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CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE

1.2 Facteurs favorisant la prolifération de Legionella

1.2.3 Stagnation

La stagnation est définie comme une eau sans mouvement, sans circulation. Il s’agit d’une situation fréquente dans les réseaux d’eau chaude sanitaire sans pompe de recirculation forcée, car l’eau reste stagnante dans les conduites jusqu’à ce qu’il y ait une demande en eau en un point du réseau. C’est aussi une situation fréquente dans des TAR exploitées de façon intermittente. La stagnation de l’eau est reconnue comme une des causes principales de prolifération de Legionella dans les réseaux d’eau chaude sanitaire, en raison de l’inhabilité de maintenir des températures et des concentrations résiduelles de désinfectants suffisamment élevées (Bartram, Chartier, Lee, Pond, & Surman-Lee, 2007; Health and Safety Executive (HSE), 2013b; République Française, 2010b; Saby et al., 2005). Les bras morts ou cul-de-sac, qu’ils soient hydrauliques ou physiques, aussi bien

dans les réseaux d’eau chaude sanitaire que dans les réseaux des TAR sont des zones perpétuellement stagnantes qui représentent des niches idéales pour la prolifération des bactéries. La stagnation, en plus de favoriser la formation de biofilm (Merchat 2004), réduit l’apport en oxygène et nutriment du biofilm et peut entrainer un état de stress nutritionnel chez les bactéries ou produire le détachement de bactéries du biofilm vers l’eau (Bentham & Broadbent, 1993). La stagnation dans les réservoirs de chaufferie est un facteur de risque de prolifération de L.

pneumophila documenté en raison de la stratification thermique (Ciesielski, Blaser, & Wang,

1984). Plusieurs études ont montré des contaminations suite à la remise en service de secteurs ou de réservoirs isolés (Fisher-Hoch et al. 1981). La présence des culs-de-sac physiques augmente la vitesse de recolonisation d’un réseau après un traitement thermique (Saby et al., 2005). L’importance de la prolifération dans les antennes avec stagnation a clairement été mise en évidence par la plus grande positivité et l’augmentation des concentrations de L. pneumophila dans les échantillons de premier jet (Tableau 1.1) (Cristina et al., 2014; Mouchtouri, V. et al., 2007). Bedard et coll. ont mis en évidence une recroissance microbienne rapide dans les antennes des réseaux d’eau chaude sanitaire avec stagnation pouvant atteindre 3 log de BHA en 1 heure seulement (Laferrière, Prévost, & Bédard, 2013).

Tableau 1.1 Analyses de légionelle en réseau d'eau chaude sanitaire et points de consommation

(adapté de Cristina, 2014)

C’est pourquoi l’ensemble des directives et règlementations pour contrôler la prolifération de L.

pneumophila contiennent des recommandations pour éliminer les secteurs stagnants dans les

réservoirs, les circuits et les réseaux. Spécifiquement, la règlementation française précise qu’il faut « éviter la stagnation de l’eau et en assurer une bonne circulation » (République Française, 2005b). Certaines directives précisent la longueur maximale des antennes (bras morts) alors que d’autres spécifient des temps d’équilibrage avant l’atteinte de températures de consigne (Association

Française de Normalisation (AFNOR), 2006; Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), 2012; Health and Safety Executive (HSE), 2013b). Par exemple, l’Organisation mondiale de la Santé recommande une longueur pour les bras morts inférieure à 10 fois le diamètre de la conduite ou 3 litres (World Health Organization (WHO), 2011). Au Royaume-Uni, la British Standard Institute (BSI) recommande plutôt un dimensionnement des bras morts en bout de conduite inférieur à deux fois le diamètre de celle-ci ou 1,5 litre pour le réseau principal ou 0,5 litre pour un réseau secondaire. La règlementation allemande a établi un volume mort maximal de 3L au-delà duquel il est obligatoire d’installer un système de recirculation ou un chauffage distal (DVGW German Technical and Scientific Association for Gas and Water, 2004).

L’impact de la stagnation a aussi été étudié dans les réseaux des tours de refroidissement. Toutefois, aucune corrélation n’a pu être établie entre le nombre d’heures d’opération (circulation) quotidiennes et la concentration de Legionella (Bentham & Broadbent, 1993). Ce qui a été clairement mis en lumière dans cette étude est l’importante remise en suspension de Legionella depuis le biofilm vers l’eau au redémarrage du réseau après une période d’arrêt. L’impact du changement de régime hydraulique décrit précédemment est schématisé à la figure ci-dessous en comparaison avec un régime hydraulique stable avec un biofilm bien contrôlé.

Figure 1-9 Impact du régime hydraulique sur le biofilm (Merchat, 2013a)

La stagnation à long terme est un facteur reconnu de risque de prolifération et la remise en route de TAR et de réseaux d’eau chaude sanitaire après un arrêt prolongé a été associé à des contaminations élevées de Legionella et de L. pneumophila (Mouchtouri, V. et al., 2007) et même une éclosion à Toronto en 2005 (Expert Panel, 2005). La période suivant la mise en eau et précédent l’utilisation normale du réseau étant risquée, elle doit être écourtée autant que possible. Afin d’assurer la qualité de l’eau lors de la mise en service, le guide anglais (Health and Safety Executive (HSE), 2013b) prévoit diverses procédures de démarrage. Pour les petits réseaux d’eau sanitaire,

une vidange complète du réseau est requise juste avant la période d’occupation. Pour les réseaux plus complexes, il est nécessaire, après la vidange, de procéder à une désinfection au chlore ou au dioxyde de chlore de l’ordre 1 à 3 mg /L. Il est alors nécessaire de suivre le résiduel de chlore durant tout le temps de contact et de s’assurer que le pH soit sous les 7,6. Les fermetures temporaires sont soumises aux mêmes consignes. La mise en route des TAR doit se faire uniquement lorsque l’utilisation du système est requise sinon le réseau doit être drainé. Tout le suivi de la mise en route doit être rapporté au registre de la maintenance spécifiquement adapté au réseau. Une procédure est décrite dans le guide comprenant un pré-nettoyage, nettoyage et un post- nettoyage (Health and Safety Executive (HSE), 2013b).