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Nous estimons les effets du Brexit à partir des données sur la période 2012-2015. Nous commençons à l’année 2012, pour s’assurer que les effets de la crise économique de 2008-2009 aient été absorbés pour la plupart des pays, et terminons en 2015, l’année précédant le

vote du Brexit. Le système d’équations (2) et (3) peut être résolu avec {Πit, Pjt} à un scalaire

près, ce qui implique qu’une normalisation est nécessaire (Anderson and Yotov,2010). Pour

cela, nous choisissons les États-Unis comme pays de référence, c’est-à-dire que le terme de

résistance multilatérale intérieure pour ce pays est normalisé à 1: PEtats−U nis=1 pour toutes

les années et tous les groupes de produits. Les États-Unis sont un partenaire commercial important pour tous les pays de notre base de données, y compris le Royaume-Uni. Dans notre base, les États-Unis ont le commerce le plus équilibré pour les produits alimentaires. La statégie d’estimation présentée dans cette section utilise des données observées ainsi que

des données non-observées, sur les flux domestiques (Xiit) et les flux inter-régionaux dont

le calcul est explicité dans la Section4.

(1) Calcul des valeurs de référence.

La première étape est le calcul des valeurs de référence pour les variables du modèle. Nous

estimons l’équation (5) sur l’ensemble de flux commerciaux (internationaux et domestiques)

dans la période étudiée. Nous utilisons les valeurs estimées des paramètres bβ1 à bβ4 et cδmet

des effets fixes importateur-année et exportateur-année,χcjt et cψit, pour calculer les valeurs

de référence des termes de résistance multilatérale, Pjt et Πit13. Les valeurs de référence

des dépenses et des revenus annuels, EjtR et YitR, sont obtenues en imposant les contraintes

budgétaires (EjtR =P

hXhjt) et l’égalité de l’offre et de la demande (YR

it =P

lXilt) pour chaque

pays. La valeur estimée de l’élasticité de substitution σ n’étant pas toujours statistiquement significative, nous choisissons de fixer σ en cohérence avec les valeurs que l’on trouve dans

la littérature empirique sur les échanges de produits agricoles et alimentaires14. Dans cette

dernière, il n’y a pas de consensus concernant la valeur de l’élasticité de substitution. Cette valeur dépend du niveau d’agrégation et, pour l’alimentaire, varie en moyenne entre 3,13 et

7,84, selon la méthode économétrique utilisée (Raimondi and Olper, 2009). Citons

égale-ment Hertel et al.(2007) qui estiment les élasticités de substitution de tous les secteurs et obtiennent une moyenne simple de 7,0 (pour une agrégation à 5 chiffres et 40 groupes de marchandises). Nous prenons donc une valeur alignée sur celles utilisées dans la littérature,

13. Ce calcul est basé sur le fait que bψit= YitR·ΠRitσ −1etχbjt= EjtR·PjtRσ −1.

14. En effet, le modèle ne converge pas pour les valeurs d’élasticité de substitution σ estimées. La plus petite valeur pour laquelle le modèle converge est σ = 7, et l’on obtient des résultats très similaires pour les valeurs

à savoir σ = 7. Cette valeur nous permet de parvenir à la convergence de l’équilibre général (détaillée dans la suite), pour tous les scénarios, ce qui n’est pas le cas pour des σ inférieurs. Afin de vérifier la robustesse de ce choix, nous reproduisons les estimations et simulations pour σ = 5 et σ = 9, et nous comparons les coefficients et les résultats avec ceux obtenus

pour σ = 7. Nous discutons ce test et ces résultats dans la Section5.1.

(2) Scénarios des futures politiques commerciales.

Il n’y a, à l’heure actuelle, aucune certitude quant aux débouchés des négociations des ac-cords commerciaux entre le Royaume-Uni et ses partenaires. Ainsi, nous souhaitons simuler des cas extrêmes, ce qui permettra de donner des fourchettes d’impacts. Les accords merciaux se traduisent par des augmentations ou des diminutions des différents coûts com-merciaux. Nous définissons nos scénarios par des variations des coûts à l’échange entre le

Royaume-Uni et ses partenaires,i.e. l’Union Européenne (incluant la France et la Bretagne)

et le reste du monde. Nous proposons deux débouchés possibles pour les relations commer-ciales du Royaume-Uni avec les pays de l’Union Européenne, correspondant à des nouveaux niveaux de droits de douane et distances réglementaires de MNT: un accord de libre-échange

proche du status quo ou un retour aux règles de l’Organisation Mondiale du Commerce

