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Des mots aux statistiques et aux cartes

L’approche hygiéniste avait, en son temps, projeté un regard positiviste sur le taudis en le qualifiant d’insalubre. L’insalubrité consacrait, par un constat scientiste, la relation de cause à effet entre un état dégradé de l’habitation et un dommage (sanitaire) pour l’occupant qui, par la même, acquérait le statut de victime digne de considération.

En transformant la vision du taudis, sujet d’indignation littéraire et rhétorique, en question de santé publique, l’hygiénisme opérait l’indis-pensable conversion pour fonder et justifier l’intervention de l’État. Ce n’était plus la société « marâtre » qui était vilipendée, mais la santé de ses enfants qui était enfin protégée.

C’est au regard de ce processus historique, que l’on peut évaluer le sens que revêt la fusion des catégories de l’insalubre et du péril dans une entité plus globale, l’indigne. S’agit-il de réarmer le ressort émotionnel, que véhiculait le taudis, et donner ainsi un signal qui justifie la grande cause nationale ? S’agit-il d’élargir la vision de l’action publique pour embrasser un plus large spectre de mauvaises conditions de logement, sous la pression des interpellations des associa-tions sur le mal logement ? Espère-t-on, par là-même, une mobilisation des acteurs concernés pour engager des moyens d’action dans le sens d’approches plus préventives au regard des risques potentiels encourus par les occupants, avant même que le constat de l’insalubrité ou du péril ne soit incontournable et conduise à des accidents dramatiques récurrents ?

Tout cela serait en jeu, à des degrés divers. Un fil rouge, en particulier, paraît tenir l’enjeu associé à l’idée d’indignité en matière de conditions de logement. C’est l’idée de repérage et d’inventaire des situations qui permettrait tout à la fois d’afficher l’enjeu de la mobili-sation nationale en le quantifiant et de guider l’action publique en la ciblant. Mais est-on en mesure d’évaluer le caractère d’indignité des logements et cartographier leur localisation sur le territoire ?

En 1946, le Recensement Général de la Population (RGP), conduit par l’Insee, n’a pas intégré les méthodologies de repérage du « logement défectueux » qu’avaient promu l’association Économie et Humanisme298 et l’Institut National d’Hygiène en lien 298 La méthode d’Économie et Humanisme consiste à appliquer un questionnaire à chaque logement sur la base de mots-clés qualifiant le foyer (proximité du lieu de travail, mobilier, tenue, parasites, cubage, surface, densité), le logement (dépen-dances, cuisine, cabinets, eau, chauffage, éclairage, aération, ensoleillement), la maison (protection, escaliers, égouts, matériaux), l’extérieur (facilités, odeurs, bruits, situation, horizon).

Dix ans plus tard, quand la loi Molle introduit en droit la catégorie de l’habitat indigne, la politique de l’inclusion est passée sous silence au profit d’un d’objectif de rénovation urbaine plus opéra-tionnel. On reprend des mécanismes d’action déjà bien rôdés pour promouvoir un « programme national de requalification des quartiers anciens dégradés308 », en particulier les dispositifs existants du traite-ment de l’insalubrité. L’idée que l’indignité dans le logetraite-ment doit être regardée comme une grande cause nationale (même si, de fait, cette cause n’obtient pas le label309) se trouve consacrée non par des moyens opérationnels nouveaux, mais par une logique de communi-cation institutionnelle empruntant un vecteur classique en matière de politique publique, l’affichage de plans d’action départementaux.

Ces outils de coordination des acteurs concernés dans les territoires valorisent les démarches d’inventaire qui alimentent la concertation autour du ciblage spatial des situations à traiter. C’est ainsi que sont mis en place, en 2009, le Pôle national et les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne chargés d’élaborer le cadrage de l’action (par des plans départementaux, les PDLHI)310.

