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Modélisation des conditions limites diffusives

CHAPITRE 5 CONDITIONS LIMITES DIFFUSIVES

5.3 Modélisation des conditions limites diffusives

Nous allons construire dans cette section une famille de conditions limites diffusives. La démarche de modélisation consiste à remplacer la relation τ = 0 par un succédané qui satisfait le critère de stabilité (conjecture 5.2.1). Ainsi, lorsque le fluide est sortant (u·n > 0), F (0, u) < 0 et la simulation numérique est stable – l’expression de la condition limite n’est pas modifiée. Par contre, lorsque le fluide est entrant, F (0, u) > 0 et la simulation numérique est instable – l’expression de la condition limite est modifiée pour annihiler l’effet déstabilisant de l’afflux positif de densité de puissance surfacique. Cette opération conditionnelle est décrite à l’aide d’une fonction échelon similaire à la fonction de Heaviside

S(u · n) =    1 si u · n < 0 0 si u · n > 0 (5.6)

La mise en oeuvre dans un programme d’éléments finis de la fonction (5.6) est problématique. D’une part, les formules d’intégration numérique requièrent une description continue élément par élément des tractions et, d’autre part, il est impossible de la linéariser en fonction de ses paramètres. En réponse à ces deux problématiques, Dong et al. (2014) ont proposé une approximation continue différentiable

S(u · n, δ) = 1 2  1 − tanhu · n δ  (5.7) dont la vraisemblance est contrôlée par un paramètre de forme positif δ. Ce paramètre doit être ajusté au problème étudié et à la discrétisation (maillage). Lorsque δ tend vers 0, la fonction S(u · n, δ) tend vers la fonction discontinue (5.6). Le paramètre δ contrôle le lissage

de discontinuité, et la valeur δ = 1/20 a été jugée adéquate pour nos simulations. −1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0.2 0.4 0.6 0.8 1

Figure 5.3 Fonction scalaire S(x, δ) avec δ = 1 20

La clef de la construction de la condition limite diffusive est l’identification d’une fonction vectorielle ˆτ telle que l’afflux positif de densité de puissance surfacique est annihilée, c’est- à-dire

F ( ˆτ , u) = ˆτ · u − ρu

2

2 u · n = 0

Immédiatement, deux candidats peuvent être déduits de la relation à équilibrer

F ( ˆτ , u) = ρu 2 2 n · u − ρ u2 2u · n = 0 et F ( ˆτ , u) = ρ(u · n)u 2 · u − ρ u2 2u · n = 0

En combinant ces deux relations avec la fonction échelon, nous obtenons deux conditions limites diffusives de la condition naturelle que nous nommons

τ1 = ρ u2 2 nS(u · n, δ) (5.8) τ2 = ρ(u · n) u 2S(u · n, δ) (5.9)

En ce qui concerne la dissipation de l’excès d’afflux d’énergie, les modèles τ1et τ2sont équiva-

lents, tout en interagissant différemment avec l’écoulement. En particulier τ1agit strictement

dans la direction normale à la paroi. Son action est donc dépendante de l’orientation et de la forme de la frontière de sortie. Par ailleurs, τ2 est toujours parallèle au vecteur vitesse, et

peut probablement exercer un contrôle plus efficace sur l’écoulement que sa contrepartie τ1.

Mentionnons également que les modèles τ1 et τ2 peuvent être combinées linéairement pour

Notation 5.3.1 (Famille de modèles λ(α, β, f )) Nous notons par

λ(α, β, f ) = ατ1+ βτ2+ f (5.10)

la famille de conditions limites diffusives. Le vecteur traction f est ajouté pour se comparer aux travaux de Dong et al. (2014) et de Dong et Shen (2015) résumés au tableau 5.1. Notation 5.3.2 (Famille de modèles Λ(α, β)) Nous notons par

Λ(α, β) ≡ λ(α, β, 0) = ατ1+ βτ2 (5.11)

la famille de conditions limites diffusives de la condition limite naturelle (f = 0).

La famille de modèles Λ(α, β) a été développée en utilisant la formulation de Cauchy des équations de Navier-Stokes (3.2a)-(3.2b) (NSD). Ce résultat s’applique également à la forme

simplifiée (3.1a)-(3.1b) en Laplacien des vitesses (NSL). Seule l’interprétation physique des

expressions est modifiée, car Λ(α, β) s’interprète alors comme des pseudo-tractions.

