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Stratégie de ciblage du récepteur CD44

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PARTIE II : LES NANOVECTEURS CIBLANTS ET LEUR UTILISATION EN ONCOLOGIE

3. Ciblage actif et interaction hyaluronane récepteur CD44

3.3. Stratégie de ciblage du récepteur CD44

Nous venons de voir que le récepteur CD44 et son interaction avec le hyaluronane jouent un rôle prépondérant dans la tumorigènese. De nombreuses stratégies visant à bloquer l’interaction du hyaluronane avec le récepteur CD44 ont ainsi été développées. D’autre part la surexpression du récepteur CD44 dans de nombreuses tumeurs permet son ciblage par des transporteurs de molécules thérapeutiques utilisant du hyaluronane ou des anticorps. Ces deux approches ont été et sont encore largement étudiées. Les principales données de la littérature sont résumées dans [366, 367].

3.3.1. Anticorps CD44

Les principales stratégies utilisant des anticorps anti-CD44 ciblent l’isoforme CD44v6. Le premier anticorps développé est un anticorps monoclonal murin (VFF18), ciblant les carcinomes squameux [368]. Un autre anticorps monoclonal anti-CD44-v6, le BIWA-1, a été évalué en clinique chez des patients porteurs de carcinomes de la tête et du cou (HNSCC), montrant une forte captation tumorale et une demi-vie sanguine d’environ trois jours sans effet indésirable imputable au traitement [369]. Une version humanisée, le BIWA-4 ou bivatuzumab, a ensuite été développée [370] et a montré chez 10 patients avec un HNSCC que le traitement est bien toléré, cible les tumeurs primaires et les métastases et permet de stabiliser la maladie [371, 372].

Une prodrogue couplant la mersantine au bivatuzumab a été développée et évaluée en clinique. Le développement de nécrose épidermique ayant entrainé la mort à conduit à l’arrêt de son développement [373, 374]. Actuellement, l’anticorps anti-CD44, le RG7356 est en cours d’évaluation préclinique [375].

96 3.3.2. Liaison covalente de molécules thérapeutiques au hyaluronane

L’effet de molécules liant de façon covalente une chaine de hyaluronane à des molécules thérapeutiques a été évalué in vitro et in vivo dans de nombreux modèles tumoraux.

Le hyaluronane lié au sodium butyrate a montré in vitro son efficacité dans les lignées cellulaires de cancer du sein MCF-7 [376]. Son évaluation in vivo dans un modèle de métastases hépatiques a montré une forte diminution du développement de ces métastases [377]. Le couplage du hyaluronane au paclitaxel a été largement étudié in vitro [378-381] et a permis de diminuer la toxicité du paclitaxel dans des modèles in vivo de cancer de la vessie [382], d’améliorer le temps de circulation plasmatique et l’effet thérapeutique dans des modèles de tumeur de l’ovaire [383, 384]. Enfin un essai de phase II évaluant le couplage du hyaluronane à l’irinotecan dans le cancer colorectal métastatique, a mis en évidence une survie sans progression et un temps avant rechute plus long dans le groupe traité par hyaluronane-irinotecan que dans le groupe contrôle [385]. Une étude de phase III est actuellement en cours (ClinicalTrials.gov Identifier: NCT01290783).

3.3.3. Encapsulation au sein de nanovecteurs

Le hyaluronane peut être utilisé pour encapsuler de manière non covalente des molécules thérapeutiques. Dans cette approche, le hyaluronane est utilisé à la fois comme excipient et agent de ciblage. Saravanakumar et al. a développé une nanoparticule autoassemblée de 247- 356 nm dans laquelle le paclitaxel est encapsulé. Cette nanoparticule est internalisée de manière spécifique et montre une plus forte cytotoxicité dans les cellules (SCC)-7 exprimant le CD44 [380]. Des essais cliniques évaluant le 5-fluorouracil ou la doxorubicine combinés au hyaluronane ont montré une réponse tumorale au traitement et une bonne tolérance [386]. L’encapsulation de l’irinotécan dans le hyaluronane a également montré son efficacité dans le traitement du cancer colorectal et une réduction des effets indésirables [387].

L’encapsulation de molécules thérapeutiques peut également être réalisée au sein de nanoparticules coiffées de fragments de hyaluronane. Une grande diversité de transporteurs a été générée. Ils se distinguent par la nature du vecteur et la taille des fragments de hyaluronane. On retrouve notamment des micelles de hyaluronane-paclitaxel [388], des nanoparticules de

97 chitosan chargées avec du 5-fluorouracil [389], des particules de fer délivrant des peptides [390], des liposomes chargés avec la mytocyne ou la doxorubicine [391, 392].

Dans les CBNPC des lipoplexes ciblant le CD44 ont été testés dans la lignée A549 [393]. La même équipe a montré la capacité de liposomes DOTAP/DOPE modifiés avec le hyaluronane à délivrer des siRNA anti-télomérases dans les cellules A549 [394]. D’autres approches s’appuyant sur des liposomes coiffés de hyaluronane et ciblant le CD44 ont été développées [395-398] et permettent de le transport de la gemcitabine dans les cellules d’adénocarcinomes du pancréas [396, 397].

