• Aucun résultat trouvé

La notion de stéréotype en linguistique provient d’une approche sémantique où le mot désigne le référent avec une description partagée et commune aux locuteurs de la

langue en associant à la signification du mot les composants cognitifs concernant le

référent. Par exemple, le mot « zèbre » renvoie à la signification lexicale et également aux

traits spécifiques et partagés par les locuteurs, à savoir les zébrures noires sur la robe

blanche de l’animal. Le stéréotype renvoie ainsi à l’ensemble des traits qui constituent le

lexique d’une langue dans une société donnée [PUTNAM, H., 1975]. On parle

d’association sémantique. Le stéréotype peut être rapproché du topos car il constitue lui

aussi un ensemble de croyances et d’opinions partagées qui peuvent servir de support, de

garant à l’argumentation discursive. Le stéréotype est formé d’un savoir de sens commun,

aussi il peut varier à la fois dans l’espace et dans le temps, suivant les changements des

sociétés et des époques. C’est le cas, par exemple, du mot « casbah » dont P. Siblot a fait

l’étude sémantique, [SIBLOT, P., 1993].

Dans la théorie des stéréotypes [ANSCOMBRE, J.C., 2001], développée en

s’éloignant de celle des topoï, que J.-C. Anscombre réfère à la notion d’H. Putnam selon

laquelle :

« la valeur sémantique d’un terme, sa signification n’est pas une intension et qu’elle n’est donc pas un mode de donation de l’extension, c’est-à-dire du référent », [ANSCOMBRE, J.C., 2001: 58].

La signification ne donne pas une description identifiante d’un objet du monde. Il

faut donc en rendre compte par un ensemble non-fini de propriétés associées à un mot.

Putnam, en définissant la signification comme « une formule normale de description » de

la représentation sémantique attachée à un terme, considère que celle-ci est formée de

stéréotypes [PUTNAM, H., 1975] constituant la compétence du locuteur. Il prend

l’exemple de l’eau dont l’extension H

2

O ne relève pas de la compétence linguistique d’un

locuteur quel qu’il soit car cela n’est pas partagé de façon générale et commune, il faut des

connaissances en chimie. Par contre, la signification du mot « eau » associe un ensemble de

stéréotypes qui en forme sa constitution même comme les traits « incolore »,

« transparent », « sans goût », « désaltérant », etc. Ils renvoient à l’usage standard de la

langue. Le mécanisme stéréotypique régit ainsi le fonctionnement de la langue en tant que

pratique individuelle de locuteurs. Ce serait donc une suite de phrases de la langue en lien

avec le mot qui formeraient sa signification. J.-C. Anscombre considère alors la théorie des

stéréotypes qu’il élabore comme une théorie qui conçoit le sens en tant qu’un ensemble de

phrases [ANSCOMBRE, J.C., 2001]. Il donne pour cela deux hypothèses essayant de

définir le stéréotype : tout d’abord les phrases stéréotypiques sont des séquences

génériques potentielles. Il y aurait un stéréotype primaire associé de façon stable à un mot

et un stéréotype secondaire qui serait attaché localement à l’occurrence du terme.

Contrairement à la théorie des topoï, la théorie des stéréotypes se base sur des phrases de

la langue et non pas sur des entités abstraites que représentent les formes topiques.

L’ensemble de ces phrases, dites stéréotypiques, forme la signification du mot.

3.3. La sémantique des possibles argumentatifs (SPA)

La théorie de la sémantique des possibles argumentatifs relève à la fois de la filiation

de la sémantique argumentative [ANSCOMBRE, J.C. et DUCROT, O., 1983, CAREL, M.

et DUCROT, O., 1999, DUCROT, O., 1995] et de celle de l’approche des stéréotypes

linguistiques [KLEIBER, G., 1999, PUTNAM, H., 1975]. La sémantique des possibles

argumentatifs aborde l’analyse du discours par le prisme d’un modèle de description de la

signification lexicale qui peut restituer les représentations du monde perçu et « modélisé »

par la langue. Ce modèle cherche également à rendre compte du « potentiel argumentatif »

des mots qui est directement influencé par l’environnement sémantique de la phrase

énoncée par le locuteur mais aussi par l’environnement pragmatique du discours. Cette

approche considère que l’environnement sémantico-pragmatique peut modifier la valeur

du sens activée par le potentiel argumentatif dans l’énoncé soit en le renforçant soit en

l’affaiblissant. Certains cas où la valeur est intervertie sont également envisagés,

[GALATANU, O., 2002a]. Il s’agit d’observer le pouvoir de la parole, dans tout type de

discours, sur les systèmes de construction des croyances et des valeurs et de déterminer

comment ces systèmes se constituent et se reproduisent. L’hypothèse réside dans le fait

que ces constructions seraient essentiellement de deux ordres : le premier serait un

phénomène de consolidation et le second celui d’une reconstruction, d’une modification.

Cette théorie sémantique permet de mettre à jour l’interaction du discours et de la

signification des mots sur les différents axes mis en œuvre dans l’acte de parole. Elle

aborde la description de la signification lexicale à partir du degré de stabilité des

associations des représentations du monde qui constituent les blocs argumentatifs. Cette

démarche permet d’étudier le fonctionnement des unités lexicales dans le discours. Elle

observe la production et l’interprétation du sens qui se manifestent par des phénomènes

sémantico-discursifs et par des phénomènes pragmatico-discursifs (inférentiels). La

description de la signification lexicale, en raison du sens et de sa nature argumentative, doit

répondre aux questions :

« a) de la représentation du monde perçu et « modélisé » par la langue. La signification y apparaît comme « une conceptualisation largement identique d’un individu à l’autre, ce qui forme une sorte de socle pour une intercompréhension réussie » (Kleiber, 1999), ayant une fonction de « stabilisation du monde dans la langue ».

b) du potentiel argumentatif des mots et, notamment du niveau d’inscription de ce potentiel, dans la signification lexicale. Largement inspirée de la description qu’en fait le philosophe américain H.Putnam, notre proposition consiste à dire que la signification lexicale peut être définie en termes de noyau de traits de catégorisation (…), de stéréotype (ensemble d’éléments de signification) associé durablement au mot (Putnam, 1975, 1990, 1994) et de « possibles argumentatifs » qui relient les éléments du stéréotype à d’autres représentations sémantiques (stéréotypes d’autres mots, par exemple), qui se superposent (…) et que nous avons appelé (…) « nuages topiques ». », [GALATANU, O., 2003: 72-73].

Les significations des entités linguistiques interagissent et forment l’environnement