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Stabilité de la simulation et condition limite naturelle : théorie

CHAPITRE 5 CONDITIONS LIMITES DIFFUSIVES

5.2 Stabilité de la simulation et condition limite naturelle : théorie

De manière générale, un écoulement est inconditionnellement instable si la variation d’énergie (du système) croit sans limite. C’est ce que semble nous révéler l’exemple de la section précédente. En effet :

— En entrée, les vitesses sont imposées, ce qui génère un afflux d’énergie cinétique dans le système circonscrit par les limites (frontières) du domaine de calcul. Cette énergie est dissipée en partie par la viscosité.

— En sortie, les tractions nulles sont imposées. Si le champ de vecteurs vitesse est orien- tée vers l’extérieur, le rejet et l’afflux d’énergie cinétique sont en équilibres (pour un fluide incompressible) – la pression (énergie potentielle) chute à cause de l’effet de la viscosité. Par contre, si le champ de vecteurs vitesse est orientée (en partie ou totalité) vers l’intérieur, le bilan du rejet et de l’afflux d’énergie cinétique n’est plus à l’équi- libre. L’énergie cinétique du système croît et, si cette situation persiste, déstabilise la simulation.

La mise en équation du bilan de l’énergie cinétique s’obtient directement des équations de Navier-Stokes, i.e. l’équation de conservation de conservation de l’énergie mécanique. Elle met en relation la variation de l’énergie cinétique du système, les pertes volumiques dues à la viscosité, et les pertes surfaciques dues à l’action des tractions sur les vitesses. L’analyse de cette équation de conservation révèle une condition suffisante (cf. conjecture 5.2.1) que doivent vérifier les tractions et les vitesses pour assurer la stabilité de la simulation numérique.

5.2.1 Équation de conservation de l’énergie mécanique

Soit Ω un domaine de calcul avec ∂Ω = Γe∪ Γp∪ Γs∪ Γb sa frontière (cf. fig. 5.2). Les vitesses

sont imposées à l’entrée (Γe) et sur les parois solides (Γp), tandis que les tractions sont

imposées à la sortie (Γs). Sur la frontière Γb la condition limite de symétrie est usuellement

utilisée ; cette condition limite impose simultanément u · n = 0 et σ · n − σ : (n ⊗ n) n = 0, c’est-à-dire vitesse normale et tractions tangentielles nulles. Par la suite, les terminologies frontière de symétrie ou rive seront utilisées pour nommer la frontière Γb.

La formulation de Cauchy des équations de Navier-Stokes (3.2a)-(3.2b) est ici privilégiée pour construire les équations locale et intégrale de la conservation de l’énergie mécanique. Ce choix permet d’établir des relations en fonction de quantités physiques mesurables (les tractions), contrairement à la formulation équivalente basée sur les équations (3.1a)-(3.1b). De plus, la formulation de Cauchy est la seule, à notre avis, qui permet le couplage monolithique de la dynamique des fluides et de la dynamique du solide. Nous ferons donc usage du tenseur de

la loi contrainte-vitesse linéaire

σ = −p I + µ S S = ∇u + ∇tu

d’un fluide newtonien incompressible.

Les résultats intermédiaires (lemmes 5.2.1 et 5.2.2) établissent, d’une part, la dérivée parti- culaire de l’énergie cinétique et, d’autre part, la dissipation locale de l’énergie cinétique en chaleur. La construction de l’équation locale de conservation de l’énergie mécanique (proposi- tion 5.2.1) et sa version intégrale (corollaire 5.2.0.1) s’obtiennent directement de l’application de ces résultats et du théorème de la divergence.

Définition 5.2.1 (Vecteur traction) Nous désignons par τ = σ ·n le vecteur traction à la frontière d’un volume de fluide. Il s’obtient du produit contracté avec la normale n, orientée vers l’extérieur du volume, et du tenseur de la loi contrainte-vitesse.

En éléments finis, la condition limite naturelle correspond alors à τ = σ · n = 0

Lemme 5.2.1 (Dérivée particulaire de l’énergie cinétique) Soient ρ et u, respective- ment la masse volumique et le champ de vecteurs vitesse d’un fluide incompressible, et

ρDu Dt = ρ

∂u

∂t + ρ(u · ∇)u (5.1)

la dérivée particulaire du champ des vitesses. Alors,

ρDu Dt · u = ∂t ρ u2 2 ! + ∇ · ρuu 2 2 ! (5.2) avec u2 = u · u.