L’équipe de S. Lecommandoux a développé un polymersome ciblant le récepteur CD44 grâce au fragment de hyaluronane rentrant dans sa composition [225]. Une étude de toxicité menée avec ces particules vides a montré l’absence de toxicité et une dose maximum tolérée de 10 g/kg chez la souris. Ces polymersomes chargés avec du docetaxel [399] ont montré l’absence d’hémolyse, une augmentation de la demi-vie sanguine et une plus grande accumulation du docetaxel encapsulé par rapport au docetaxel seul dans les organes [399]. Des études menées avec ces vésicules chargées avec de la doxorubucine ont montré in vitro une meilleure captation cellulaire par rapport à la doxorubicine libre, une internalisation des particules chargées par les cellules corrélée avec l’expression du CD44 et une meilleure efficacité thérapeutique chez le rat porteur de tumeur mammaire par rapport à la doxorubicine seule [400]. Des résultats complémentaires obtenus chez la souris dans le modèle « Ehrlich ascite tumor », ont montré une croissance tumorale significativement retardée et une survie prolongée dans le groupe recevant la doxorubicine encapsulée [401].

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Objectifs

99 Nous avons vu dans cette introduction que le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer dans le monde. Les cancers bronchiques non à petites cellules représentent 80% des cancers du poumon et possèdent un pronostic extrêmement médiocre, avec une survie à 5 ans inférieure à 15%. Un des enjeux actuels est d’adapter le traitement du cancer du poumon pour proposer des thérapeutiques ciblées plus efficaces et moins agressives. Les inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase du récepteur de l’EGF (EGFR-TKI, gefitinib et erlotinib) constituent un réel progrès pour le traitement des cancers du poumon. Cependant, des mécanismes de résistance ont été décrits et des traitements combinés de thérapies ciblées avec des EGFR-TKI, bloquant simultanément plusieurs voies de signalisation pourraient permettre de surmonter les résistances dans les cancers du poumon.

Dans ce contexte, l’équipe a montré que l’AREG coopère avec le l’IGF1R pour induire une résistance à l’apoptose [402, 403] et contribue à la résistance aux EGFR-TKI dans les tumeurs pulmonaires [135, 137], en particulier les adénocarcinomes mucineux avec une mutation KRAS [50]. Des combinaisons d’EGFR-TKI avec des anti-AREG [50, 137], anti-IGF1R [50], ou des inhibiteurs d’histones déacétylases (HDACi) [137, 404] constituent ainsi de nouvelles approches thérapeutiques pour contourner cette résistance. Cependant les voies de signalisation mises en jeu et les partenaires cellulaires impliqués dans ces mécanismes dépendant de l’acétylation ne sont pas clairement identifiés.

Dans un premier temps, nous avons donc étudié les voies de signalisation impliquées dans la résistance aux EGFR-TKI et mises en jeu par la coopération AREG/IGF1R en lien avec les mécanismes dépendant de l’acétylation. Nous avons analysé l’activation de ces voies chez des patients atteints d’adénocarcinomes pulmonaires et in vitro dans des cellules d’adénocarcinomes pulmonaires avec un EGFR sauvage avec une mutation KRAS. Nous avons ainsi étudié l’impact de l’inhibition de ces voies sur la résistance aux EGFR-TKI.

Cette étude a également été élargie à différents modèles cellulaires de CBNPC et d’hépatocarcinomes (HCC) résistants aux thérapies ciblées, en particulier aux TKI. Nous avons ainsi étudié in vitro et in vivo le potentiel thérapeutique de combinaisons de traitements ciblés.

Les molécules thérapeutiques doivent atteindre spécifiquement le site tumoral, nécessitant parfois de les protéger contre leur dégradation, de réduire leurs effets indésirables, et de contrôler leur libération dans le temps et l'espace, à l’aide de transporteurs [405]. Les vecteurs de drogues peuvent cibler les cellules cancéreuses passivement ou activement. Le ciblage actif des tumeurs peut être réalisé par greffage d’un motif de ciblage sur les vecteurs contenant les agents thérapeutiques, permettant la reconnaissance d’antigènes ou de récepteurs surexprimés

100 au niveau des tissus cibles. Par conséquent, les nanovecteurs de médicaments offrent des améliorations majeures pour le traitement du cancer via leur spécificité à atteindre le site tumoral et la distribution efficace des agents anticancéreux [206].

Dans la deuxième partie de cette thèse, en collaboration avec l’équipe de S. Lecommandoux (CNRS UMR-5629, Bordeaux), nous avons évalué les capacités de ciblage de tumeurs pulmonaires de nanoparticules polymériques contenant une partie polysaccharidique, le hyaluronane, ligand du récepteur CD44 surexprimé dans certaines tumeurs. Nous avons comparé les voies systémique et pulmonaire pour l’administration des nanoparticules. Les combinaisons de molécules thérapeutiques que nous avons identifiées précédemment et permettant de contourner la résistance aux EGFR-TKI ont été chargées dans ces vecteurs et nous étudierons in vitro leur effet thérapeutique.

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Résultats

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