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I. Monocouches auto-assemblées de molécules organiques

II.I ntroduction à la microscopie à effet tunnel

II.4. STM à l’interface liquide/solide

La microscopie à effet tunnel a initialement été développée en conditions d’ultra-vide (UHV, ultra high vacuum). Les enceintes à ultra-vide permettent d’atteindre des pressions de l’ordre de 10-11 bar, et de s’affranchir ainsi des impuretés de l’atmosphère environnante (ce qui s’avère important dans l’étude de surfaces ordonnées métalliques ou semi-conductrices très réactives). Ces techniques UHV sont néanmoins délicates à mettre en œuvre. Une alternative intéressante réside dans l’utilisation d’une interface liquide/solide dans des conditions ambiantes [37, 45, 46].

II.4.1. Dispositif

Dans une expérience STM à l’interface liquide/solide, la pointe est immergée dans un liquide isolant qui recrée les conditions de l’effet tunnel et balaye la surface en conditions ambiantes. Les ‘espèces’ à observer sont solubilisées dans une goutte de solvant qui est déposée sur le substrat (Figure 16). Si une partie des molécules reste bien sûr en solution, celles-ci peuvent aussi former une monocouche organisée sur le substrat.

Figure 16. Représentation schématique d’une expérience STM à l’interface liquide/solide.

Cette technique présente de nombreux avantages :

- Une mise en œuvre expérimentale très simplifiée.

- Des conditions particulièrement adaptées à l’étude de molécules organiques, plus ‘naturelles’ que les conditions UHV. Ceci est d’autant plus pertinent pour les molécules d’origine biologique.

- Une observation in situ.

- La possibilité de mesures dynamiques sur la formation de monocouches organisées et les interactions entre le liquide et la surface.

Cependant elle présente aussi quelques restrictions. Les résolutions que l’on peut obtenir restent encore inférieures à celles atteignables en UHV. De plus, le solvant peut influencer l’auto-assemblage des molécules étudiées et se coadsorber ce qui rend les images parfois difficiles à interpréter.

II.4.2. Liquides adaptés.

Le solvant utilisé a un rôle fondamental dans l’expérience STM. Il agit comme isolant tunnel entre la pointe et l’échantillon. Il protège la surface des composants atmosphériques (oxygène, eau, dioxyde de carbone…). Il sert de vecteur au dépôt des molécules qui y sont préalablement solubilisées, et qui peuvent ainsi diffuser librement jusqu'à la surface. Ses caractéristiques physiques et chimiques doivent donc satisfaire un certain nombre de critères :

- Il doit être apolaire, très peu polarisable et être un bon diélectrique afin d’éviter toute conduction ionique entre la pointe et l’échantillon.

- Il doit être faiblement volatil (haute température de vaporisation) pour assurer un temps de manipulation correct.

- Sa viscosité doit être relativement élevée afin d’éviter que la solution ne recouvre tout le porte-échantillon pendant le temps de l’expérience.

- Il doit être inerte chimiquement et non toxique.

Un solvant répondant à l’ensemble de ces critères et largement utilisé en STM à l’interface liquide/solide est le n-tétradécane C14H30. Les études STM présentées dans cette thèse ont été systématiquement réalisées dans ce solvant. Alternativement, un deuxième solvant a été utilisé, le phényloctane. Les caractéristiques de ces solvants sont résumées Tableau 1.

Solvant Température

d’ébullition (°C)

Densité (g/mL) Viscosité à 20°C (cp)

n-tétradécane C14H30 253 0.762 2.18

Phényl octane 261 0.858 2.60

Tableau 1. Caractéristiques physiques des solvants utilisés pour les études STM. II.4.3. Substrats utilisés

Les substrats utilisés en STM doivent répondre à certains critères et doivent être : - de bons conducteurs

- inertes chimiquement à l’air (et en particulier non oxydables) pour éviter toute modification de surface (non liée aux molécules organiques introduites)

- atomiquement plans sur des surfaces importantes.

Deux substrats adéquats sont largement utilisés en STM, l’or Au(111) (face cristalline (111) du réseau de l'or, face dense où les atomes s'ordonnent suivant un arrangement 2D hexagonal compact) et le graphite HOPG (Highly Oriented Pyrolitic Graphite). Seul ce dernier sera utilisé dans les travaux présentés dans cette thèse.

Le graphite, forme thermodynamiquement stable du carbone, est constitué d’empilements de feuillets plans de carbone, nommés graphènes (Figure 17). Au sein d’un feuillet, les atomes de carbone présentent un arrangement hexagonal. La distance séparant deux atomes voisins est de 1.42Å. La maille du graphite tridimensionnel est de symétrie hexagonale, les feuillets étant liés par liaisons de type Van der Waals et distants verticalement de 3.35Å. Ils s’empilent selon un mode ABA, les atomes de la couche B étant décalés par rapport à ceux de la couche A, de sorte que le centre de chaque hexagone de A est situé au dessus d’un atome de B. A la

surface, les atomes de carbone ne sont donc pas tous équivalents. On distingue ainsi les atomes de type α, situés à la verticale d’un atome de carbone de la couche B, et les atomes de type β situés à la verticale du centre d’un hexagone de la couche B. Le paramètre de maille du réseau hexagonal du graphène vaut ainsi 2.46Å (Figure 17). La densité électronique locale au niveau des atomes de type β est plus importante que celle des atomes de type α.

Figure 17. Le graphite. Gauche : structure cristallographique tridimensionnelle. Droite : Vue de dessus de deux feuillets superposés.

Une image STM typique de la surface du graphite est présentée en Figure 18. On y voit un réseau hexagonal de paramètre de maille 2.46Å, dont chaque point représente un atome. Comme précisé précédemment et dans le cadre de la théorie de Tersoff et Hamann, le STM est une mesure de la densité locale d'états au niveau de Fermi et non une mesure directe de la topographie. Il est ainsi moins sensible aux atomes de type α, pour lesquels la densité d’état est plus faible, qu’aux atomes de type β [47]. Un atome de carbone sur deux est donc imagé et visible comme un point brillant.

L’exemple du graphite reflète bien la différence entre une image topographique (qui ne ferait pas de distinction entre les atomes de types α et β) et l’image STM obtenue. Il faut donc bien garder à l’esprit l’influence des paramètres électroniques dans les interprétations des images obtenues.

Figure 18. Image STM typique d’une surface de graphite HOPG, seuls les atomes β sont visibles, 3.8 x 3.8 nm2, V=0.204V, I=109pA.

Les feuillets de graphite étant faiblement liés les uns aux autres, ils constituent des plans de clivage et sont facilement dissociables. Une surface propre et atomiquement plane formée de terrasses de tailles caractéristiques de l’ordre de 1µm est ainsi obtenue facilement par clivage (voir partie expérimentale).

II.4.4. Exploitation des images.

L’interprétation des images STM est délicate en raison des multiples paramètres physiques intervenant dans l’expression du courant tunnel. Ainsi, de nombreux artefact peuvent intervenir lors de l’observation et fausser les interprétations. En voici quelques exemples :

- les artefacts de bruit (mécanique ou électronique) - la ‘non idéalité’ de la pointe (pointes multiples etc.) - la dérive thermique

- le phénomène de ‘moiré’ (superposition de deux réseaux périodiques en léger décalage angulaire conduisant pour le graphite à l’observation de superstructures hexagonales). Il s’agira donc d’être prudent dans les interprétations et de systématiquement s’assurer lors des observations que les images enregistrées ne sont pas perturbées par l’un de ces artefacts.

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