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Stabilité d'un uide en rotation

1. Introduction

1.3 Stabilité d'un uide en rotation

Nous venons de voir dans les sections précédentes que l'écoulement d'un uide en rotation est à l'ordre dominant une rotation solide à laquelle se superposent des écoulements de plus faibles amplitudes : les écoulements se-condaires. Ces écoulements sont des solutions de l'équation de NavierStokes (1.7). La question est de savoir si ces solutions sont stables vis à vis d'une perturbation extérieure. En d'autres termes, comment vont se comporter les ondes inertielles en présence d'une rotation diérentielle ? d'un champ de cisaillement externe ? d'un changement continu de la direction de l'axe de rotation ? Nous allons brièvement répondre aux deux premières questions en introduisant les notions d'instabilité centrifuge et d'instabilité elliptique. La solution à la dernière question, qui fait référence à la précession, sera évidemment développée dans tout le reste de cette étude.

1.3.1 L'instabilité centrifuge

L'instabilité centrifuge (également appelée instabilité de TaylorCouette est discutée en détail dans de nombreux ouvrages, en particulier dans Chan-drasekhar (1961) et Drazin & Reid (1981). En ce qui concerne les aspects non linéaires il est conseillé de se reporter à des ouvrages plus spécialisés tels que ceux de Chossat & Iooss (1994) et Koschmieder (1993). Nous nous limitons

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( )

a

( )

b

Figure 1.12: (a) Schéma de l'écoulement de TaylorCouette entre deux cylindres em-boités et rotatifs. (b) Développement de l'instabilité centrifuge et visualisation des rouleaux de Taylor (visualisation issue de Fenstermacher et al., 1979).

ici aux éléments essentiel concernant l'instabilité centrifuge an d'insister sur son mécansime physique.

Nous avons vu dans la section 1.2.1 qu'un uide en rotation est soumis à la force centrifuge. Cette force qui dérive d'un potentiel tend à expulser les particules uides le plus loin possible de l'axe de rotation. A cette force s'oppose un gradient de pression permettant de la contrebalancer. En coor-données cylindres cet état d'équilibre s'écrit

uϕ(r)2 r = 1 ρ ∂p ∂r, (1.21)

où uϕest la composante orthoradiale de la vitesse, p la pression et ρ la masse volumique du uide. Dans certaines conditions (i.e. pour certains prols de vitesse uϕ(r)) cet état d'équilibre peut être rompu et une instabilité (dite centrifuge) prend naissance. Le premier à avoir établi une condition néces-saire de stabilité fut Rayleigh (1916) qui énnonca : pour être en situation instable il faut que le moment cinétique r2uϕ(r)2 de l'écoulement soit une fonction décroissante de r. Ce critère fut redémontré plus rigoureusement que ne l'avait fait Rayleigh (1916) par Synge (1933). Ce dernier a de plus prouvé qu'en régime non visqueux la croissance monotone du carré du moment ci-nétique en fonction de la distance r est une condition nécessaire et susante de stabilité. L'étude visqueuse entreprise par Taylor (1923) a quant à elle montré que le rôle de la viscosité est uniquement de retarder l'apparition de l'instabilité centrifuge.

D'un point de vue expérimental l'instabilité centrifuge peut se développer dans tout écoulement dévié par une paroi créant un gradient de pression nor-mal aux lignes de courant. Un exemple célèbre consiste à considérer l'écou-lement entre deux cylindres coaxiaux et tournant chacun avec des vitesses

1 et Ω2 (voir gure 1.12(a)). En fonction des deux nombres de Reynolds construits sur ces vitesses angulaires et du rapport des rayons des cylindres un écoulement stationnaire et spatiallement structuré apparait. Cette struc-ture est constituée de rouleaux toriques contra-rotatifs et est périodique dans la direction axiale (voir gure 1.12(b)). Son apparition est dûe à l'instabilité centrifuge. Nous reparlerons de ce type d'instabilité dans notre étude an de savoir si elle est possible dans le cas d'un cylindre en précession.

1.3.2 L'instabilité elliptique

L'instabilité elliptique (ou instabilité de marées) correspond à la déstabi-lisation tridimensionnelle d'écoulements tournants bidimensionnels dont les lignes de courant sont elliptiques (voir Kerswell, 2002, pour une revue). C'est une instabilité générique qui intervient dans de nombreux systèmes naturels, dans lesquels l'ellipticité est générée par exemple par des interactions entre tourbillons ou par des eets de marées. Sa présence est ainsi suggérée dans les sillages d'avion (voir Leweke & Williamson, 1998b), les tourbillons at-mosphériques et océaniques (voir Afanasyev, 2002), les noyaux liquides des planètes (voir Kerswell & Malkus, 1998), les étoiles doubles et disques d'ac-crétion (voir Lubow et al., 1993), et plus généralement dans les écoulements turbulents présentant des structures cohérentes elliptiques (voir Pierrehum-bert, 1986; Bayly, 1986).