(OMC), avec l’introduction des droits de douanes et des mesures non-tarifaires égaux à ceux

imposés aux partenaires du régime de la nation la plus favorisée15. Pour chacun de ces

cas, nous considérons également deux hypothèses sur les futures relations commerciales du Royaume-Uni avec les pays tiers: soit une réplication des accords actuels de l’Union Eu-ropéenne, soit des accords commerciaux préférentiels avec les principaux partenaires extra-européens du Royaume-Uni et un retour aux règles de l’OMC pour le reste des pays. Un

dernier scénario suppose une libéralisation totale et unilatérale du marché britannique,i.e.

des droits de douane nuls sur les importations en provenance de tous les partenaires. Des

nouveaux droits de douane d’importation prévisionnels, applicables dès le 1erjanvier 2021,

ont été annoncés par le Royaume-Uni le 19 mai 202016. Il s’agit d’un “UK Global Tariff”

ou UKGT, qui remplacera le “Tarif Douanier Commun” (TDC) et qui s’appliquera sur tous

les produits d’importation du Royaume-Uni exportés par des pays avec lesquels il n’a pas d’accords commerciaux. Les droits de douane seront plus faibles que ceux actuellement en vigueur. L’objectif de ce UKGT est de faciliter les échanges commerciaux avec le Royaume-Uni en allégeant les charges administratives liées aux droits de douane. En particulier, tous les droits de douane inférieurs à 2% seront ramenés à zéro. Les changements sont de qua-tre types: libéralisation (droits de douane réduits à zéro), simplification (droits de douane arrondis vers le bas ou tronqués), réduction (abaissés par rapport aux droits de douane

15. Le régime de la nation la plus favorisée (MFN - Most Favored Nation) correspond au plus haut niveau de protection commerciale qu’un pays impose à ses partenaires commerciaux. Les partenaires avec lesquels le pays a négocié un accord commercial (une zone de libre échange, une union douanière ou un niveau plus élevé d’intégration économique) jouissent d’un meilleur niveau d’accès au marché, traduit par des droits de douane plus bas, voire nuls, et des mesures non-tarifaires similaires, voire identiques, à celles imposées aux producteurs domestiques.

actuels, mais au-delà de la simplification), conversion de devises (conversion des euros en GBP seulement). Bien que de nombreux droits de douane aient varié, ils concernent princi-palement le secteur non alimentaire, et les changements sont pour la plupart très faibles. En effet, le gouvernement britannique maintient des droits de douane sur un certain nombre de produits soutenant les industries britanniques telles que l’agriculture, l’automobile et la

pêche. Comme évoqué au ChapitreII, l’UKGT entraînera l’absence de droits de douane sur

47% du nombre de produits importés au Royaume-Uni (contre 27% avec le TDC de l’Union

Européenne), en cas d’absence d’accord commercial. Le Tableau1résume les cinq scénarios

retenus. Chaque scénario correspond à un niveau hypothétique (contrefactuel) des coûts

aux échanges τijtCFL. Le calcul de ces coûts contrefactuels est détaillé dans la Section 4.1 et

le Tableau A2 dans les annexes. Les scénarios concernant le rétablissement total ou

par-tiel des contrôles douaniers et des mesures non tarifaires entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, ou entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne ne sont pas traités ici. Ainsi nous ne traitons pas la possibilité de la concurrence de pays tiers exportant des bi-ens agro-alimentaires répondant à des normes sanitaires moins contraignantes vers l’Union

Européennevia l’Irlande du Nord.

(3) Équilibre partiel.

Nous nous intéressons d’abord aux effets directs des changements en termes de politique commerciale, induits par le Brexit. En équilibre partiel, on estime les effets en supposant

que les dépenses et les productions de chaque pays, Ejt et Yit, restent inchangées. Chaque

scénario introduit une évolution des coûts aux échanges bilatéraux, de τijt à τijtCFL, qui

im-plique une modifications des restitances multilatérales. Nous régressons les flux commerci-aux observés sur les coûts commerci-aux échanges contrefactuels spécifiques à chaque scénario:

Xijt = τijtCFL1−σ·ψP Eit ·χP Ejt ·εijt (6)

et utilisons les valeurs estimées des effets fixes exportateur-année et importateur-année, dψP Eit

et dχP Ejt , pour calculer les nouvelles valeurs des RML17. Par l’utilisation directe des coûts

aux échanges contrefactuels τijtCFL dans l’équation (6), nous conservons inchangés les effets

marginaux de toutes les composantes des coûts aux échanges18. Pour chaque scénario, le

niveau des flux bilatéraux en équilibre partiel correspond alors à la valeur prédite par le modèle:

XijtP E = τijtCFL1−σ· dψP Eit · dχP Ejt =τijtCFL1−σ·YitRΠP Eit σ −1·EjtRPjtP Eσ −1 (7) Nous pouvons ensuite calculer les valeurs contrefactuelles en équilibre partiel des variables du modèle correspondant à chaque scénario.