Dans le même temps, l’Insee s’interroge sur les critères trop sommaires de confort mesurés par le recensement. En effet,

« l’évaluation de la privation de confort varie fortement, passant de 684 000 logements à plus de trois millions, selon que l’on tient compte ou non des problèmes électriques, de la plomberie, d’une mauvaise exposition ou encore de l’humidité sur les murs. Ce dernier critère n’est de fait pas très discriminant : plus de 20 % des logements présentent des traces d’humidité, la question de la pertinence d’un tel indicateur est donc posée. Par ailleurs, le surpeuplement coïncide rarement avec la privation de confort311. »

Samuel Ménard et Gwendoline Volat, en particulier, considèrent que « la notion de confort va au-delà de ces équipements élémentaires. En 2010, 11,7 % des ménages déclarent un ou plusieurs des 308 «  Le projet de loi crée un programme national de requalification des quar-tiers anciens dégradés qui permettra de résorber efficacement l’habitat indigne, de remettre sur le marché des logements vacants et de faciliter la rénovation énergé-tique des logements existants, tout en maintenant la mixité sociale dans ces quar-tiers. » (Loi Molle, 2009).

309 À plusieurs reprises, des élus et des parlementaires ont demandé de « faire de la résorption de l’habitat indigne une grande cause nationale » (cf. la dernière en date, Assemblée nationale, 11 octobre 2018, [en ligne], URL : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/amendements/1255A/AN/1728.pdf).

310 Plan Départemental de Lutte contre l’Habitat Indigne, [en ligne], URL : https://

www.gouvernement.fr/pole-national-de-lutte-contre-l-habitat-indigne.

311 Briant, Pierrette et al., « Le dispositif statistique de l’Insee dans le domaine du logement. État des lieux et évaluation comparée des sources », Document de travail, Insee, mars 2010.

(décembre 2000). La mise en avant de « l’indignité » prend place dans une évolution terminologique adoptée par l’Europe, consistant à renverser le regard sur les phénomènes d’exclusion sociale. Plutôt que de « lutter contre », il convient de développer une vision positive des politiques sociales, consistant à favoriser « l’inclusion » des popula-tions défavorisées et marginalisées. Cette approche est justifiée par la volonté de transformer les politiques de rattrapage en politiques de promotion des personnes, notamment des « groupes vulnérables306 ».

La France, reconnue comme le pays dont « la politique pour combattre l’habitat indigne apparaît comme la plus développée d’Europe », affiche en 2000 un volontarisme qui voudrait se persuader qu’il est possible d’éradiquer le phénomène.

Pour répondre à ces desseins, Eurostat construit un indicateur de « housing deprivation », en organisant la collecte de données sur un plus large spectre de caractéristiques d’incon-fort que ne le fait l’Insee, pour les locaux à usage d’habitation : toit percé, humidité, moisissures, logement sombre, inconfort sanitaire, et surpeuplement en regard du nombre de pièces et d’occupants. Mais au niveau de la France (comme au niveau européen), le dispositif statis-tique peine à identifier l’ensemble des situations de mal logement (sans domicile, habitats précaires, hôtels, habitats insalubres, en péril, sans confort, surpeuplés…). Il évalue des masses à l’échelle nationale uniquement, et ne sait pas descendre à un niveau localisé.

C’est à cette même date, 2000, que dans la veine des PNAI, le ministère du Logement lance une initiative méthodologique qui s’affranchit de la statistique de l’Insee, jugée inadéquate. Elle vise, par une approche modélisatrice, à quantifier et localiser le parc des logements « potentiellement » indignes. D’un point de vue épistémo-logique, la notion de « logements potentiellement indignes » opère un changement de perspective dans la définition même du phénomène.

Pour appuyer cette démarche, le ministère du Logement affiche l’ambi-tion de développer des sites pilotes et de s’armer de nouveaux outils pour visualiser la réalité mal cernée du phénomène307.

306 Maresca , Bruno et al., La mesure du coût économique et social du mal-loge-ment. Coûts publics et privés, Fondation des villes, Credoc, Fédération des PACT, 2015.

307 « Pour préparer la mise en place de ce plan, un programme d’action prioritaire sur les territoires des onze départements parmi les plus concernés a été annoncé et présenté au Conseil des ministres […] Le repérage et le diagnostic des phéno-mènes d’insalubrité, d’insécurité, de précarité dans l’habitat sont des préalables à la définition de vos priorités d’action et à la négociation avec les collectivités terri-toriales concernées. Aussi, la mise en place d’une approche méthodologique adaptée au contexte de votre département s’impose. » (Circulaire, avril 2002).

des secteurs d’habitat potentiellement indigne) et « démarche ascen-dante » (le repérage individualisé par les acteurs de terrain des situa-tions de mal logement), reste un vœu pieux.

