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Chapitre 1 : Synthèse bibliographique & Objectifs de thèse

1. Produits pharmaceutiques et milieu marin : une préoccupation environnementale ?

1.3. Les STEP conventionnelles : peu efficaces contre les PP

barrière principale entre nos rejets et l’environnement. Cependant, les procédés de traitement actuels des STEP conventionnelles ne permettent pas un taux d’abattement complet des PP (cf. Section 1.2). Cela a pour conséquence une diffusion directe de ces molécules et de leurs métabolites dans les milieux aquatiques via les effluents de STEP (Margot et al., 2015), et indirecte via l’épandage des boues de STEP puis le lessivage de ces contaminants vers les milieux aquatiques (Verlicchi and Zambello, 2015). D’autres voies d’entrée des PP dans le milieu marin sont susceptibles de se produire, notamment par l’intermédiaire des lixiviats en provenance des décharges côtières recevant des déchets ménagers et cliniques, ou encore via les rejets des bateaux de croisières (Gaw et al., 2014).

Pour résumer, les principales voies d’entrée des PP dans le milieu marin sont soit indirects via l’écoulement (ex. fleuves) et le ruissèlement (ex. lessivage des terres agricoles côtières) des eaux continentales contaminées, soit directs via l’aquaculture en zone côtières et le développement des émissaires en mer de STEP. Les rejets de STEP sont reconnus comme la voie d’entrée majoritaire des PP dans les milieux aquatiques.

1.3. Les STEP conventionnelles : peu efficaces contre les PP

Actuellement, les procédés de traitement des eaux usées de STEP dites « conventionnelles », ont pour principaux objectifs l’élimination des déchets solides, des solides en suspension, de la matière organique facilement biodégradable et des nutriments tels que l’azote et le phosphore (Margot et al., 2015). Les principales étapes de traitement comprennent un prétraitement (ex. dégrillage-tamisage), un traitement primaire (ex. sédimentation), un traitement secondaire (ex. boues activées, clarification) et parfois un traitement tertiaire (ex. déphosphatation, désinfection). Malgré ces procédés, les STEP ne sont pas conçues pour abattre complètement les micropolluants dans les eaux usées, dont font partie les PP. Des exemples de concentrations de PP retrouvés en sortie d’une STEP en France, de l’ordre d’une dizaine à des centaines de ng/L, sont mentionnés en Tableau 1.1 (Chiffre et al., 2016).

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Tableau 1.1:Concentrations de PP (ng/L) appartenant à différentes classes thérapeutiques retrouvées dans l’effluent d’une STEP française de 55 000 équivalent-habitants avec un traitement primaire, un traitement secondaire aérobic et une étape de déphosphoration, selon le mois d’avril ou mai (Chiffre et al., 2016).

L’abattement des PP dans les STEP est un processus complexe, dépendant (i) des caractéristiques physico-chimiques de ces molécules (i.e. solubilité, volatilité, biodégradabilité, capacité d’adsorption aux particules solides ou aux boues activées), (ii) des procédés de traitement biologiques, physiques et chimiques, (iii) des conditions de fonctionnement telles que le temps de rétention hydraulique, le temps de séjour des boues, la cinétique de biodégradation, la communauté de microorganismes, mais également (iv) des conditions environnementales telles que la température (efficacité moindre en période hivernale et dans les climats froids), les conditions d'oxydoréduction (différentes efficacités d’abattement entre les conditions anaérobies et aérobies) et le pH (les variations du pH affectent la cinétique de réaction des PP) (Evgenidou et al., 2015).

