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Chapitre 3 – Résultats et discussions

1. Caractérisation des formules lipidiques enrichies en AGPI-LC n-3

1.2. Etude de la stabilité oxydative des formules lipidiques

1.2.2. Stabilité chimique des formules lipidiques, en milieu dispersé

Du point de vue de l’oxydation, les émulsions huile dans eau constituent des systèmes plus complexes à étudier qu’une huile en phase continue. Due au risque d’évaporation de l’eau présente dans les milieux dispersés, les conditions d’auto-oxydation accélérées utilisées précédemment (i.e. 60°C) ne sont pas applicables. De plus, l’analyse des diènes conjugués nécessiterait, au préalable, une étape d’extraction des lipides qui peut augmenter le risque de peroxydation, en particulier lorsque celle-ci est déjà initiée. L’oxydation des émulsions est donc suivie directement sur les échantillons par le dosage du propanal, produit secondaire volatil caractéristique de l’oxydation des AGPI n-3 (Boyd et al., 1992). Ce protocole est également utilisé pour les liposomes.

1.2.2.1. Effet de l’émulsification sur l’oxydation des AGPI-LC n-3

La Figure 17 présente l’évolution, au cours du temps, de la teneur en propanal pour la formule TGn-3+PLveg, en phase continue et en émulsion, à 37°C. La formule en phase continue est caractérisée par une évolution lente de la concentration en propanal (0,04 nmoles/kg de lipides/h) pour atteindre une teneur finale de 1,2 nmoles/kg de lipides à 24 heures. L’émulsification (i.e. fabrication de l’émulsion et état dispersé de l’huile) favorise l’oxydation de l’huile comme le montre, d’une part, le taux initial de propanal qui passe de 0,2 nmoles de propanal/kg de lipides pour la formule lipidique en phase continue à 1,3 nmoles de propanal/kg de lipides pour la même formule en émulsion. D’autre part, la vitesse de

formation du propanal est deux fois plus rapide en milieu dispersé qu’en phase continue (0,08

vs 0,04 nmoles de propanal/ kg de lipides/h, respectivement).

Figure 17 : Cinétique d’évolution de la concentration de propanal (nmoles de propanal/kg de lipides) de la formule TG n-3+PLvegen phase continue (―) et en émulsion (---), à 37°C

TGn-3+PLveg : formule enrichie en huiles de poisson supplémentées en lécithine de soja (AGPI-LC n-3 estérifiés sur des TG).

Bien que les mécanismes de la peroxydation lipidique soient similaires en phases continue et émulsionnée, les cinétiques d’oxydation diffèrent de par : (1) les propriétés de l’interface des gouttelettes d’huile et (2) la répartition des molécules pro et antioxydantes, et des substrats oxydables entre les différentes phases (McClements and Decker, 2000). Il est donc aujourd’hui admis que le comportement oxydatif de l’huile varie en fonction de son état de dispersion (Berton‐Carabin et al., 2014). Selon les formulations étudiées, l’émulsification de l’huile peut stimuler (Mcclements and Decker, 2000 ; Berton‐Carabin et al., 2014) ou au contraire ralentir les réactions d’oxydation (Belhaj et al., 2010 ; Berton‐Carabin et al., 2014). Dans le cas d’une accélération des processus d’oxydation en milieu dispersé, différents facteurs peuvent être impliqués :

- La création d’une interface huile/eau favoriserait l’accessibilité de la phase huileuse pour l’oxygène dissout dans la phase aqueuse (Berton‐Carabin et al., 2014) ; l’oxygène étant 3 fois plus soluble dans l’huile que dans l’eau (Ke and Ackman, 1973).

- Le processus d’émulsification pourrait favoriser la production des radicaux libres par augmentation locale de la température en raison des contraintes de cisaillement (Mao et al., 2009 ; Berton‐Carabin et al., 2014 ; Jacobsen, 2015)

- Du fait de leur polarité, les peroxydes migreraient préférentiellement vers la zone interfaciale, favorisant de manière très localisée les étapes de propagation de la peroxydation lipidique (Labuza and Jr, 1971 ; Decker and McClements, 2001).

- Le contact entre les AGPI et les agents pro-oxydants pourrait être privilégié suivant la nature de l’interface.

Dans notre cas, les PL végétaux ne sont pas suffisants pour limiter l’oxydation des AGPI au cours de la phase d’émulsification de la formule enrichie en huiles de poisson (TGn-3+PLveg) malgré les précautions prises lors de la mise en émulsion de la formule, i.e. flux d’azote et basse température. De plus, lorsqu’ils sont à l’interface des gouttelettes, les PL pourraient même accélérer l’oxydation lipidique en favorisant le contact entre les AGPI et les agents pro-oxydants aqueux, par exemple par attraction électrostatique des cations bivalents avec les groupements phosphoryles des PL (Mei et al., 1998 ; Mancuso et al., 1999 ; Mcclements and Decker, 2000 ; Choi et al., 2010 ; Berton‐Carabin et al., 2014).

