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Chapitre I : Ligands des récepteurs de neuropeptides à séquence RFamide

1. Stratégie pharmacochimique de développement de nouveaux ligands

des biologistes. Ces derniers réalisent les études préliminaires permettant de déterminer une protéine cible impliquée dans une pathologie donnée.

Les protéines cibles peuvent être de nature variée : enzymes, récepteurs, transporteurs, canaux ioniques. Le premier objectif est de trouver des ligands capables de se lier à ces cibles. Ces composés doivent être le plus sélectif possible afin d’obtenir des outils efficaces. Avant l’avènement de la biologie moléculaire, les tests utilisaient du matériel natif (synaptosomes de cerveau de rat, enzymes isolées et purifiées à partir de différents tissus, etc). Les tests in vitro actuellement développés utilisent des protéines recombinantes produites par clonage et surexpression. Cela implique qu’il y ait majoritairement un type spécifique de protéine exprimée et dans la majorité des cas sous la forme de monomère ou d’homodimère, mais ces formes ne sont pas nécessairement présentes à l’état natif.

En fait les récepteurs à l’état naturel, existent rarement sous la forme de monomère, mais plutôt sous forme hétérodimérique (association avec un autre récepteur). Il peut alors exister un très grand nombre de combinaisons possibles avec les RCPG’s, les récepteurs canaux, etc.

Ainsi aujourd’hui les tests de criblage à moyen/haut débit sont effectués à partir de protéines recombinantes, car il faut pouvoir bénéficier de quantités importantes de matériel biologique pour la phase de criblage. Cependant ceci reste un système modèle à utiliser avec précaution en ce qui concerne les résultats obtenus.

Les "hits" identifiés via un criblage sur protéine recombinante seront validés, si possible, à l’aide d’un test cellulaire utilisant du matériel biologique natif (synaptosomes, coupe de cerveau de rat,…) ou directement in vivo.

Lorsque qu’un test de criblage in vitro est validé, deux grandes stratégies pharmacochimiques peuvent être employées pour découvrir et développer un nouveau ligand : le criblage systématique et la conception rationnelle.

Le criblage peut se faire principalement de deux manières. La plus couramment utilisée repose sur la mesure d’affinité des composants d’une chimiothèque. Cette chimiothèque contient généralement des molécules de structures et d’origines variées : produits naturels, médicaments, composés de synthèse,… Les composés peuvent également être criblés in-silico. La méthode consiste à modéliser informatiquement la cible en 3D, à partir de sa séquence peptidique et d’éventuelles structures cristallisées. Une fois les propriétés du site actif connues (taille, acide-aminés présents), les molécules sont criblées in silico à partir de chimiothèques virtuelles.

La seconde stratégie employée est la conception rationnelle d’un ligand à partir du ligand endogène.

Dans le domaine des ligands endogènes neuropeptidiques, l’une des hypothèses est qu’une partie du peptide sert à l’adressage, c’est à dire qu’il favorise la mise en contact entre le récepteur et son ligand. Un autre fragment est, quant à lui, un message permettant d’induire une reconnaissance permettant une interaction avec le site actif suivie éventuellement d’une cascade réactionnelle au sein de la cellule. C’est la détermination de la partie message qui est importante pour pouvoir concevoir un ligand de façon rationnelle.

Deux méthodes d’analyses des peptides sont couramment utilisées pour déterminer le fragment essentiel à l’affinité : la délétion des acides-aminés et l’alanine scan (Ala-scan). Un fragment minimum au maintien de l’affinité pourra être déterminé, en retirant progressivement les acides-aminés composants le ligand endogène. L’Ala-scan est le remplacement un par un de chaque acide-aminé par une alanine, afin de déterminer quelles chaînes latérales sont impliquées dans la liaison au récepteur.

Le petit peptide tronqué (2 à 5 résidus) ainsi obtenu peut être optimisé au niveau de ses chaînes latérales et/ou par l’introduction de groupements en partie C et N-terminale (interactions additionnelles).

Ces petits peptides présentent l’avantage de conduire lors de la métabolisation à des acides aminés facilement éliminable par l’organisme. De ce fait une faible toxicité est souvent observée.

Les peptides sont difficiles à administrer par voie orale car ils passent mal la paroi digestive. De plus ils sont sensibles à l’hydrolyse enzymatique et leurs grandes flexibilités conduites dans certains cas à un manque de sélectivité. Pour s’affranchir de ces inconvénients, plusieurs modifications peuvent être réalisées. On retrouve principalement l’inversion de la

configuration des acides aminés (passage de L en D), des remplacements isostériques et des rigidifications au niveau des chaînes latérales ou du squelette peptidique, qui vont conduire à des structures peptidomimétiques4 (composés non peptiques mais ayant maintenu une bonne affinité pour le récepteur).

L’optimisation d’un "hit" ou composé chef de file est réalisée à partir de tests in vitro jusqu’à obtenir idéalement un composé avec une affinité nanomolaire.

Les diverses modifications structurales apportées vont permettre de comprendre les interactions mises en jeu lors de la liaison de cette molécule à la protéine cible (liaison hydrogène, interaction hydrophobe ou ionique, gêne stérique…) et d’augmenter la sélectivité vis-à-vis de récepteurs apparentés. Un test de fonction permettra de déterminer si le composé synthétisé possède un caractère agoniste ou antagoniste. Un agoniste est une molécule qui joue le même rôle biologique que le ligand endogène. Un antagoniste est un composé allant se fixer dans le site actif de la cible et empêche la fixation du ligand endogène. Cependant ce ligand synthétique maintient le récepteur dans un état inactivé (pas d’induction de changement conformationnel du complexe ligand-récepteur).

Si le composé rempli tous les critères désirés (affinité, sélectivité et fonction), il est retenu comme "hit" optimisé pour une première évaluation in vivo. Si le composé est actif in vivo, il prend le statut de "lead". La recherche se poursuivra vers l’optimisation des propriétés pharmacologiques et pharmacocinétiques du "lead". Différents paramètres peuvent être modulés pour augmenter, si nécessaire, la solubilité, le temps de demi-vie et la biodisponibilité. Certains effets secondaires indésirables peuvent dans un premier temps être évalués in vitro, en testant la molécule sur différents récepteurs connus. Par exemple, la fixation du composé synthétisé aux canaux hERG induit l’arrêt immédiat du développement de cette molécule, car toute inhibition de ces canaux ioniques provoque une forte arythmie cardiaque.

Nous verrons plus tard que cette stratégie a été utilisée pour l’obtention du premier ligand dipeptidique d’affinité nanomolaire pour GPR54 (chapitre II) et pour l’obtention d’hétérocycles ligand de NPFF1/2(chapitre III).

Figure 1 : Démarche rationnelle pour la synthèse de ligand nanomolaire à partir du ligand endogène Peptideendogène Délétion en partie C et N-terminale Alanine scan Fragment minimum Petit peptide chef de file Optimisation chaînes latérales Optimisation parties C et N-terminale Ligand peptidique nanomolaire Analogues (semi)-rigides Isostérie Peptidomimétique Ligand non peptidique Modification du squelette 28

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