L'instabilité elliptique a été découverte par Widnall et al. (1974) en étu-diant la dynamique d'anneaux tourbillonnaires. Moore & Saman (1975) ont étendu ce cas particulier en eectuant une analyse linéaire de stabilité d'un tourbillon bidimensionnel dans un champ d'étirement uniforme. En re-prenant le vortex de Moore & Saman (1971, 1975) plongé dans un champ d'étirement extérieur supposé d'extension spatiale innie, Tsai & Widnall (1976) ont démontré que l'écoulement de base peut se coupler avec des modes de Kelvin de nombres d'onde azimutaux m = −1 et m = 1. Ce couplage peut alors conduire à l'instabilité de l'écoulement de base si les modes de Kelvin ont la même fréquence et la même longueur d'onde (voir Eloy & Le Dizès, 1999). Cette condition est appelée condition de résonance triadique entre l'écoulement de base et les modes de Kelvin. Ce couplage de mode s'eec-tue alors par le terme non-linéaire de l'équation de NavierStokes. Le taux de croissance de l'instabilité est alors proportionnel au champ d'étirement. Cette propriété reste vraie même lorsque le champ d'étirement a une exten-sion spatiale nie (voir l'étude numérique de Robinson & Saman, 1984). Une expression analytique du taux de croissance pour le vortex de Moore & Saman (1971, 1975) est donnée par Tsai & Widnall (1976) en considérant une résonance triadique faisant intervenir des modes de Kelvin stationnaires. Dans le cas d'un vortex de LambOseen une expression simple du taux de croissance n'est plus possible et il faut se contenter d'une équation faisant intervenir des produits scalaires entre les modes instables et l'écoulement de base (voir Moore & Saman, 1975; Eloy & Le Dizès, 1999; Eloy, 2000). L'instabilité elliptique a ensuite été redécouverte en utilisant des méthodes mathématiques dites locales (voir Bayly, 1986; Lifschitz & Hameiri, 1991). Ces méthodes consistent à étudier la stabilité d'un écoulement de base

ellip-1.3. Stabilité d'un uide en rotation 19

Figure 1.13: Un cylindre en rotation autour de son axe de révolution est déformé elliptiquement par deux rouleaux situés de chaque coté du cylindre, (gure issue de Eloy et al., 2003).

tique vis à vis de perturbations de la forme (voir Craik & Criminale, 1986) v (r, t) = v0(t) eik(t)·r, (1.22) où r est le vecteur position et k(t) le vecteur d'onde de la perturbation et qui dépend du temps. La condition d'incompressibilité donne k · v = 0 (voir Sipp & Jacquin, 1998) et les évolutions temporelles de k et de v0

sont indépendantes. Bayly (1986) a montré que v0 vérie alors une équation paramétrique faisant intervenir un couplage entre l'ellipticité des lignes de courant et la perturbation. En fonction de l'ellipticité des lignes de courant et de l'angle γ minimum que fait le vecteur d'onde avec l'axe du vortex les ondes de (1.22) peuvent être instables. Le taux de croissance ne dépend alors que de ces deux paramètres. Pour des ellipticités faibles, les ondes instables sont celles pour lesquelles γ = π/3 (voir Bayly, 1986). Pour des ellipticités nies, les ondes sont instables pour un certain intervalle d'angle γ. Walee (1990) a alors montré que le maximum du taux de croissance de l'instabilité elliptique pour un champ d'étirement ε est

σ = 9

16ε. (1.23)

Walee (1990) et Gledzer & Ponomarev (1992) ont unié l'approche glo-bale par modes de Kelvin et l'approche locale en démontrant qu'un mode de Kelvin correspond à une somme d'ondes inertielles de même angle γ.

D'un point de vue expérimental l'instabilité elliptique a été mise en évi-dence par Malkus (1989); Thomas & Auerbach (1994); Leweke & William-son (1998a) et numériquement par Laporte & Corjon (2000). L'expérience de Malkus (1989) est représentée sur la gure 1.13. Un cylindre rempli d'eau et en rotation autour de son axe de révolution est déformé elliptiquement par deux rouleaux situés de chaque côté du cylindre. L'axe de rotation du uide est visualisé par la technique classique consistant à introduire dans le cylindre des particules rééchissantes éclairées par une source de lumière. La gure 1.14 montre alors que lorsque le cylindre en rotation est déformé l'axe de rotation du uide est déformé sinusoïdalement par l'instabilité el-liptique. Pour certains régimes particuliers de rotation et de déformation du

Figure 1.14: Clichés successifs des cycles intermittents de l'instabilité elliptique dans un cylindre. (a) Apparition de l'instabilité elliptique, (b) état fortement non-linéaire, (c) écoulement turbulent, (d) relaminarisation, (gure issue de Eloy et al., 2003).

Figure 1.15:Mode de retournement produit par l'instabilité elliptique dans une sphère en rotation et légèrement déformée par deux rouleaux visibles de chaque côté de la gure (voir Lacaze et al., 2004).

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