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Introduction

Dans toute situation d'enseignement/apprentissage, l'occurrence des erreurs ne peut être évitée et la façon d'agir, de comprendre, de cerner l'erreur et d'en tirer parti se particularise d'une méthodologie à l'autre.

La pratique des enseignants vis-à-vis de l'apprenant et ses productions est bien évidemment contrôlée et balisée par les principes de chaque méthode, ainsi que par les instructions des concepteurs de programme s'inspirant de ces dernières.

Avant d'entamer la discussion à propos du "statut" et de "la place" attribués à l'erreur, il est à prendre en compte que le développement du statut de l'erreur et son intégration comme un levier à un apprentissage réussit, dépend de l'évolution du statut même de l'apprenant.

Barnier identifie trois modèles d'enseignement qu'il associe aux principes et aux démarches afférents à chaque conception théorique [In Apprendre de l'abécédaire, p. 11] :

●«Le modèle transmissif : si l'on privilégie le rapport au savoir,

enseigner revient à transmettre des connaissances en les exposant le plus clairement possible.»

●«Le modèle behavioriste : si l'on privilégie l'acquisition d'automatismes,

enseigner revient à inculquer des comportements, des attitudes, des réactions des gestes professionnels.»

●«Le modèles constructiviste : si l'on privilégie le rapport aux élèves,

enseigner revient à faire apprendre, faire étudier, guider, accompagner les élèves dans les mises en activités que l'on propose…, c'est privilégier les processus d'acquisition et de construction de connaissances par les élèves. »

Donc pour Barnier, l'acte d'enseigner signifie soit transmettre, c'est-à-dire considérer l'apprenant comme un simple récepteur du savoir. Soit inculquer, c'est-à-dire considérer l'apprenant comme un imitateur, un automate qui par le

biais de répétitions vas acquérir ce que l'enseignant lui expose. Soit faire connaître, dans ce cas là l'apprenant est un partenaire, un acteur que l'enseignant doit guider et accompagner pendant son expérience d'apprentissage, ce qui favorise son autonomie et l'aide à construire et structurer ses connaissances. On passe donc d'un apprenant passif, à un apprenant actif au centre de toute activité d'enseignement/apprentissage.

En ce qui concerne l'enseignant, il est dans les deux premiers modèles, le seul détenteur du savoir, la source de tout savoir, il est donc censé tout connaître sur la langue qu'il enseigne. Dans le dernier modèle, l'enseignant est le partenaire avec lequel l'apprenant négocie le savoir.

Astolfi [In place de l'erreur] à la lumière du développement du concept d'apprentissage, présente le statut de l'erreur de la manière suivante :

2.1 Le statut de l'erreur symptôme d'une incompétence :

On comprend par symptôme d'une incompétence que l'erreur est imputée à une incompétence soit au niveau de l'apprenant, soit au niveau des concepteurs de méthodes.

Dans le modèle transmissif, c’est l’apprenant qui est considéré comme le fautif. «Les erreurs sont perçues et vécues comme des dysfonctionnements

didactiques, auraient du être évitées.» [In Place de l'erreur, p.02]

Dans ce cas, l'erreur est à la charge de l'apprenant, qu'en est le seul responsable, s'il était diligent, attentif, minutieux et bien veillant, s'il a mis en œuvre toutes ses aptitudes, l'erreur n'aurait pas été produite. Elle est donc assimilée à une faute qu'il faut éviter, éradiquer et sanctionner afin de disparaître.

Dans le modèle comportementaliste, «Les erreurs ne devraient

normalement pas survenir, puisque toute la programmation didactique par "petites marches" est élaborée avec un souci constant de les éviter. La différence est quand même importante puisqu'ici, si des erreurs malgré tout se produisent en dépit des précautions didactiques prises, elles seront moins

imputées à la responsabilité défaillante de l'élève qu'à la manière dont a été pensée la progression didactique par l'enseignant ou le manuel.» (Op.cit).

Il s'agit des théories béhavioristes, qui sont les soubassements des méthodes audio-orale et SGAV, dans lesquelles l’apprenant est guidé pas à pas, suivant une progression rigoureuse, afin de s'épargner des erreurs. Donc l'erreur est à la charge de l'enseignant qui n'a pas su adapter le programme et les exercices à répéter au niveau des élèves, ou aux concepteurs de méthodes qui ont fabriqué des manuels incompatibles avec les capacités effectives des élèves dans un stade donné. Dans ce cas l'erreur est assimilée à un "bogue", au sens informatique, qu'il faut éviter le plus possible en améliorant les programmes et en les adaptant suffisamment au niveau des élèves.

2.2 Le statut de "l'erreur indicateur de processus":

L'erreur est révélatrice d'un processus interne, elle est le signe d'un obstacle contre lequel la pensée de l'apprenant se heurte, le problème que celui-ci veut résoudre.

Selon P.Perroud l'une des compétences requises pour un enseignant, est celle de travailler sur les erreurs et les obstacles d'apprentissage. L'acte d'apprendre ne s'agit plus de mémoriser ou d'accumuler des informations, «mais plutôt de restructurer son système de compréhension du monde.» (p.31). Une restructuration qui demande d’après l’auteur un important travail cognitif.

S’appuyant sur ce point de vue, le modèle constructiviste accorde à l’erreur un statut bien différent. Elle est perçue comme le témoin des efforts réflexifs de l'apprenant, qui se trouvant dans une situation problème, tente d'émettre des hypothèses, qu’il va ultérieurement tester.

Avec l'exposition à de nouvelles connaissances, ces hypothèses vont donc être infirmées ou confirmées et même modifiées, et cela après des discussions collectives entre le professeur et ses apprenants.

Ces modèles tentent, «au contraire des précédents, de ne plus évacuer

voire même prendre appui sur elle pour améliorer l'enseignement.» [In place

de l’erreur. p. 02]

L'erreur devient donc un agent qui fait avancer l'apprentissage, de là il est utile de la comprendre pour mieux l'exploiter. Son apparition est donc consentie, voire même provoquée par des exercices et des activités qui mettent en jeu les capacités cognitives de l'apprenant. L'erreur devient alors l'indicateur des processus intellectuels mis en œuvre lors de l'activité de résolution de problèmes.

Nous sommes partis donc d’une attitude qui consiste à éluder l’erreur, à l’élimination de cette dernière des productions des apprenants, à son intégration dans le processus d'enseignement/apprentissage, ce qui lui donne un caractère positif et un statut d'honneur fortement mérité.

Dans une autre perspective et suite aux remarques d'Yves Bertrand "la faute" ayant une connotation morale, et imputée à l'apprenant est réintroduite dans l'enseignement/apprentissage des langues.