• Aucun résultat trouvé

6. RELATION ENSEIGNANT-ÉLÈVE

6.1 Aspect affectif de la relation enseignant-élève

Nous aborderons l’aspect affectif de la REE à la lumière de la théorie de l’attachement (Bowlby, 1969). Contrairement à Freud, qui soutenait que l’enfant s’attache à sa mère parce qu’elle prend soin de le nourrir, Bowlby (1969) relie l’attachement au besoin de contacts sociaux. Le développement émotionnel et social d’un enfant passe avant tout par la création d’une relation d’attachement avec au moins un adulte de son entourage. Cet adulte doit donc être en mesure de répondre adéquatement aux différents signaux de l’enfant,

notamment en prenant soin de lui et en répondant à ses besoins de manière cohérente et continue (Bowlby, 1969). La relation d’attachement se développe le plus souvent avec la mère à partir des échanges initiés avec son enfant. À son tour, l’enfant tente d’établir une relation avec sa mère en manifestant des comportements innés (des cris, des pleurs, des sourires, etc.). Les réponses de la mère aux comportements de l’enfant influenceront le devenir de la relation ainsi que la qualité de l’attachement. La relation est décrite comme étant sécurisante dans le cas où l’enfant développe un modèle interne lui permettant d’anticiper positivement les interactions futures. Ainsi, un enfant qui perçoit la figure d’attachement comme disponible et constante dans la réponse à ses besoins sera davantage enclin à explorer son environnement. Par opposition, un enfant qui développe un attachement insécurisant compte tenu d’une figure d’attachement absente ou inadéquate risque de percevoir l’environnement comme dangereux (Bowlby, 1969).

Nous retenons donc que l’enfant, qui a développé une relation sécurisante avec une figure d’attachement, se sent en confiance pour explorer son environnement, ce qui facilite par le fait même ses apprentissages (Ainsworth, 1989; Baumeister et Leary, 1995). Dans le cadre de notre recherche, nous nous sommes intéressé aux élèves du secondaire et à la continuité du modèle interne d’attachement jusqu’à l’adolescence. Au sujet de ce modèle, Bowlby (1969) soutient qu’il varie peu contrairement à la figure d’attachement qui, elle, change pour le conjoint ou la conjointe ou encore des amis proches. La continuité du modèle d’attachement à l’adolescence ou à l’âge adulte peut être rompue par des facteurs environnementaux perturbants vécus lors des étapes développementales de l’adolescence ou

Cadre de référence 93

de l’âge adulte (Bowlby, 1982). D’ailleurs, la continuité du modèle d’attachement demeure plus stable à l’adolescence et au début de l’âge adulte (Allen, McElhaney, Kuperminc et Jodl, 2004; Sampson, 2005) : c’est ce qu’ont observé Hamilton (2000) et Waters, Hamilton et Weinfield (2000) pour un peu plus de 70 % des jeunes évalués, qui ont maintenu un type d’attachement confiant au cours des vingt premières années de leur vie. Le maintien de ce type d’attachement s’explique principalement par les relations multiples et significatives qu’ils ont vécues. Néanmoins, la discontinuité du modèle d’attachement est possible à l’adolescence dans le cas de dépressions, de consommation de psychotropes, de violence physique ou sexuelle, de pauvreté ou de relations familiales conflictuelles (Allen et al., 2004; Sampson, 2005). Dans ces conditions, le modèle d’attachement confiant des jeunes a tendance à passer à celui d’attachement anxieux dans près de 90 % des cas et à rester stable pour près de 60 % des cas à l’âge adulte (Lewis, Feiring et Rosenthal, 2000). L’augmentation de la proportion d’attachement anxieux des adolescents peut s’expliquer par la montée du nombre de divorces ou de séparations des parents (Allen et al., 2004).

D’autres recherches sur la REE s’appuyant sur les fondements de la théorie de l’attachement soulignent qu’un sentiment similaire de confiance et de sécurité s’installe entre le personnel enseignant et l’élève (Pianta, 1999; Roorda et al., 2011; Saft et Pianta, 2001). D’ailleurs, une bonne relation entre le personnel enseignant et son élève peut compenser une relation insécurisante avec le parent (Birch et Ladd, 1997; Pianta, 1997). La relation parent-enfant et la REE influencent l’enfant sur le plan du développement global,

sur le devenir scolaire et l’adaptation sociale ainsi que sur les relations ultérieures entretenues par l’enfant à l’égard de ses pairs (Pianta, 1997). La théorie de l’attachement prédit des résultats contraires pour les enfants qui n’ont pas développé une relation sécurisante. Ainsi, lorsque les interactions avec les autres se définissent par la colère, la peur, la méfiance et la déception, il y a absence du sentiment de sécurité permettant à l’enfant de s’engager (Bowlby, 1969). Les enfants sont ainsi moins portés à faire confiance aux autres, ce qui conduit à de moins bonnes relations dans le futur (Birch et Ladd, 1997). À l’école, les élèves n’ayant pas une REE positive sont moins portés à s’engager dans les activités d’apprentissage. Alors, une moins bonne qualité des relations réduit les interactions entre le personnel enseignant et les élèves, ce qui est associé au désengagement et à un moins bon rendement scolaire pour les élèves (Hamre et Pianta, 2005).

De manière générale, les élèves sont porteurs d’attitudes et de comportements ayant une influence sur la relation entretenue avec le personnel enseignant (Davis, 2003). Au secondaire, les élèves expriment de plus en plus le besoin d’établir des relations positives et gratifiantes avec les pairs et les adultes non parentaux, comme le personnel enseignant (Ryan et Patrick, 2001). Toutefois, la qualité de la REE est directement reliée à celle de la relation parent-enfant (Kennedy et Kennedy, 2004). En fait, les expériences relationnelles négatives vécues par l’enfant et son parent risquent de se transposer avec les adultes de son entourage, notamment en se montrant méfiant dans ses relations avec le personnel enseignant. Cette méfiance envers les adultes a tendance à se perpétuer dans le temps et à se maintenir au-delà du primaire et ainsi affecter négativement la REE au secondaire (Davis, 2003).

Cadre de référence 95

Parallèlement, les enfants ayant un attachement sécurisant avec leur mère sont davantage portés à établir des relations étroites et de soutien avec le personnel enseignant de première année du primaire, contribuant positivement par le fait même à leur compétence scolaire ainsi qu’à des relations positives avec les pairs (Verschueren, Doumen et Buyse, 2012). Ainsi, la REE ne dépend pas seulement des habiletés interpersonnelles de l’enfant, mais aussi du personnel enseignant et des interactions quotidiennes vécues avec les élèves. Autrement dit, bien que la perspective de l’attachement tende à expliquer la REE, d’autres facteurs interagissent dans ce type de relation tout au long du développement de l’enfant (Sabol et Pianta, 2012).

À la suite de ces propos sur l’aspect affectif de la REE, nous envisagerons donc cette dernière sur le plan cognitif.