• Aucun résultat trouvé

Vulnérabilité des exportations via les coûts à l’échange.

Nous avons vu que la Bretagne est nette exportatrice de produits alimentaires vers le Royaume-Uni. Les coûts d’accès au marché britannique, pour les produits bretons exportés, sont susceptibles d’augmenter, notamment suite à l’introduction potentielle de droits de douane et au rétablissement des contrôles douaniers aux frontières. Par exemple, à l’heure actuelle, des certificats sanitaires doivent accompagner tous les produits d’origine animale introduits dans l’Union Européenne en provenance d’un pays tiers. Ils sont également soumis à un contrôle documentaire. Il est aussi vérifié que le produit, les marques de salubrité, les tampons et les autres informations nécessaires sur le produit et l’emballage sont conformes à la déclaration sur les certificats sanitaires et à la législation de l’Union Eu-ropéenne. Si, à l’avenir le Royaume-Uni devient un pays tiers sans accord commercial avec l’Union Européenne, non seulement ces contrôles douaniers seront rétablis pour les impor-tations européennes en provenance du Royaume-Uni, mais aussi potentiellement pour les exportations européennes vers le Royaume-Uni. De même, les coûts de dédouanement pour-raient augmenter pour certains produits alimentaires en raison de la nécessité de contrôles frontaliers supplémentaires pour garantir le respect des réglementations de l’importateur (Union Européenne ou Royaume-Uni) en matière de sécurité alimentaire et de santé animale et végétale. Le dédouanement donne lieu à deux sources de surcoûts: les frais de dédouane-ment en tant que tels et le retard pris lors du dédouanedédouane-ment des marchandises. Ces surcoûts

pourront être minimisés mais difficilement évités (cf. détails dansMatthews,2017b). Cette

augmentation des coûts à l’échange va entraîner des modifications des flux commerciaux, non seulement entre le Royaume-Uni et ses partenaires, mais également de façon indirecte

entre les partenaires,via par exemple le report des flux à destination du Royaume-Uni vers

d’autres marchés. Par ailleurs, les nouveaux accords qui seront conclus par le Royaume-Uni pourraient réduire des coûts d’accès au marché britannique pour d’autres pays et régions, en renforçant davantage la concurrence entre ces derniers et les produits bretons. Dans la

Sec-tion3nous modélisons l’évolution des coûts aux échanges par une variation du niveau des mesures tarifaires (droits de douane) et mesures non tarifaires (MNT) entre le Royaume-Uni est ses principaux partenaires.

Des coûts de production faiblement impactés.

En plus des impacts sur les exportations, la variation des coûts à l’échange pourrait im-pacter les coûts des produits importés par les IAA bretonnes. En effet, certains intrants non alimentaires font partie des consommations intermédiaires de la production alimen-taire, par exemple des emballages et des cartons. Dans le cas breton, l’augmentation des coûts à l’échange post-Brexit pourrait engendrer l’augmentation des coûts de ces produits intermédiaires et donc des coûts de production de l’alimentaire breton. Cependant, les IAA bretonnes importent peu d’intrants du Royaume-Uni – ils ne font pas partie des premiers postes d’importation de la Bretagne – on ne s’attend donc pas à une hausse des coûts de

production des produits alimentaires bretons. La Figure A8en annexe présente les

impor-tations de la Bretagne en provenance du Royaume-Uni, tous secteurs confondus, même hors alimentaire. Le poisson représente le premier poste d’importation de la Bretagne (19,3%), suivi par la viande (7,2%) et les biscuits (5,7%). Les emballages en plastique en provenance du Royaume-Uni ne comptent que pour 1,0% des importations de la Bretagne.

Une période de transition entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne.

Un accord sur le Brexit a été conclu entre le premier ministre du Royaume-Uni, Boris John-son, et l’Union Européenne le 17 octobre 2019. La première phase du Brexit est un accord de sortie suivi d’une période de transition, et non un accord de relations commerciales. La sortie est effective depuis le 31 janvier 2020. La période de transition, du 31 janvier au 31 décembre 2020 prévue par l’accord de divorce, a pour but d’éviter une rupture brutale pour l’économie. En effet, rien ne change concrètement pendant cette période. Le Royaume-Uni reste bénéficiaire des accords commerciaux de l’Royaume-Union Européenne: les échanges entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne continuent sans aucun coût supplémentaire. Mais une nouvelle phase périlleuse s’annonce pour les mois, voire les années à venir: celle des complexes négociations sur la future relation commerciale avec le bloc européen, princi-pal partenaire commercial des Britanniques, pour l’après période de transition. Elles sont censées aboutir avant la fin 2020.