Tableau 5.1 Conditions limites de Dong et Shen (2015) pour les pseudo-tractions (˜τ ) et les tractions (τ ) λ(α, β, f ) τ ou ˜τ (1,0) f + ρ 2[u 2n]S(u · n) (0,1) f + ρ 2[(u · n)u]S(u · n) (1 2, 1 2) f + ρ 4[u 2n + (u · n)u]S(u · n) (2,0) f + ρ[u2n]S(u · n) (0,2) f + ρ[(u · n)u]S(u · n) (1,1) f + ρ 2[u 2n + (u · n)u]S(u · n)

Remarque 3 (Modèle diffusif) Si α + β = 1, alors le modèle est strictement diffusif, car il équilibre exactement l’afflux d’énergie : F (Λ(α, β), u) = 0 si u · n < 0.

Remarque 4 (Modèle sur-diffusif) Si α + β > 1, alors le modèle est sur-diffusif, car il prélève plus d’énergie que l’afflux : F (Λ(α, β), u) < 0 si u · n < 0. Les modèles sur- diffusifs peuvent s’avérer plus robustes que les modèles diffusifs, en atténuant plus fortement les structures de l’écoulement.

5.3.1 Commentaires sur l’art antérieur

Avec toute la rigueur mathématique qui s’impose, Bruneau et al. (1994) ont été les premiers à proposer plusieurs conditions limites diffusives obtenus par sérendipité, car la méthodologie pour les construire n’a pas été expliquée. Celles-ci ont été étudiées théoriquement pour les formes NSD et NSL des équations de Navier-Stokes. Bien qu’ayant anticipé l’usage de ces

conditions limites pour les écoulements externes autour d’un obstacle, seule la formulation NSD a fait l’objet de simulations numériques qualitatives dans un canal. À ce jour, on ne

connaît de ces auteurs aucune étude quantitative sur l’effet de leurs conditions limites sur la précision des forces et moments sur un objet immergé dans le domaine de calcul. De toutes les formulations proposées par ces auteurs, seule la condition limite Λ(0, 1) (cf. tableau 5.1) s’en approche.

Il faut attendre les travaux de Dong pour réaliser une synthèse exhaustive de l’art antérieur. On lui doit également une explication rigoureuse de l’incohérence de la condition limite de tractions nulles, lorsque le fluide est entrant à la sortie du domaine de calcul. Dans son article fondateur (Dong et al. (2014)), il est le premier à utiliser l’équation de l’énergie mécanique pour expliquer l’incohérence et en déduire la condition limite Λ(1, 0) (cf. tableau 5.1). Plus récemment, il a proposé une famille de conditions limites diffusives (Dong et Shen (2015)) similaire à celles que nous avons construite (cf. tableau 5.1). Dong et ses coauteurs analysent ces six conditions limites en fonction de la variation d’énergie cinétique interne au domaine. Ils arguent qu’il y a peu (ou pas) de différences quantitatives observables entre les résultats numériques obtenus de conditions limites sur-diffusives ou diffusives. Par ailleurs, ils notent que le champ de vecteurs vitesse et la décharge des tourbillons à travers la frontière de sortie sont qualitativement mieux représentés par les modèles sur-diffusifs, sans étayer cette observation par des résultats quantitatifs. Finalement, parmi ces dernières, la condition Λ(1, 1) leur apparaît moins susceptible de déformer les tourbillons.

L’art antérieur montre que les conditions limites Λ(α, β) ont été étudiées de manière ex- haustive, uniquement, pour l’approximation spectrale (PNPN) de la la formulation NSLdans

un référentiel inertiel. De plus, la très grande majorité de ces études se sont limités à des méthodes d’intégration en temps à l’ordre 2 et à pas constant.

Il n’existe aucune étude de conditions limites diffusives développées pour la simulation de l’interaction fluide-structure. Pour combler ce déficit de connaissances nous allons :

1. Étudier dans un référentiel inertiel les conditions limites Λ(α, β), pour l’approxi- mation spectrale (PNPN −1) de la formulation NSD et une discrétisation adaptative

satisfaisant la condition inf-sup. L’efficience de la combinaison conditions limites et contrôle de la discrétisation temporelle sera également évaluée.

2. Généraliser les conditions limites Λ(α, β) pour la formulation des équations de Navier-Stokes dans un référentiel accéléré. L’étude portera que sur les référentiels accélérés en translation par rapport au référentiel inertiel (de référence) ; le référen- tiel accéléré n’est donc pas en rotation et les effets de Coriolois sont absents de cette analyse.

3. Intégrer les conditions limites Λ(α, β) à la formulation monolithique des équations de Navier-Stokes dans un référentiel accéléré.

En continuité avec les travaux de Dong (Dong et al. (2014); Dong et Shen (2015)), nous simulerons l’écoulement non confiné autour d’un cylindre carré inséré dans un domaine de calcul rectangulaire. Les simulations seront réalisées pour diverses longueurs du domaine de calcul et pour une plage étendue du nombre de Reynolds pour évaluer l’influence de ces paramètres combinés aux conditions limites Λ(α, β).

5.4 Conditions limites diffusives en référentiel inertiel