Concrètement, le CD-Rom PPPI315 a été investi pour nourrir les plans départementaux de lutte contre l’habitat indigne et leurs déclinaisons locales. La cartographie à l’échelle cantonale, voire à l’échelle de l’ilot, remplit une fonction d’affichage de l’ampleur des situations potentiellement concernées en offrant des cartes localisant des secteurs à risque. Mais, dans la pratique, cette approche influe peu sur la démarche opérationnelle. Elle n’est pas devenue un outil de repérage et de priorisation des interventions, logement par logement ou ménage par ménage, dans la mesure où elle ne peut descendre à l’échelle de l’adresse (pour des raisons de secret statistique).

Cette forme d’approche des cibles de l’action publique a pour fonction de matérialiser l’ampleur de l’action à conduire et de mobiliser les acteurs concernés autour d’une projection cartographiée qui opère comme un révélateur de la réalité des phénomènes à traiter.

Mais, dans le même temps, elle rend compte de la difficile construction du repérage des situations à traiter et du ciblage des démarches opéra-tionnelles. Dépendantes de catégorisations statistiques (logements et ménages du recensement) non adaptées aux cibles opérationnelles de l’action publique (l’hétérogénéité des situations de mal logement), et de sources de données limitées (faute de systèmes de projections spatiales fines), les outils comme le CD-Rom PPPI offrent ce paradoxe de construire une vision d’ensemble qui ne présume en rien de la capacité à réunir les moyens d’une action efficace, au niveau des acteurs locaux.

Le CETE Nord-Picardie a expertisé la démarche pour le département du Nord. Il relève que la genèse de la catégorie indigne est mal établie : « jusqu’en 2009, il s’agit d’un concept politique défini par le pôle national de lutte contre l’habitat indigne ». Le CETE a procédé à un bilan des actions de traitement de l’habitat indigne, en compa-rant le gisement de logements très dégradés identifié par le CD-Rom PPPI avec les masses et les localisations des logements repérés et traités.

Le diagnostic dressé par le CETE est sévère : « Un nombre de levées d’arrêtés (2007-2010) très faible au regard du nombre de logements très dégradés recensés en 2007 (ratio : 4,2 %). Et un très faible nombre de logements subventionnés en sortie d’insalubrité au regard du gisement 315 Commande de la DGUHC du ministère du Logement au cabinet SQUARE. Il en résulte une cartographie à l’échelle du canton du « nombre de résidence principales privées potentiellement indignes » établie à partir de la base de données Filocom de l’année 2011. Cf. Cartographie de la France métropolitaine, [en ligne], URL : http://

www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/carte_du_parc_prive_potentiellement_

indigne.pdf.

problèmes suivants : toit percé, humidité, moisissures sur les montants de fenêtres ou sur les sols. De plus, 9,1 % des ménages jugent leur logement trop sombre et 26,9 % évoquent des difficultés à y maintenir une température adéquate. Entre 2005 et 2010, ces proportions ont peu évolué. Un logement est considéré comme confortable s’il dispose des équipements sanitaires de base et si, selon le ménage occupant, il ne comporte aucun défaut. Le logement est de confort moyen s’il compte un ou deux défauts et de confort insuffisant s’il liste trois défauts ou plus. En 2010, 64,1 % des ménages considèrent leur résidence principale comme confortable, 33,4 % moyennement confortable et 2,4 % avec un confort insuffisant. Cette répartition était la même en 2005312. »

