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L’analyse du discours procédera en trois moments pour mieux rendre compte des différentes directions et influences qu’a prises cette approche linguistique : les analyses du

discours (1.1), les contextes linguistiques du courant (1.2) et l’analyse du discours comme

modèle englobant (1.3).

1.1. L’analyse et/ou les analyses du discours

L’analyse du discours observe les entités linguistiques dans leur rapport à leurs

conditions de production. Ce domaine des sciences du langage s’est développé à partir des

années 1950 et connaît différents sources et positionnements. Ce courant s’est inspiré des

travaux faits par les structuralistes qui ont développé la notion de texte et ont étudié

notamment les poèmes comme textes en élaborant une approche linguistique de la

littérature. À partir de là, il est nécessaire de distinguer la notion de discours par rapport à

celle de texte. La notion de texte renvoie à un ensemble fermé dans lequel les énoncés

étudiés sont essentiellement des écrits. A contrario, la notion de discours concerne l’étude

des pratiques langagières et leur contexte de production dans leur aspect social,

psychologique et intersubjectif. Elle observe le processus de la parole, à la fois à l’écrit et à

l’oral, et son actualisation.

D’autre part, la notion de discours repose la distinction langue/parole de F. de

Saussure en mettant un lien d’interdépendance entre les deux et modifiant également

l’approche linguistique [DETRIE, C., SIBLOT, P., VERINE, B., 2001]. Pour Saussure,

l’objet de la linguistique est la langue et l’extension maximale de ce champ est la phrase.

Lorsqu’on fait référence au terme de langue, on renvoie à un ensemble de faits observables

qui font un système dans lequel ils sont interdépendants et régis par des règles. La notion

de discours traite en terme d’énoncés et un discours peut relever à la fois d’un mot, d’une

phrase et de plusieurs phrases, peu importe. La structure du discours devient fluctuante

suivant son actualisation. La dichotomie langue/parole se conçoit comme l’opposition

système/usage. Le linguiste récolte les faits de parole pour construire l’objet abstrait, la

langue. En cela, la conception saussurienne considère la parole indépendamment des

normes sociales, contrairement à l’analyse du discours. La parole est le produit de l’activité

langagière, l’utilisation individuelle et actualisée de la langue par ses locuteurs. La notion de

discours s’en éloigne dans la mesure où elle représente plus que l’usage de la langue, elle

prend en considération également le contexte de production et l’interaction du linguistique

avec le non-linguistique.

La démarche adoptée dans ce travail pour l’interface langue/discours s’articule

autour de la dynamique et de la circulation du discours. L’utilisation conjointe de théories

de l’argumentation et de l’analyse du discours nécessite au préalable de se positionner

concernant cette nomenclature et ainsi de déterminer la conduite de l’analyse du discours.

En ce qui concerne l’analyse du corpus, je conçois la relation entre la langue et le

discours comme un mouvement de circularité où les frontières sont perméables, floues. La

langue serait une abstraction de l’usage ou des usages recensés diachroniquement et

synchroniquement de la parole, qu’elle soit écrite ou orale. La parole est posée comme

l’actualisation de la langue en discours. Elle est le processus de cette dynamique entre

langue et discours. La langue est indissociable du fait social ; elle appartient au lien social et

le construit. La langue représente alors de façon recréée la potentialité de construction du

discours en général. Le discours, quant à lui, relève du concret, il est la réalisation de ce

potentiel linguistique par les locuteurs de la langue. Le discours actualise les formes

linguistiques dans un énoncé particulier en relation directe à un événement social précis. À

partir de ces postulats, on voit la relation langue/discours en dynamique afin de pouvoir

évaluer l’évolution de la construction des discours et de là même, saisir l’argumentation qui

y est en jeu. La langue sert donc de référent linguistique, pendant que le discours est l’objet

d’étude. Mais cela implique par ailleurs que les faits linguistiques observés dans le discours

construit peuvent venir alimenter et modifier la langue qui serait alors conçue comme la

représentation de l’évolution linguistique.

Aussi l’analyse du discours « consiste en l’explicitation du/des sens du discours

analysé, à l’aide d’outils qui permettent de le saisir et de le décrire dans sa matérialité »,

[DETRIE, C., SIBLOT, P., VERINE, B., 2001]. Les entités linguistiques produisent du

sens en discours. L’analyse du discours ou plutôt les analyses du discours, comme le note

D. Maingueneau dans un article sur l’actualité en matière d’analyse du discours, ont trouvé

différentes formes de recherches [MAINGUENEAU, D., 1995]. Tout d’abord, après

l’influence formaliste et structuraliste dans les années cinquante, s’est développée une

analyse du discours anglo-saxonne avec notamment Z. S. Harris (Discourse analysis,

1952). Dans les années soixante, l’analyse du discours à la française s’est cristallisée autour

de M. Pêcheux, la principale figure de ces axes de recherches, [PECHEUX, M., LEON, J.,

BONNAFOUS, S., MARANDIN, J.-M., 1982]. Il a notamment orienté l’analyse du

discours vers l’analyse automatique utilisant de larges corpus informatisés permettant ainsi

de dégager les caractéristiques des discours en les confrontant à d’autres. Ce champ de

l’École française de l’analyse du discours, basé sur le modèle de Harris, a également la

particularité de s’être inspiré de la linguistique structurale, de la psychanalyse (J. Lacan) et

de la théorie de l’idéologie d’Althusser [ROBIN, R., 1973]. L’analyse du discours à la

française a surtout travaillé sur les discours politiques mais elle a traversé une crise dans les

années 1970-1980, son approche marxiste et psychanalytique s’épuisant avec les

événements historiques. M. Foucault dans son ouvrage, Archéologie du savoir

[FOUCAULT, M., 1969] ouvre d’autres possibilités à l’analyse du discours en

questionnant les rapports entre pratiques discursives et pratiques sociales [ROSIER, L.,

2004a : 99]. D. Maingueneau développe, dans la filiation à Foucault, ces aspects en

étudiant les dispositifs énonciatifs [MAINGUENEAU, D., 1979 , 1981]. Les travaux de

M. Bakhtine également permettent de s’interroger sur les genres de discours et la

dimension dialogique de l’activité discursive [MAINGUENEAU, D., 1982]. De nouvelles

formes se sont ensuite développées en se nourrissant notamment de domaines de

recherches voisins. L’analyse du discours évolue vers des corpus relativement contraints,

[COURTINE, J.-J., 1981], le souci de s’intéresser à la fonction discursive mais aussi aux

propriétés linguistiques, une relation privilégiée avec les théories de l’énonciation. Elle

renouvelle aussi l’intérêt porté à l’interdiscours et aux réflexions sur les modes

d’inscription du sujet dans le discours.

1.2. Les contextes scientifiques sur les phénomènes linguistiques dont les théories de

l’énonciation

Des courants ont influencé les orientations de l’analyse du discours, notamment les

théories de l’énonciation. On évoquera ici certains d’entre eux, [SARFATI, G.-E., 1997].

Tout d’abord, l’approche communicationnelle qui repose sur la réflexion menée sur le

fonctionnement de la communication linguistique a participé au développement de

l’analyse du discours. R. Jakobson propose notamment un modèle du processus de la

communication qui a été repris par les travaux des pragmaticiens et de l’analyse du

discours en France. Les fonctions du langage avec le schéma communicationnel

permettent d’appréhender le discours et son interaction avec le social.

Ensuite l’approche sociolinguistique qui étudie la variété des usages dans une