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Chapitre 3 : vers des caractérisations de propriétés en solution des TrisKs

II. Télomères et G-quadruplexes télomériques

II.2. Protéines télomériques, complexe ‘shelterin’ et télomérase

II.2.1. Complexe ‘shelterin’

Un ensemble de six protéines (au moins) spécifiques des télomères s’associe à la séquence télomérique et protège les extrémités des chromosomes. Ce complexe est appelé ‘shelterin’ [56]. Parmi ces six protéines, trois d’entre elles se lient directement aux répétitions télomériques : TRF1 et TRF2 se liant à la partie double brin et POT1 fixant préférentiellement l’extrémité simple brin de séquence 5’-(T)TAGGGTTAG-3’. Celles-ci sont reliées entre elles par trois protéines supplémentaires : TIN2, TPP1 et RAP1 (Figure 72A), assurant une connexion entre le double brin télomérique et l’extrémité 3’ sortante. L’ensemble de ce complexe joue un rôle dans la maintenance des télomères et permet de les différencier d’un site de dommage de l’ADN.

Le complexe shelterin affecte la structure des télomères, modulant ainsi la régulation de leur protection (et de leur longueur). En effet, il est impliqué dans la formation de la structure T- loop (Figure 72B). Il a été montré que TRF2 est capable de former la T-loop in vitro [57]. Le rôle de ces protéines dans la formation de cette boucle n’a cependant pas été testé in vivo. Dans cet état fermé, l’extrémité 3’ est protégée des évènements de dégradation (i.e. n’est pas reconnu par la machinerie cellulaire comme un brin d’ADN dégradé) ou d’élongation par la télomérase.

Les télomères peuvent également présenter un état ouvert (durant les étapes de réplication ou d’élongation) (Figure 72B). Dans cette configuration, les protéines du complexe shelterin seraient localisées sur l’ensemble du télomère et pas uniquement à la jonction entre la région double brin et l’extrémité 3’ [56]. POT1 semble jouer un rôle essentiel dans la régulation de la longueur des télomères, cette protéine permettrait soit l’activation soit l’inhibition de la télomérase selon sa position sur le simple brin et donc selon l’accessibilité de l’extrémité 3’ [58].

A.

Complexe shelterin

B

T-loop Etat ouvert

A.

Complexe shelterin

B

T-loop Etat ouvert T-loop Etat ouvert

Figure 72. A.Complexes shelterin : POT1 se lie au simple brin tandis que TRF1 et TRF2 sont fixées sur le double brin ; elles sont reliées par l’intermédiaire de TIN2 et TPP1. B. Télomère replié en T- loop ou état ouvert (et complexes shelterin associés) [56]

L’altération de certaines protéines du complexe shelterin induit des dysfonctions des télomères qui activent les voies de réponse aux dommages de l’ADN. Ainsi, l’inhibition de POT1 ou de TRF2 entraîne le recrutement de facteurs de dommages à l’ADN [59], un raccourcissement de l’extrémité 3’, et la formation de fusions chromosomiques [60].

Outre les six entités du complexe shelterin spécifiques des télomères, il existe d’autres protéines interagissant avec les télomères. On peut ainsi citer des protéines régulant l’activité de TRF1 et TRF2 (tankyrases) ou les hélicases (BLM ou WRN évoquées précédemment) qui interagissent avec TRF2 et qui pourraient permettre la résolution de la structure T-loop [56].

II.2.2. Télomérase

La télomérase est une enzyme qui permet de maintenir la longueur des télomères, luttant ainsi contre leur érosion naturelle. Initialement identifiée chez un cilié [61], elle a ensuite été mise en évidence dans de nombreux organismes [62]. La télomérase est une transcriptase inverse, elle synthétise et ajoute des répétitions télomériques (5’-GGTTAG-3’ chez l’homme) à l’extrémité 3’ simple brin grâce à une matrice ARN qui est rétro-transcrite [63]. Elle est constituée d’une sous-unité catalytique hTERT (pour human Telomerase Reverse Transcriptase) et d’un ARN hTR (pour human Telomerase RNA, comprenant une matrice de séquence 5’-CUAACCCUAAC-3’).

La télomérase présente une activité significative dans la majorité des cellules cancéreuses (85- 90%) alors qu’elle est faiblement détectable dans les cellules somatiques normales (à l’exception de certaines cellules souches comme celles impliquées dans le renouvellement des tissus) [64]. De plus, contrairement aux cellules cancéreuses dans lesquelles elle rallonge les télomères à chaque cycle cellulaire, elle ne ferait que participer au maintien de leur intégrité dans les cellules somatiques. Cette enzyme constitue donc un marqueur quasi-universel du cancer chez l’homme et représente une cible thérapeutique très intéressante. De plus, la présence d’une activité télomérase dans de telles cellules confirme le rôle qu’a cette enzyme dans le maintien de leur pouvoir de réplication.

Dans les 10-15% des cellules cancéreuses ne présentant pas d’activité télomérase, la maintenance de la longueur des télomères est assurée par un autre mécanisme appelé ALT (‘alternative lengthening of telomeres’) [65]. Celui-ci n’est pas encore élucidé mais passerait par des recombinaisons entre télomères [66].

La télomérase fonctionne de manière processive, c'est-à-dire par étapes successives d’élongations et de translocations. Son activité et l’accessibilité à son substrat doivent être régulées [67]. En effet, la longueur des télomères (dans les cellules présentant une forte activité télomérase) est maintenue constante mais n’augmente pas. Ce phénomène est appelé homéostasie des télomères. Les mécanismes de cette régulation sont encore méconnus mais les différentes configurations des télomères (T-loop ou conformation ouverte) présentées précédemment pourraient y participer.

II.2.3. Inhibition de la télomérase

Le potentiel de réplication illimité est une des caractéristiques des cellules tumorales. Sachant que la télomérase doit participer activement à ce processus, elle constitue une cible intéressante en stratégie anti-cancéreuse. De nombreuses stratégies d’inhibition directe de cette enzyme ont été développées [68-71]. Celles-ci ciblent les composantes de l’enzyme hTERT et/ou hTR, et utilisent pour cela des inhibiteurs catalytiques ou des antisens par exemple. Si l’inhibition directe de la télomérase peut entraîner un arrêt de croissance des cellules tumorales et constitue donc un moyen de rendre ces cellules sénescentes, elle présente également quelques restrictions. Certaines cellules normales présentant également une activité télomérase, ces stratégies peuvent donc poser des problèmes de sélectivité. D’autre part, elles visent un raccourcissement progressif des télomères ; leur efficacité dépendra donc de la taille initiale de ceux-ci et peut être retardée.

Une voie d’inhibition indirecte de la télomérase suscite actuellement un vif intérêt et est à l’origine de la seconde partie de ce travail de thèse. Elle consiste cette fois-ci à modifier la conformation du substrat de l’enzyme en stabilisant les structures G-quadruplexes au niveau des télomères par des ligands synthétiques. Cette stabilisation a en effet démontré une capacité à inhiber la télomérase in vitro [72].

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