La statistique par le comptage de défauts manifeste un changement de paradigme qui accuse le caractère individuel et décla-ratif du mal logement. Bien que fort utilisée aujourd’hui par la statis-tique publique sur la pauvreté, elle souffre d’être peu localisée313. C’est pour répondre à ce déficit que le ministère du Logement a initiée, fin 2000, la méthodologie SQUARE 314. Celle-ci remplit un vide laissé par la statistique publique qui investit peu les représentations cartogra-phiques. En dépit de ses limites, elle a fini par s’imposer aux acteurs opérationnels. En 2009, l’Anah en fait un outil de repérage des secteurs à risque. Sous la forme d’un CD-ROM dénommé « parc privé poten-tiellement indigne » (PPPI), elle met au service des collectivités terri-toriales une exploitation statistique et cartographique qui consiste à croiser le fichier Filocom (à l’échelle de l’adresse) avec des données descriptives du logement à l’échelle de la section cadastrale. Par ce croisement de fichiers, se trouvent rapprochées des caractéristiques des logements (surface, typologie, éléments de confort) et des caractéris-tiques du propriétaire et des occupants (taux d’occupation du logement, éléments sociodémographiques).

Malgré la discordance des échelles (du foyer à la section cadastrale) et des années différentes de recueil des données selon les fichiers, la cartographie du parc privé potentiellement indigne indique des secteurs pouvant être « potentiellement » l’objet d’actions publiques. Cependant, sa construction méthodologique qui devait faire se rencontrer « démarche descendante » (la cartographie statistique

312 Ménard, Samuel, Volat, Gwendoline, «  Conditions de logement de 2005 à 2010 », Insee Première, n° 1396, 2012.

313 Calvo, Mathieu, Richet-Mastain, Lucile, «  Conditions de logement  : amélio-ration de la situation des ménages à bas revenus mais des inégalités toujours marquées », Études et Résultats, n° 1069, Drees, juin 2018.

314 Développement d’une méthodologie de repérage du parc privé potentiellement indigne (PPPI), Étude du cabinet Square pour le compte de la DGUHC (2005), [en ligne], URL : http://www.ssents.uvsq.fr/IMG/pdf/caro_cle5677bd.pdf.

de régulateur (droit au logement) et d’animateur des politiques317.

L’émergence de la catégorie « indigne » semble relever d’un État prompt au compassionnel318, ce qui pourrait aller de pair avec son affaiblissement, tant de ses moyens financiers que de sa capacité règle-mentaire. À la différence d’une catégorie juridique (qui dit ce qui est possible et ce qui ne l’est pas dans un État de droit, comme par exemple la notion d’insalubrité), la notion d’« indigne » ne fait que désigner ce qu’il semble amoral et qui, pourtant, reste néanmoins possible319.

On comprend que, dans ces conditions, la notion d’indignité ne permet pas un repérage optimal des situations de mal logement. Non seulement les indicateurs contribuant au repérage du parc potentiellement indigne sont trop hétérogènes, mais ils ne permettent pas, pour des raisons de secret statistique, de localiser des habitats indignes à l’adresse. En tout état de cause, nombre de collecti-vités locales, à qui l’État adresse ses injonctions de mettre en œuvre des programmes d’éradication de l’habitat indigne, s’organisent par elles-mêmes en mobilisant leurs propres compétences techniques.

Ainsi, les PPI nous semblent relever de deux imagi-naires. L’un par lequel l’État se perçoit lui-même comme puissance publique disposant d’une cartographie offensive, sorte d’avatar des cartes d’état-major du XIXème siècle. La logique panoptique des inventaires statistiques permet de se représenter opérationnellement la question, pour étayer un programme, sans s’obliger à le traiter à la hauteur de l’enjeu. L’autre se fonde sur la promesse, continuellement répétée depuis les débuts de l’hygiénisme, de voir réalisée l’éradication du bâti défectueux.

Que ces deux pans de l’imaginaire de l’État révèlent la volonté de traiter le caractère inadmissible pour l’autorité municipale de maintenir sur son territoire des « poches d’insalubrité » plutôt qu’une réduction du mal logement, de nombreux exemples en témoignent dans la longue histoire de l’habitat insalubre. Mais que l’État persiste, après plus de deux siècles de luttes contre le bâti dégradé, à appliquer des remèdes topiques (interventions techniques sur des secteurs et des ilots insalubres), plutôt que de se focaliser sur les flux de populations 317 Donzelot, Jacques, L’État animateur : essai sur la politique de la ville, Paris,

éd. Esprit, 1994.

