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De manière générale, les adolescents évoluent dans un système scolaire comprenant certains stéréotypes de genre qui conduisent à une division fille/garçon accentuée. Ils demeurent ainsi sensibles aux stéréotypes qui sont véhiculés tout au long de l’adolescence,

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période marquée par la construction identitaire (Duru-Bellat, 2016; Monteil et Huguet, 2002), et la volonté d’être reconnus par les pairs (Gavray, 2010). Cette exposition aux stéréotypes de genre influence également les choix d’orientations scolaires et de carrières professionnelles stéréotypées (Canzittu et Wiels, 2019; Duru-Bellat, 2004; Guimond et Roussel, 2002; Mosconi, 2004). Par ailleurs, les garçons du secondaire soulignent que les filles sont plus travaillantes et font plus d’efforts, alors qu’ils se décrivent comme paresseux mais intelligents (Jackson et Dempster, 2009). Ces stéréotypes caractérisant les garçons comme paresseux et les filles comme travaillantes ressortent également des recherches menées sur l’attribution du succès. Sans tenir compte des matières scolaires, les filles, plus que les garçons, soutiennent que l’effort est plus important pour la réussite scolaire (Mok et al., 2011), et les parents attribuent plus souvent la réussite des filles à l’effort comparativement aux garçons (Räty, Kasanen et Snellman, 2002). Enfin, les garçons attribuant la réussite scolaire aux filles ont tendance à emprunter une attitude négative envers l’école afin de ne pas être associés aux filles et ainsi, être marginalisés et ridiculisés par les autres garçons (Legewie et DiPrete, 2012).

Par ailleurs, plusieurs chercheurs ont tenté de vérifier l’évolution du stéréotype qui veut que les filles soient plus prédisposées à apprendre les langues et les garçons les mathématiques et les sciences. Dans ce qui suit, nous ferons donc une analyse de leurs études. Notre intérêt pour les recherches effectuées dans ces trois disciplines s’explique en

grande partie par la préoccupation persistante des chercheurs au cours des dernières décennies pour cette question.

Au cours des années 70, plusieurs chercheurs se sont intéressés au stéréotype qui véhicule l’idée que les filles sont désavantagées par rapport aux garçons dans le domaine des mathématiques. Parmi eux, Fennema et Sherman (1976) ont élaboré le Mathematics Attitudes Scale (MAS), soit un questionnaire à réponses autorapportées, pour évaluer dans quelle mesure les participants adhèrent aux stéréotypes de genre favorisant les garçons en mathématiques au détriment des filles. Leur première recherche effectuée à partir de ce questionnaire a permis de révéler que les filles du secondaire entretenaient la croyance selon laquelle les garçons réussissaient mieux en mathématiques que les filles (Fennema et Sherman, 1976). Au début des années 2000, certains chercheurs ont vérifié si les résultats obtenus par Fennema et Sherman (1976) à l’aide du MAS étaient toujours d’actualité. Ils sont toutefois arrivés à des conclusions contraires, ce qui rappelle que la notion de stéréotypie peut varier considérablement en fonction des époques et de la culture.

Cependant, en nous penchant sur les outils de collecte de données, notamment sur le MAS utilisé dans ces études, nous avons remarqué, tout comme Plante (2009), que seul le stéréotype de genre soutenant que les mathématiques sont considérées comme un domaine typiquement masculin est étudié. En effet, Fennema et Sherman (1976) n’ont pas examiné la présence possible de la croyance inverse à l’effet que les femmes seraient plus prédisposées pour les mathématiques. Pour pallier ce biais méthodologique et avoir ainsi un