1.2.2.2. Effet de la structuration des PL marins en liposomes

Les PL marins peuvent se présenter sous différentes formes : (1) en solution quand ils sont simplement dissous dans une masse d’huile, (2) en émulsion, où ils sont localisés à l’interface huile/eau et (3) en phase aqueuse sous forme de liposomes où ils s’organisent en une ou plusieurs bicouches. Pour les 3 formes, le profil en AG et les quantités en AGPI n-3 sont similaires. Afin d’assurer un rapport air/huile identique dans les 3 cas, la suspension de liposomes marins est additionnée du même mélange d’huiles végétales que celui utilisé pour la préparation de la formule TGveg+PLn-3. La stabilité oxydative des AGPI-LC n-3 est suivie par la concentration en propanal (nmoles/kg de lipides) au cours du temps, à 37°C, pour les 3 formes de présentation des PL marins (Figure 18).

Figure 18 : Cinétique d’évolution de la concentration de propanal (nmoles de propanal/kg de lipides) pour différentes formes de structuration des PL marins de la formulation TGveg+PLn-3: en phase continue (―), en émulsion (---) et sous

forme de liposomes ( ̶ ▪ ̶ ), à 37°C

TGveg+PLn-3 : formule à base d’huiles végétales supplémentées en PL marins (AGPI-LC n-3 estérifiés sur des PL).

La formulation TGveg+PLn-3 en phase continue présente un taux initial de propanal faible

(0,2 nmoles/kg de lipides), qui n’évolue pas sur les 24 heures de période de mesure. L’émulsification de cette formule n’entraine pas de peroxydation significative des lipides, que ce soit en sortie de process (0,1 nmoles/kg de lipides, à T0) ou sur les 24 heures suivants l’émulsification (0,5 nmoles/kg de lipides). Par contre, la structuration des PL marins en liposomes se traduit par une teneur initiale en propanal nettement plus élevée (3,3 nmoles/kg de lipides), qui évolue rapidement au cours du temps (0,3 nmoles/kg de lipides/h) pour ensuite se stabiliser 10 heures après le process (11,5 nmoles propanal/kg de lipides).

Ainsi, lors de l’émulsification d’une huile, l’utilisation de PL marins est plus efficace pour limiter les réactions de peroxydation lipidique des AGPI-LC n-3 que la lécithine de soja au cours de l’étape de fabrication (0,5 nmoles propanal/ kg de lipides pour TGveg+PLn-3 en émulsion (Figure 18) vs 1,3 nmoles propanal/kg de lipides pour TGn-3+PLveg en émulsion ; Figure 17) et au cours du stockage à 24h. Outre la différence de structure chimique (TG vs PL),

ce résultat est en accord avec une étude montrant que la peroxydation du DHA en émulsion est inversement corrélée au diamètre des gouttelettes lipidiques (Gohtani et al., 1999). En effet, l’émulsion TGveg+PLn-3 est caractérisée par une taille de gouttes 7 fois plus grande (11,1 m) que celle obtenue avec l’émulsion TGn-3+PLveg (74,6 m). Cette différence induit une

surface spécifique 10 fois plus petite, réduisant ainsi l’interface de contact entre l’oxygène, les agents pro-oxydants et les AGPI-LC n-3. Ce résultat est intéressant d’un point de vue organoleptique. En effet, la libération d’aldéhydes, produits volatils secondaires d’oxydation des AGPI-LC n-3, est en partie responsable de l’odeur désagréable de « poisson » (Hammer and Schieberle, 2013; Sae‐leaw and Benjakul, 2014; Peinado et al., 2016). L’utilisation de PL marins pourrait donc être une piste intéressante pour la supplémentation de produits en AGPI-LC n-3, comme substitut aux huiles marines, pour améliorer les caractéristiques sensorielles des produits alimentaires.

Peu d’études se sont intéressées à la stabilité oxydative des liposomes préparés à partir de PL marins, mais elles montrent que les AGPI sont sensibles à l’oxydation (Nara et al., 1997 ; Nacka et al., 2001 ; Araseki et al., 2002) et que la stabilité oxydative des liposomes marins est très dépendante de la teneur en antioxydants. Par exemple, l’addition de 5 moles% d’α-tocophérol aux liposomes marins (1 mg/mL) est la quantité optimale de vitamine E pour prévenir l’oxydation des AGPI à pH 7,4 (Nacka et al., 2001). Dans notre cas, la précipitation des PL marins à l’acétone pourrait diminuer tout ou partie des tocophérols initialement présents dans la lécithine marine, favorisant les réactions d’oxydation au cours de la préparation des liposomes malgré les précautions prises (flux d’azote). Les réactions d’oxydation étant amorcées, elles se poursuivent au cours du stockage à la vitesse de 0,30 nmoles/kg de lipides/h malgré la présence des antioxydants des huiles végétales. Cet appauvrissement de la teneur en tocophérol associé à la petite taille des liposomes (diamètre 20 fois inférieur à celui des gouttelettes de l’émulsion) sont deux facteurs susceptibles de favoriser l’oxydation des AGPI n-3 contenus dans les lipides marins.