Au cours du traitement primaire et secondaire, le taux d’abattement par adsorption aux particules solides et aux boues activées peut être significatif pour les PP hydrophobes ou chargées positivement, tels que l’ofloxacine (58 %), la norfloxacine (69 %) ou la ciprofloxacine (69 %) (Margot et al., 2015). Cependant, les PP sont majoritairement hydrophiles et souvent chargés négativement à pH neutre. Cela a pour conséquence une faible adsorption des PP aux boues (chargées négativement), se retrouvant le plus souvent dans la phase dissoute. Plusieurs PP dont la carbamazépine, le diclofénac, le métoprolol et l’estriol ont montré un taux d’abattement inférieur à 30 % dans des bassins de sédimentation primaires (Behera et al., 2011). En revanche, au cours du traitement secondaire l’abattement des PP par biodégradation peut s’avérer plus efficace que le phénomène d’adsorption aux boues activées. A l’issu de ce traitement biologique, certains analgésiques (ex. paracétamol, acide salicylique), anti-inflammatoires (ex. ibuprofène), stimulants (ex. caféine) et hormones naturelles (ex.

13 testostérone, androstérone, estriol, 17 β-estradiol) sont considérablement biodégradés à des taux compris entre 80 et 99 % (Margot et al., 2015). Néanmoins, le traitement secondaire se montre peu efficace contre les molécules difficilement biodégradables, telles que la carbamazépine, le diclofénac, l’irbésartan ou l’oxazépam, avec un taux d’abattement inférieur à 20% (Margot et al., 2015). Des taux d’abattement négatif ont également été reportés pour certains PP comme la carbamazépine, entrainant une augmentation des concentrations de ces molécules dans les effluents de STEP (Kwon and Rodriguez, 2014). Ce phénomène s’explique généralement par la déconjugaison ou l’hydrolyse des métabolites des PP, c’est-à-dire des produits de biotransformation des PP générés et excrétés par le corps humain, présents dans les eaux usées pour reformer la molécule mère, ou encore la désorption des molécules mères des particules en suspension. Ainsi, les processus de déconjugaison et d’hydrolyse devraient être pris en compte dans l’interprétation des taux d’abattement des PP. Les métabolites des PP sont fréquemment détectés dans les eaux usées, et quantifiés dans la même gamme de concentration, voire à des niveaux plus élevés, que les molécules mères (< 10 ng/L à 3-4 µg/L). Les métabolites des PP à usage humain sont généralement plus polaires et plus hydrophiles que les composés parents, en raison de leur transformation dans le foie ou les reins pour être facilement excrétés dans l'urine ou la bile. Ces composés peuvent donc ne pas être éliminés de manière significative par le processus d’adsorption. Certains de ces métabolites sont bien dégradés au cours du traitement biologique, avec par exemple un taux d’abattement supérieur à 90 % pour le N-acétyl-sulfaméthoxazole, mais beaucoup d'autres ne le sont pas (Margot et al., 2015). La concentration des métabolites des PP pouvant atteindre 1 à 4 µg/L dans les effluents de STEP, leur présence devrait systématiquement être prise en compte dans l’évaluation de l’efficacité des traitements des eaux usées.

Différentes techniques de traitement avancé se sont développées, ou sont en cours de développement, afin d’améliorer l’abattement des micropolluants dans les eaux usées de STEP. A l’heure actuelle, les techniques les plus prometteuses concernent : l'adsorption sur différents substrats (ex. charbon actif, oxyde de graphène, nanotube de carbon), les procédés d'oxydation avancée (ex. ozonation, couplage UV/peroxyde d’hydrogène), des processus biologiques de biodégradation (ex. culture pure ou mixte) ou encore la filtration sur membrane (Rivera-Utrilla et al., 2013; Wang and Wang, 2016). Toutefois, ces techniques de traitement avancé ne permettent pas encore un abattement complet de l’ensemble des PP et nécessitent d’être davantage optimisées avant leur utilisation à plus grande échelle. De plus, la généralisation de ces procédés à l’ensemble des STEP se voit limitée par le coût encore trop onéreux de certains traitements (Wang and Wang, 2016). En outre, il convient de prêter davantage attention au devenir environnemental des produits de dégradation et de biotransformation que peuvent générer ces traitements avancés, ainsi qu’à leur écotoxicité.