17. ΠP Eit =  d ψP Eit /YitR  1 σ −1 et PjtP E=  d χjtP E/EjtR  1 σ −1 .

18. Les paramètres β1à β4et δmutilisés dans le calcul des coûts aux échanges contrefactuels τijtCFLsont égaux à leur valeur initiale estimée sur les valeurs observées.

(4) Équilibre général.

Dans cette dernière étape nous calculons les effets indirects des différents scénarios de Brexit en intégrant les ajustements en termes de prix. En effet, il s’agit d’un équilibre général car on permet aux prix en sortie d’usine de répondre aux variations des RML elles mêmes induites par la variation des coûts à l’échange. Ainsi, le changement des coûts aux échanges entraîne une variation des RML, donc une variation des prix en sortie d’usine, qui modifient

la valeurs des dépenses Ejt et revenus Yit. Pour obtenir ces nouvelles valeurs de dépense et

de production nous utilisons les valeurs des flux en équilibre partiel et imposons le respect des contraintes budgétaires et l’égalité de l’offre et de la demande. Nous recalculons les

RML selon les équations (2) et (3), en utilisant les valeurs ajustées des dépenses et revenus

et le niveau contrefactuel des coûts aux échanges. Les nouvelles valeurs des variables sont

injectées dans l’équation (1) et la procédure est répétée jusqu’à convergence des prix sortie

d’usine. Ces derniers s’ajustent en fonction des nouveaux coûts aux échanges jusqu’à ce

que les contraintes d’équilibre du modèle soient respectées: les équations (1) à (3), plus les

contraintes budgétaires et l’égalité de l’offre et de la demande (Yotov et al., 2016). Nous

obtenons ainsi le niveau des flux commerciaux (internationaux et domestiques) qui prend en compte les effets indirects de la variation des coûts aux échanges sur toutes les variables du modèle:

XijtGE = τijtCFL1−σ·YitGEΠGEit σ −1·EjtGEPjtGEσ −1 (8)

Plus précisément, puisque tous les scénarios ne convergent pas pour certains groupes de produits, nous gardons, pour chacun des groupes, uniquement les variables statistiquement

significatives19 dans les estimations de la première étape (calcul des valeurs de référence).

Cette restriction est nécessaire pour estimer les effets des cinq scénarios contrefactuels sur les variables du modèle.

On utilise la structure du modèle pour calculer les ajustements des pays au nouvel environ-nement commercial en termes d’indices de prix (résistances multilatérales), de production et de niveau de dépense. Enfin, nous entrons ces résultats dans le modèle et calculons le niveau final des flux commerciaux contrefactuels sous chaque scénario. L’évolution des flux commerciaux sous chaque scénario comparée aux flux observés permet de donner une idée de l’amplitude des effets du Brexit sur le commerce international, pour les produits agro-alimentaires. Nous appliquons cette stratégie pour chaque groupe de produits g. Pour la simplicité de l’exposé nous avons omis l’indice g indiquant le groupe de produits échangés.

Tableau 1: Scénarios proposés

Accords commerciaux entre le RU et l’UE

(i) FTA type CETA+ (ii) Règles OMC

Accords commerci-aux entre le RU et ses partenaires hors UE (a) Réplication des accords de l’UE avec les pays tiers; règles

de l’OMC avec les partenaires

hors UE

FTA RU-UE et réplication des FTA de

l’UE (S1)

RU“forteresse” (S2)

(b) PTA avec les principaux partenaires hors

UE ; règles de l’OMC avec le

reste

FTA RU-UE FTA et PTA avec les principaux partenaires

hors UE (S3)

PTA avec les principaux partenaires hors UE et règles OMC

avec le reste (S4)

Libéralisation totale du marché britannique (S5)

Notes: FTA : Free Trade Agreement, PTA : Preferential Trade Agreement, CETA : Comprehensive Economic and Trade Agreement

4 Données internationales, françaises et bretonnes

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