Nouveaux accords entre le Royaume-Uni et les pays tiers.

Le Royaume-Uni devra également négocier des accords avec les pays tiers (hors Union Eu-ropéenne). L’Union Européenne a à son actif environ 40 accords de libre échange, couvrant plus de 70 pays. En tant que membre de l’Union Européenne, le Royaume-Uni n’était pas autorisé à négocier et signer indépendamment des accords commerciaux, mais pouvait com-mercer avec de nombreux pays avec des droits de douanes préférentiels, voire nuls, et en

présence de mesures non tarifaires peu contraignantes. Depuis le jour du Brexit (“Brexit

ac-cords. Le Royaume-Uni a ainsi signé 20 accords de “continuité” couvrant 50 pays ou

terri-toires, et environ 8% du commerce britannique total. Le Royaume-Uni a par ailleurs signé

des accords avec les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle Zélande, mais il s’agit d’“accords

de reconnaissance mutuelle” et non d’accords de libre échange. La reconnaissance mutuelle

permet notamment d’améliorer les débouchés commerciaux et de fluidifier le commerce en-tre les signataires. Ce type d’accord engendre également d’importantes économies grâce aux contrôles accélérés et des formalités administratives allégées au moment du

dédouane-ment9. Des opportunités commerciales semblent se développer entre le Royaume-Uni et les

États-Unis, mais aussi avec les 53 nations du Commonwealth (y compris l’Inde, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande), qui représente 2,7 milliards d’habitants et un PIB simi-laire à celui de l’Union Européenne, selon le Fond Monétaire International (FMI).

La question des frontières irlandaises.

Les modalités de la frontière entre les deux Irlandes est l’un des points clés des négociations. La situation de l’Ulster et de la Répuplique d’Irlande est délicate. D’un côté, le maintien d’une frontière trop souple serait intenable, car le Brexit va transformer la frontière entre les deux Irlandes en une frontière extérieure de l’Union Européenne. N’exercer aucun contrôle reviendrait à faire de l’Irlande une porte d’entrée détournée vers l’Union Européenne. On

parle aussi de“cheval de troie” qui pourrait engendrer notamment l’importation de matières

premières agricoles dans l’Union Européenne venant de pays tiers avec des normes sani-taires moins contraignantes. Mais à l’inverse, réimplanter des barrières strictes compromet-trait l’acquis fondamental de la paix et affaiblirait l’économie de l’île. Son histoire récente est marquée par trente années de guerre civile, qui se sont conclues avec l’accord du vendredi saint en 1998. Depuis, la frontière est devenue quasiment invisible. Avec le Brexit et le

re-tour d’une frontière stricte, de nouveaux troubles identitaires pourraient refaire surface10.

Le gouvernement britannique a annoncé en mai 2020 que, contrairement à de précédentes annonces, des contrôles douaniers post-Brexit seront probablement mis en place entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord pour certains biens, notamment agro-alimentaires. Ce protocole devrait éviter le retour d’une frontière physique sur l’île d’Irlande à la fin de la période transitoire post-Brexit, et ainsi minimiser l’apparition de conflits. Il est par ailleurs prévu que l’Irlande du Nord fasse partie du territoire douanier du Royaume-Uni. Mais si des marchandises y transitent avant d’entrer dans l’Union Européenne, les autorités

britan-niques devront alors appliquer les droits de douanes de l’Union Européenne11.

9. https://www.douane.gouv.fr 10. https://www.touteleurope.eu 11. https://www.capital.fr

3 Méthodologie et scénarios

Le présent travail vise à quantifier les effets de différents scénarios de politique commerciale sur les groupes de produits alimentaires exportés par la Bretagne. Les débouchés des négo-ciations étant incertains, nous souhaitons estimer les effets du Brexit selon cinq scénarios de politique commerciale en utilisant un modèle de gravité structurelle en équilibre général,

selon la méthode de Anderson et al.(2018). Nous allons considérer la Bretagne et le reste

de la France (hors Bretagne) comme deux pays distincts.

Documents relatifs