Lemme 5.2.2 (Dissipation de l’énergie cinétique) Soient σ la relation contrainte-vitesse d’un fluide newtonien incompressible et u le champ de vecteurs vitesse. Alors,

(∇ · σ) · u = ∇ · (σ · u) − µS : S

2 (5.3)

Proposition 5.2.1 (Équation locale de l’énergie mécanique) Soient le produit scalaire entre l’équation de Cauchy de la conservation de la quantité de mouvement d’un fluide new- tonien incompressible et le champ de vecteurs vitesse u

ρDu

Dt · u = (∇ · σ) · u

Alors, l’usage des lemmes 5.2.1 et 5.2.2 permet d’écrire l’équation de conservation locale de l’énergie cinétique ∂t ρ u2 2 ! = ∇ · σ · u − ρuu 2 2 ! − µS : S 2

Corollaire 5.2.0.1 (Équation intégrale de l’énergie mécanique) Soit l’équation locale de conservation de l’énergie mécanique (proposition 5.2.1) intégrée sur le domaine de calcul Ω. Alors, on obtient la formulation intégrale de la conservation de l’énergie mécanique

Z Ω ∂t ρ u2 2 ! dΩ = Z ∂Ω (σ · n) · u − ρu 2 2 u · n ! dΓ − Z Ω µS : S 2 dΩ (5.4)

de la transformation de la divergence du champ vectoriel

σ · u − ρuu

2

2 en flux de densité surfacique de puissance

F (τ , u) = τ · u − ρu

2

2 u · n (5.5)

en invoquant le théorème de la divergence et la définition 5.2.1.

Remarque 1 (Bilan global de F ) Le bilan de la densité de puissance surfacique, équation (5.5), sur la frontière ∂Ω se limite aux frontières Γe et Γs, l’entrée et la sortie,

Z ∂Ω F dΓ = Z Γe F dΓ + Z Γs F dΓ puisque F = 0 sur les frontières Γp et Γb.

En effet, sur Γp, le vecteur vitesse est nul (adhérence du fluide) et, sur Γb, le vecteur vitesse

Γe

Γs

Γb

Γb

Γp

U

Figure 5.2 Description générale d’un domaine de calcul et de ses frontières

Remarque 2 (Bilan de F sur Γs ) Sur la frontière Γe le flux de densité de puissance F

est entièrement déterminé par les conditions limites de Dirichlet sur les vitesses. Par contre, en sortie, l’imposition des tractions permettent de moduler l’énergie transmise au fluide. En effet, si nous faisons usage de la condition limite de tractions nulles (τ = 0), alors

F (0, u) = −ρu 2 2 u · n    > 0 si u · n < 0 < 0 si u · n > 0

A priori (naïvement), le critère intégral

Z

Γs

F dΓ ≤ 0

devrait être suffisant pour assurer la stabilité de la simulation numérique, puisque le bilan d’énergie est négatif (ou nul) favorisant la décroissance de l’énergie cinétique du système. Cependant, ce critère ne résiste pas à l’épreuve des faits (cf. fig. 5.1c).

En effet, on constate que la vitesse est entrante (u·n < 0) sur une petite fraction de la sortie, tout en satisfaisant le critère intégrale. Pourtant, le simulation se déstabilise (diverge).

Conjecture 5.2.1 (Critère de stabilité) Pour améliorer la stabilité de la simulation nu- mérique, les tractions à la sortie doivent être contrôlées telles que

F (τ , u) ≤ 0

en tout point de la frontière Γs. Nous utiliserons ce critère pour concevoir les tractions de la

condition limite diffusive ( c.f. déf. 5.2.1).

La confirmation ou l’infirmation théorique de cette conjecture requiert des analyses plus ap- profondies, hors des objectifs de ce mémoire. Cependant, les expériences numériques réalisées jusqu’à présent semblent en démontrer la pertinence par une amélioration significative de la stabilité des simulations numériques.