318 Cohen, Alix, « La dignité », in Deonna, Julien et al., Petit Traité des Valeurs, Paris, éd. Ithaque, 2018, pp. 106-111, Elle cite Peter Singer qui définit le «  perso-nisme » « par le fait que la raison ne pouvant plus servir de critère fondateur, la sensibilité devient la nouvelle source de dignité [...]. Tout être capable de souffrance acquiert une dignité, et mérite en cela le respect. »

319 La loi Elan se focalise sur l’activité des « marchands de sommeil » en voulant pénaliser leurs activités sur le plan fiscal et patrimonial plutôt que de les repérer par l’état du bâti.

identifié ». Certes, on ne peut conclure ce qui l’emporte : faut-il incri-miner une action publique très peu active ou bien la non-pertinence du repérage statistique du CD-Rom PPPI ? Dans le détail néanmoins, l’analyse permet de conclure que « dans certaines communes de l’arrondissement de Valenciennes, un contraste est à noter entre un bon niveau de repérage et un faible degré de traitement ».

À Paris, le CD-Rom PPPI ne semble investi d’aucune utilité opérationnelle. Cette ville, qui a une longue expérience du traitement de l’habitat insalubre, a défini, dès 2001, les principes d’un

« plan d’éradication » sur la base de sources administratives détenues par la Ville. L’approche est centrée sur l’entité « immeuble » et non sur la situation de l’occupant. La notion « habitat indigne » est rajouté à la liste des catégorisations déjà existantes : inconfort, insalubrité, satur-nisme, péril, non décent. Mais elle est présentée comme une « catégorie politique » qui n’a pas de traduction opérationnelle directe. Sur la base de listes établies à partir de la multiplicité des critères existants, des visites systématiques des agents du Service de l’Habitat sont menées, donnant lieu à des « relevés de notation standardisés » sur l’état du bâti et la caractérisation des occupants. La procédure conduit à une priorisation des interventions envisagées. Cette opération conduite en 2001 a abouti à la localisation de 1020 immeubles à traiter. L’approche parisienne reste dans le droit fil de la culture hygiéniste, aujourd’hui séculaire, de la résorption de l’insalubrité. Plus de cent ans après le

« casier sanitaire des maisons de Paris316 », elle démontre que l’appa-riement des capacités actuelles des techniques statistiques permet de repérer, à l’adresse, des contextes « potentiellement indignes ». Si l’approche statistique des PPPI n’est pas directement opérationnelle à l’échelle de l’ensemble du territoire métropolitain, les villes dont les services ont gardé la mémoire du traitement des îlots insalubres ont les compétences suffisantes pour construire des démarches d’inventaire ajustées à leur capacité d’intervention.

Conclusion

L’apparition de la notion d’indignité et son inscrip-tion dans les désignainscrip-tions du mauvais logement a permis de montrer différents types de positionnement de l’État. Au XIXe siècle, la notion d’« insalubre » renvoie à la santé publique et à un État qui se voulait assurantiel. Un siècle plus tard, l’État s’est recentré sur un rôle 316 Fijalkow, Yankel, La construction des îlots insalubres, Paris 1850-1945, Paris,

L’Harmattan, 1998.

renouvelant sans cesse le stock des situations de mal-logement, a de quoi intriguer. L’admettre conduirait à comprendre que les solutions résident plus dans le traitement des mécanismes qui alimentent le flux (marché de l’immobilier privé, solvabilité des ménages à faible ressource et marginalité imposée aux sans-papiers et sans abris) que dans les modes de vie et les structures bâties. À ce titre, les mots qui désignent l’« habitat indigne » présupposant l’existence d’un stock qui pourrait être épuisé font écran à la réalité des dynamiques concrètes des rapports locatifs.

Paradoxalement, alors que la notion de dignité évoque, depuis la Révolution française, le principe d’une égale condition humaine affranchie des rangs et des ordres, et consacrant le principe des droits de l’homme320, un retournement de sens, à connotation morale, autorise un usage occultant les mécanismes inégalitaires du marché immobilier. En mobilisant la notion d’indignité, l’État et ses représentants qui s’insurgent volontiers ne développent guère de moyens d’action vraiment coercitifs et se contentent d’injonctions à l’attention des autres acteurs, notamment les collectivités locales et les associations, impuissantes par manque de moyens.

Corseté par son arsenal réglementaire hérité de la lutte

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