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meilleur portrait de l’adhésion des filles aux stéréotypes de genre en mathématiques, Leder et Forgasz (2002) ont développé et validé un instrument de mesure en se fondant sur le MAS de Fennema et Sherman (1976), mais comportant trois sous-échelles distinctes : 1) les mathématiques comme un domaine masculin; 2) les mathématiques comme un domaine féminin et 3) les mathématiques comme un domaine neutre. Leurs résultats indiquent que les filles suisses, australiennes et étatsuniennes du secondaire adhèrent fortement à l’idée que les garçons et les filles possèdent des capacités similaires en mathématiques, menant ces chercheurs à conclure que la plupart des filles n’entretiennent plus de stéréotypes de genre en mathématiques. De plus, une tendance contraire au stéréotype a émergé au cours des dernières années voulant que les filles se disent maintenant en accord avec l’idée selon laquelle elles sont plus compétentes que les garçons en mathématiques (Martinot et Désert, 2007; Rowley et al., 2007). Les filles adhéreraient moins qu’auparavant aux stéréotypes les défavorisant en mathématiques comparativement aux garçons (Blanton, Christie et Dye, 2002; Chatard et al., 2007; Leder et Forgasz, 2002; Schmader et al., 2004). Toutefois, la question reste loin d’être clairement tranchée, car certaines filles croient toujours au stéréotype qui fait état de leur compétence plus faible que celle des garçons en mathématiques (Bergeron, Block et Echtenkamp, 2006; Cadinu, Maass, Lombardo et Frigerio, 2006; Good, Aronson et Harder, 2008; Nosek, Banaji et Greenwald, 2002). Parallèlement, malgré une présence plus marquée des femmes en sciences, les stéréotypes à leur égard perdurent encore ces dernières années dans ce domaine (MESI, 2016). On considère encore que le travail scientifique convient mieux aux garçons qu’aux filles. En

présence d’un tel stéréotype négatif à l’école, les filles perdraient confiance en leurs capacités au cours du cursus scolaire et viendraient à choisir d’autres domaines d’emplois qui ne sont pas en lien avec les sciences. Outre l’école, les médias et la famille contribueraient à la perpétuation de ce stéréotype (MESI, 2016).

Sur le plan des recherches effectuées sur la question des stéréotypes de genre en langues, nous remarquons que les filles et les garçons entretiennent l’idée que les filles sont plus prédisposées à réussir en langues que les garçons (Eccles et Wigfield, 2002; Guimond et Roussel, 2002; Halpern et al., 2007; Jacobs, Lanza, Osgood, Eccles et Wigfield, 2002). D’ailleurs, les filles et les garçons attribuent un caractère féminin à l’apprentissage des langues, ce qui les amène à penser que les garçons sont plus désavantagés que les filles dans ce domaine (Chatard et al., 2007; Guimond et Roussel, 2001; Kiefer et Sekaquaptewa, 2007; Plante, Théorêt et Favreau, 2009a; Rowley Kurtz-Costes, Mistry et Feagans, 2007).

En conclusion, sur le plan scolaire, certains stéréotypes de genre persistent et véhiculent encore aujourd’hui l’idée que les garçons présentent de meilleures capacités que les filles en mathématiques et en sciences (Guimond et Roussel, 2001; Halpern et al., 2007; MESI, 2016; Schmader et al., 2004; Steele, 2003), alors que les filles réussissent davantage que les garçons en langues (Guimond et Roussel, 2001; Rowley et al., 2007). Mentionnons tout de même que les stéréotypes favorisant les garçons en mathématiques tendent à s’atténuer ou même à s’inverser (Chatard et al., 2007; Plante et al., 2010). De plus, l’adhésion aux stéréotypes de genre influence négativement le sentiment de compétence des

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élèves et la valeur qu’ils attribuent aux apprentissages (Bonnot et Croizet, 2007; Plante, Théorêt et Favreau, 2009b). D’ailleurs, les stéréotypes de genre en mathématiques, en sciences et en langues sont susceptibles d’avoir des effets néfastes sur la réussite et la persévérance scolaires des élèves québécois (MESI, 2016; Plante, Théorêt et Favreau, 2010). En effet, les stéréotypes de genre en mathématiques ont un effet négatif sur le rendement des filles à des tâches cognitives liées à cette matière (Nguyen et Ryan, 2008) et permettent de prédire des perceptions de compétence moins élevée ainsi qu’un plus faible intérêt des filles dans ce domaine (Kiefer et Sekaquaptewa, 2007; Nosek, Banaji et Greenwald, 2002; Schmader et al., 2004). Selon nous, il en irait de même pour l’adhésion des garçons au stéréotype de genre voulant qu’ils soient moins prédisposés que les filles à l’apprentissage des langues. En effet, les garçons éprouvant un faible sentiment de compétence pour l’apprentissage des langues en raison des perceptions stéréotypées qu’ils entretiennent viendrait influencer négativement leur réussite dans ce domaine.

Les dernières études recensées ont porté sur les stéréotypes de genre chez les élèves. Puisque le personnel enseignant a été identifié précédemment comme un acteur important dans la transmission des stéréotypes de genre, nous avons jugé pertinent de nous intéresser à ces stéréotypes chez le personnel enseignant.