur de cette intervalle. σmod,i étant choisi constant, les iso-contours illustrent le cas où DEC contraint de

manière équivalente la calibration autour de l’enveloppe. En réalité, le rapprochement des iso- contours peut être modifié et adapté via la définition de Σmod.

Remarques

McMillan et al. [2010], réside dans la considération des attentes du modèle. Il nous a paru important d’évaluer la performance du modèle compte tenu de ses hypothèses. En effet, de la même manière qu’on ne peut pas exiger une exacte reproduction du débit mesuré alors que la mesure est incertaine, on ne peut exiger que le modèle ait la même précision que les mesures. En d’autres termes, ce n’est pas parce que le débit est observé précisément que le modèle a la capacité de toujours aboutir à une prévision avec la même précision.

Remarque 2 : La considération additionnelle de l’incertitude des débits et de l’incertitude liée aux hypothèses du modèle peut également être réalisée en utilisant une approche Bayésienne, où un modèle d’erreur est défini pour chaque source d’incertitude de façon indépendante (exemple, Huard and Mailhot [2008]). On préfère toutefois la combinaison des deux sources d’incertitudes proposée par DEC, en ce que les erreurs de modélisation sont alors calculées en tenant compte des incertitudes d’observations. On suppose ainsi que l’incertitude du modèle est aussi tributaire des incertitudes sur les données utilisées pour la calibration.

Intégration de la fonction coût DEC dans une méthode de calibration

Afin d’éviter l’utilisation d’un seuil, on définit la probabilité de bonne prévision de la simulation s à partir de l’équation :

Ps∝ exp¡−DEC2s¢ (4.9)

A noter que la décroissance exponentielle reste toujours un choix subjectif, néanmoins il permet de prioriser de manière significative les simulations au DEC significatif.

Choix des événements de calibration

Parmi les méthodes présentées pour la sélection des événements de calibration, la méthode pro- posée par Beven and Smith [2015] semble plus rigoureuse en ce qu’elle permet de distinguer les évé- nements atypiques de ceux aux observations douteuses. Cependant, elle nécessite un nombre consé- quent d’événements pour le calcul de scores statistiques. Malgré une banque de données d’événe- ments de crues éclair importante au vu de leur rareté d’apparition, nous ne disposons sur chaque bas- sin versant que de quelques événements. Des tentatives de classification sont alors sans succès, tant chaque événement apparaît comme un cas particulier. La méthode proposée par Beven and Smith [2015] n’est donc pas applicable dans notre étude.

On considère ainsi la démarche proposée par Garambois et al. [2015]. Chaque événement res- pectant un coefficient de ruissellement inférieur à 1 sera calibré individuellement. Les événements montrant une calibration atypique et un score de vraisemblance maximal faible seront écartés.

4.3.3 Validation de la méthode DEC

La méthode de calibration - DEC - proposée a fait l’objet d’une validation pour la calibration de la version originale de MARINE [Douinot et al., 2016a]. Les résultats de calibration obtenus avec DEC sont comparés successivement à ceux obtenus avec : i)la méthode GLUE ; ii) l’approche d’ac- ceptabilité de Liu et al. [2009] ; i ii) une méthode utilisant une pondération des erreurs quadratiques, fonction des incertitudes de la série hydrométrique, pour définir la fonction coût [Croke, 2007]. La

comparaison concerne aussi bien la paramétrisation obtenue, et la sensibilité du modèle déduite, que les performances générales en termes de reproduction des hydrogrammes de crues. Le bassin versant du Gardon et 14 événements de crues éclair sont utilisés pour cette validation.

Les résultats montrent une consistance des calibrations en ce que les jeux de paramètres obtenus a posteriori diffèrent peu d’une méthode à l’autre. De plus les performances du modèle en termes de Nash, sont assez similaires. La méthode DEC présente tout de même des scores sensiblement meilleurs. Une analyse détaillée montre des divergences dans la répartition des erreurs rémanentes de simulation, illustrant les tendances respectives différentes dans la minimisation des erreurs. Les faibles différences des fonctions de distributions a posteriori sont alors interprétable. La visualisation des erreurs a priori de modélisation permet de révéler les points cruciaux de modélisation du point de vue de chaque méthode. Au regard des points cruciaux de la prévision des crues éclair, la méthode DEC apparaît comme mieux adaptée. Les résultats de prévision pour les hauts débits reflètent cette meilleure adéquation car plus satisfaisant vis-à-vis des autres méthodes.

4.4 Article "Modelling errors calculation adapted to rainfall – runoff mo-